Goldman Sachs Asset Management projette, que d’ici 2050, l’Inde deviendra le second contributeur du PIB mondial devant les Etats-Unis.
L’élection en 2014 du premier ministre Narendra Modi du BJP (Bharatiya Janata Party) a créé le déclic. Un climat de confiance s’est installé. Depuis, le cycle de consommation privée, principale source du PIB, a rebondi. Deux ans après, la démonétisation implantée par Modi, où les billets de 500 et 1’000 roupies ont été supprimés, a été un signal fort de lutte anti-corruption. Sa longue réforme - mais nécessaire - de la taxe sur les biens et services (GST) est aujourd’hui opérationnelle. L’Inde est enfin prête à récolter les fruits des ajustements macro-économiques entrepris par ce gouvernement réformiste. Le point avec Luke Barrs, responsable des fonds EMEA chez Goldman Sachs Asset Management.
Alors que la croissance du PIB nominal est sortie légèrement en-dessous des attentes (contrairement à la croissance du PIB réel), les indicateurs de confiance des entreprises se sont améliorés de façon significative. «Il y a aujourd’hui une dichotomie intéressante entre les données macro-économiques qui se détériorent et micro-économiques qui s’améliorent», observe Luke Barrs. Cela se traduit par la reprise des dépenses en capex privé (capital expenditure). Selon lui, cette divergence signifie que la croissance des bénéfices dirigera la hausse du cours des actions indiennes. «Avec un PIB nominal qui revient graduellement à sa moyenne long terme de 13% et une continuation des dépenses en capex privé, nous estimons que les bénéfices d’entreprise devraient croître aux alentours de 15% dans l’année à venir», souligne-t-il. Ces dépenses prendront le relais du capex public qui a été le moteur de la croissance jusqu’à présent. Le gouvernement a ouvert tous les secteurs aux investissements directs étrangers, un domaine que Modi promeut activement à travers le monde. En janvier, il s’est rendu personnellement au forum économique de Davos. La réforme de simplification fiscale de la taxe sur les biens et services a permis de faciliter la marche des affaires: le pays s’est élevé de la 142e place à la 100e selon l’index de la World Bank sur la facilité des affaires. Cela laisse encore un potentiel d’amélioration, notamment au niveau des barrières bureaucratiques et des infrastructures physiques et digitales. L’on note aussi un retour au pays des flux d’investissement, ce qui suggère un retour de la confiance des investisseurs locaux. «Les investisseurs locaux ont seulement récemment commencé à réallouer aux actions domestiques, même si le niveau alloué reste inférieur aux pics historiques».
Les plus grands pays émergents ont profité du rebond de 20% du prix du brut depuis le début de l’année. A l’exception de l’Inde. «Le pétrole a toujours été une préoccupation macroéconomique à court terme dont le point crucial est le cadre de temps d’une hausse», estime Luke Barrs. Selon lui, le pays peut s’adapter à une tendance haussière inscrite sur le long terme alors qu’une flambée sur 1 à 3 mois serait plus difficile. «Un rythme de croissance normal du PIB de 12 à 14% est capable de contenir les hausses du prix du baril aussi longtemps que le ratio PIB /pétrole reste consistant. Par exemple, lorsque le pétrole a grimpé de 27 à 100 dollars entre 2000 et 2010, l’économie s’est étendue de 3 fois, le ratio PIB/pétrole est resté constant et les indices boursiers indiens se sont multipliés de 4 fois».
des répercussions plutôt inflationnistes que fiscales.
Historiquement, le pétrole était importé via les compagnies indiennes de raffinerie ; toutes ces sociétés étaient subventionnées. D’où une augmentation abyssale du déficit fiscal. Aujourd’hui, le gouvernement a délaissé ce mécanisme généralisé de subvention et laisse les prix fluctuer plus librement. En conséquence, les hausses du prix du brut ont désormais des répercussions plutôt inflationnistes que fiscales. L’inflation est passée d’un niveau extrêmement bas pour un pays émergent, de 1,5%, à 5,5% à cause du rebond. «Nous surveillons de très près le risque inflationniste d’une envolée rapide des prix du pétrole mais nous avons moins de préoccupations sur une hausse sur le long terme.»
La baisse du prix du pétrole a permis de diminuer la facture énergétique totale d’un pays qui reste un gros importateur énergétique et qui en est à ses balbutiements en matière d’efficience énergétique. Mais un changement s’est amorcé avec l’émergence de l’énergie solaire dans une région du monde qui ne manque pas de soleil. Les énergies éoliennes font aussi timidement leur apparition. Les niveaux actuels de la courbe des prix du pétrole justifient l’essor de ces énergies nouvelles mais c’est avant tout, une prise de conscience sur les effets de la pollution, qui va généraliser l’utilisation des énergies propres.
Dans son fonds actions sur l’Inde, Goldman Sachs Asset Management trouve plus d’opportunités dans le segment de petites et moyennes capitalisations boursières où les perspectives de croissance des bénéfices et de ROE (Return on Equity) pourraient bénéficier davantage de la hausse de la demande domestique. «Ce segment a contribué à la plus grande source d’alpha», explique Luke Barrs. La firme américaine possède sa propre équipe d’analystes financiers locaux pour suivre un univers de 700 sociétés difficiles à suivre depuis l’étranger. La couverture de ce type de sociétés étant inexistante ou très faible, le fonds a pour but de capturer l’inefficience du marché. «Contrairement aux grosses capitalisations très couvertes par les analystes, les «small et mid cap» sont beaucoup moins efficients et peuvent parfois offrir un potentiel de hausse de plus de 100%», souligne-t-il. La stratégie du fonds va encore plus loin dans son approche d’investissement. «Nous avons une approche holistique et nous passons beaucoup de temps avec les équipes managériales pour mieux comprendre ce qu’ils font et aussi pour qu’ils comprennent notre perspective, avec l’espoir qu’ils puissent croître et s’épanouir davantage».
Les prochaines élections auront lieu dans une année, et les probabilités que le parti de Modi maintienne son pouvoir sont très hautes. La démonétisation a permis de rediriger une masse de liquidité dans les circuits économiques officiels et à améliorer la situation fiscale. Beaucoup de nouveaux défis attendent encore ce pays de 1,3 milliard d’habitants comme l’amélioration des lenteurs des réformes liés au système politique et celle de l’état des infrastructures existantes. L’ère Modi a insufflé le dynamisme dont l’Inde avait besoin pour réaliser son potentiel économique. C’est une belle histoire à jouer: un «Buy and hold» pour une vision à long terme.