Technologie: se méfier de l’hypermédiatisation

Salima Barragan

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«Même si la technologie semble géniale, les actions de l’entreprise ne le sont pas forcément», déclare Richard Clode de Janus Henderson.

Intelligence artificielle, conduite autonome, apprentissage machine; en marge du matraquage médiatique sur les technologies futuristes, comment distinguer l’euphorie des tendances durables? Selon le cycle de l’hypermédiatisation, la phase du «Hype» précède toujours celle de désillusion. Richard Clode, responsable de la cogestion du Janus Henderson Global Technology Fund, joue la thématique en combinant les grandes et les petites capitalisations.

Processus d’apprentissage machine, une tendance séculaire

L’intelligence artificielle n’est pas un nouveau concept mais les investissements ont atteint un point d’inflexion. Ce terme fourre-tout comprend plusieurs disciplines à divers stades d’avancement. Les processus d’apprentissage du langage (NLP) qui ont réalisé d’énormes progrès offrent un réel potentiel commercial. «Il est déjà possible d’avoir une conversation intelligente avec l’application Google Duplex. Jusqu’à présent, l’algorithme de Google permettait d’effectuer des réservations simples mais nous pouvons imaginer dans le futur des interactions avec des machines pour effectuer des tâches plus compliquées», explique Richard Clode. Des domaines d’application qui pourront éventuellement remplacer les services à la clientèle.

Les entreprises chinoises ont pu tester leurs algorithmes
en direct avec des caméras de surveillance.
Le jeu dangereux des données personnelles

Malgré des attentes irréalistes dans le passé, la reconnaissance d’images a aussi beaucoup progressé durant ces dernières années. Ces techniques permettent entre autres de rechercher dans les vidéos. En revanche, le débat sur la reconnaissance faciale – en conflit avec la confidentialité des données personnelles – a gagné les hautes sphères politiques. «Les Chinois sont les spécialistes de la reconnaissance faciale et à ce titre, ils sont sur la liste noire de Donald Trump», explique Richard Clode. Vont-ils utiliser ces technologies à mauvais escient? «Il y a toujours un risque. Mais pour attirer les investisseurs, ces entreprises vont devoir démontrer qu’elles prennent au sérieux la protection de la vie privée», répond-il.

Si la Chine est devenue le leader incontesté de la reconnaissance faciale – alors que tous les autres pays sont à la traîne – c’est parce que les entreprises chinoises ont pu tester leurs algorithmes en direct avec des caméras de surveillance, alors que leurs concurrents occidentaux évoluent dans des environnements où ces pratiques sont interdites. Le problème n’est pas tant la technologie, mais la responsabilité de celui qui l’utilise. «En tant qu’investisseur, nous aidons les entreprises à se responsabiliser et à former ces technologies pour le bien de la société», affirme Richard Clode.

La conduite autonome et l’apprentissage machine, pour bientôt?

Pas de doute. Pour le spécialiste, la conduite autonome est en phase de matraquage médiatique. «Les gens redeviendront réalistes sur cette technologie qui ne sera de toute façon pas prête avant dix ans. De plus, les possibilités seront restreintes tout simplement parce que les images sont limitées», estime Richard Clode.  

Nous sommes encore bien loin d’une idée d’intelligence
artificielle générale qui surpasserait l’homme.

De même, l’apprentissage machine s’inspire des réseaux neuronaux humains pour créer des réseaux d’apprentissage sur des machines. Certains résultats se sont avérés très fiables mais pour l’heure, aucune entreprise ne peut se vanter d’avoir percé les secrets du fonctionnement du cerveau. «Les réseaux sont entrainés à un apprentissage spécifique et ne peuvent pas apprendre autre chose car il manque certains liens que la science n’a pas encore identifiés», tempère Richard Clode.

Les attentes de l’intelligence artificielle sont immenses, mais nous sommes encore bien loin d’une idée d’intelligence artificielle générale qui surpasserait l’homme.

Un positionnement pragmatique

Janus Henderson investit dans les actions, et non dans la technologie. «Même si la technologie semble géniale, les actions de l’entreprise ne le sont pas forcément», déclare Richard Clode. Pour soutenir le thème séculaire de l’intelligence artificielle, il mise sur les semi-conducteurs: «Nous nous attendons à ce que l’industrie se reprenne même si les actions ont bien anticipé cette reprise». Il parie aussi sur les puces graphiques de Nvidia ou celles fabriquées par Google. Enfin, les plateformes internet comme Amazon, Alibaba et Google utiliseront davantage l’intelligence artificielle dans leurs services: «Jusqu’à présent l'algorithme de recherche de Google s'est appuyé sur l'historique des recherches humaines pour fournir les meilleurs résultats de recherche, mais il les superpose maintenant à l'intelligence artificielle pour mieux interpréter nos recherches».