Réactions aux sanctions contre l'Iran

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Trump s'est prononcé. Et maintenant que va-t-il se passer?

Fidèle à lui-même et au démantèlement systématique des travaux de son prédécesseur, Donald Trump annonçait mardi le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien avec l’habituel assortiment de sanctions et de menaces à qui les enfreindraient. Les réactions n’ont guère tardé. 

Des pertes en fonction de quatre scénarios principaux

Jon Anderson, Head of Commodities chez Vontobel

La nomination de Pompeo et de Bolton a rendu inconcevable une position modérée sur le régime iranien. Ils soutiennent Donald Trump dans la réalisation de sa promesse de se retirer de l'accord nucléaire iranien et de rétablir des sanctions économiques étendues. Il est douteux que les États-Unis parviennent à convaincre quiconque, Israël excepté, de se joindre à ses mesures de rétorsion contre l'Iran. Néanmoins, il semble que Trump soit déterminé à sanctionner également toute entité non-américaine qui continue de traiter avec l'Iran à l’issue du délai de grâce de 180 jours. Par ailleurs, le conflit entre Israël et l'Iran est déjà sur la voie d’une escalade dangereuse. Si l'Iran reprend son programme nucléaire, une réponse militaire incluant des frappes préventives redevient possible. Jon Anderson classe l’impact attendu sur la production de pétrole brut de l'Iran selon quatre scénarios principaux:

Scenario Perte de production et d’exportation de l’Iran Remarques
Sanctions US uniquement 0,3-0,8 million b/j Le niveau de perte dépend du degré et de l’efficacité des sanctions.
Sanctions U.S. + UE 0,5-1,0 million b/j Perte équivalente au gain qui avait suivi l’accord de 2015.
Escalade militaire > 0,8 million b/j Le rétablissement des sanctions pourrait conduire l’Iran à reprendre son programme nucléaire. Le niveau de perte au-dessus de 0,8 md/j dépendra du degré d’escalade.
Nouvel accord 0 million b/j Difficile d’amener l’Iran à négocier au vu du retrait des Etats-Unis.
Le prix du pétrole au-dessus de 75 dollars 

Philippe Waechter, Directeur de la Recherche Economique chez Ostrum Asset Management

La décision de la Maison Blanche de sortir de l’accord avec l’Iran nous oblige à prévoir un prix du pétrole durablement au-dessus de 75 dollars le baril. Il est ce matin à près de 77 dollars comme le montre le graphe ci-dessous. L’Iran représente près de 10% de la production de l’OPEP et 3,9% de la production mondiale. C’est aussi plus de 9% des réserves mondiales. Les mesures prises par Donald Trump vont limiter la capacité de l’Iran d’avoir accès aux technologies les plus productives sur le pétrole. Or c’est un secteur où l’innovation va bon train et où la nécessité d’investir est forte. A court terme, je n’imagine pas de stratégie dans laquelle l’Europe, très impliquée en Iran, puisse adopter une stratégie de rapport de force avec les USA. Les entreprises européennes devront s’adapter aux contraintes et aux sanctions américaines. En outre cette décision crée le risque d’une vraie cacophonie diplomatique au Moyen Orient où les risques de conflits s’accroissent presque instantanément après le choix américain. L’incertitude devient palpable. 

Après les sanctions contre la Russie, il y a celles contre l’Iran (et indirectement le Qatar qui est soutenu par l’Iran) et avant peut être celles sur le Venezuela, le prix du pétrole est poussé durablement à la hausse au grand bénéfice des producteurs américains dont l’activité n’a jamais été aussi intense. 

Cependant, n’oublions pas qu’un pétrole plus cher peut avoir une incidence sur la croissance y compris aux USA. Le monde n’est pas un jeu à somme nulle comme le croit la Maison Blanche et les faits montreront à Donald Trump qu’il fait fausse route.

Recours à la production de shales US

Nitesh Shah, Stratège commodities chez ETF Securities

Si les sanctions sont limitées aux Etats-Unis et que les entreprises obervent une conformité minimale, la perte de disponibilité devrait être de l’ordre de 300'000 barils/jours. Peu de pays adhèrent à la position américaine et tous les efforts seront faits pour maintenir les flux ouverts. Dans ce scenario, la variation de l’offre pourrait être compensée par les Etats-Unis qui peut accroitre sa production, ou par l’OPEP qui dispose de capacités inutilisées mais dont on ne connait pas la position. En 2017, les États-Unis ont augmenté leur production de 464 000 barils par jour dans un environnement de prix plus bas. Les contraintes d'infrastructure rendront difficile la poursuite de l'expansion à un tel rythme, mais les prix élevés l’encourageront. Nous sommes probablement déjà proches des prix maximaux dans un tel scénario. 

En se basant sur l’expérience de 2012, on peut estimer toutefois que si l’UE imposait également des sanctions, la perte d’offre s’élèverait à un million de barils/jour, une quantité très difficile à récupérer. En tenant compte de l'implosion économique du Venezuela, il sera difficile pour l'OPEP de combler un déficit de cette ampleur. Même si la Russie peut être persuadée d’accroitre sa production, il faudra du temps pour l'accélérer dans les régions froides. Donc, si l'UE adhère aux sanctions, le cours du pétrole ne peut qu’augmenter.

Le nombre de forages aux États-Unis a augmenté au cours des cinq dernières semaines consécutives. Avec un seuil de rentabilité inférieur à 50 USD / baril et un cours du WTI autour de 71 USD / baril, la marge de manœuvre reste importante. Les aspects économiques sont favorables, mais à un moment donné, les contraintes d'infrastructure limiteront l'expansion.

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