A qui profiteront les baisses des taux?

Lowie Debou, DPAM

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La récession de la zone euro et le ralentissement de l’économie américaine devraient paver la voie à des baisses de taux salvatrices pour les investissements en obligations d’Etat.

©Keystone

 

Les experts financiers s’accordent globalement sur le fait qu’une période favorable à l’investissement en obligations d’Etat s’ouvre. Cet attrait, s’il ne doit pas éluder la persistance de risques, incombe largement aux anticipations de baisses des taux de la part de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Réserve fédérale (Fed). Les signaux macroéconomiques les plus récents semblent en tout cas aller dans le sens d’un tel scénario. En mars 2024, la BNS ouvrait ainsi le bal en ramenant son taux directeur à 1,50%. Il s'agit de la première banque centrale d'un marché développé qui a décidé de réduire son taux directeur. Cette décision était basée sur ses prévisions actualisées d'une inflation fortement inférieure à l'objectif au cours des trimestres et des années à venir. Dans les pays développés, la plupart des banques centrales s'apprêtent à réduire leurs taux directeurs à partir du mois de juin.

Des économies vacillantes de part et d'autre de l'Atlantique

L'Europe est entrée dans une nouvelle phase de son cycle économique. Jusqu'à l'été 2023, elle se trouvait clairement en territoire d’expansion. Toutefois, la faiblesse de son secteur manufacturier et de son économie des services l’a progressivement entraînée dans une phase de ralentissement. Face à ce qui s’apparente désormais à une dégradation significative des chiffres de l’emploi, elle entre dans une phase de récession. Si la dernière hausse de taux de la BCE a eu lieu en septembre 2023 et que l'inflation a continué à diminuer fortement, le taux directeur réel a continué à augmenter. Or, en l’état, l’économie européenne peut difficilement supporter des taux directeurs élevés, situation qui devrait paver la voie à une tendance baissière. Ce changement de cap pourrait être rapide, en témoigne la vitesse à laquelle le bund allemand à 10 ans a vu son rendement passer 3% à 1,9% au dernier trimestre 2023.

Le dernier Livre beige fait état d’un ralentissement général de l'activité et d’une diminution de la demande de main-d'œuvre.

Aux Etats-Unis, la situation est quelque peu différente. L'économie est restée forte tout au long de l'année 2023, principalement grâce au budget expansionniste du gouvernement et à l'épargne excédentaire accumulée par les consommateurs lors de la pandémie. Si cela a permis à l'économie de mieux résister à la hausse des taux d'intérêt, des premiers signes de faiblesse apparaissent à l'horizon. Le dernier Livre beige (rapport de la Fed synthétisant les commentaires économiques des Réserves de district) fait ainsi état d’un ralentissement général de l'activité et d’une diminution de la demande de main-d'œuvre. L'augmentation des retards de paiement sur les cartes de crédit et les prêts automobiles constitue un autre facteur inquiétant. Or compte tenu des hauts taux d'intérêt actuels, cette dynamique négative pourrait se poursuivre. Face au risque que le ralentissement de l'économie américaine affecte négativement le marché de l'emploi en 2024, la politique monétaire de la Fed devrait par conséquent être orientée à la baisse. Malheureusement, au cours des derniers mois, il est clair que la politique budgétaire continue de produire ses effets et que l'inflation montre des signes de réaccélération.

Baisses de taux en vue

Ce contexte économique est porteur d’opportunités sous réserve que les investisseurs adoptent le bon positionnement. Les indicateurs à disposition laissent présager que l'économie européenne pourrait déjà être en récession et que l'objectif de la BCE en matière de réduction de l’inflation serait proche. La probabilité d’une baisse prochaine des taux par la BCE est donc importante. Au cours des dernières semaines, la BCE a confirmé que la première baisse des taux d'intérêt interviendrait en juin, mais que la trajectoire ultérieure dépendrait des données économiques. Ce scénario ouvre la porte à une pentification de la courbe des taux, et donc à des positionnements particulièrement intéressants sur le segment des obligations d’Etat entre 2 et 10 ans («2Y10Y»), plus sensibles aux changements de politique monétaire. En matière d’investissement, la pentification comporte l’avantage d’une prévisibilité qui se vérifie historiquement. Dès lors que la BCE commencera à abaisser son taux directeur, la courbe des taux d'intérêt sur le segment du 2Y10Y sortira rapidement et significativement de son territoire d’inversion actuelle.

Les baisses de taux de la Fed devraient intervenir plus tardivement que celles de la BCE, en raison notamment de la politique budgétaire expansionniste du gouvernement américain et de l’excès d’épargne dont bénéficient encore les consommateurs. Or les fonctions de réaction des deux institutions ne diffèrent pas pour autant.  Lors de sa dernière réunion en date du 19 mars 2024, la Fed a certes laissé ses taux inchangés, mais ses membres ont maintenu leurs prévisions établies à trois baisses en 2024. Cela confirme la fin de la rhétorique «Higher for longer», que Jerome Powell entérinait déjà fin 2023 en déclarant que des baisses de taux étaient «en vue». Ainsi, une pentification de la courbe américaine est également à prévoir, en particulier sur le segment du 2Y10Y.

Dans ce contexte qui devrait s’avérer favorable aux obligations d’Etat, certains pays, parmi lesquels la Nouvelle-Zélande, offrent des perspectives particulièrement intéressantes. La banque centrale néozélandaise était en effet la première au sein du groupe des pays développés à relever ses taux au cours du dernier cycle haussier connu. Les effets de cette politique monétaire commencent à se faire sentir. Au cours de l'année 2023, le chômage est passé de 3,4% à 4%, quand l'inflation chutait de 5,6% à 4,5%. Le PIB disponible était quant-à-lui négatif au troisième trimestre 2023. Ces données allant dans le sens d’un marché qui évalue mal les taux d'intérêt nationaux, on pourrait observer des réductions de taux plus nombreuses que prévu. Plus globalement, le contexte paraît favorable à un allongement des durations et à surpondération des titres américains, néozélandais, et, dans une certaine mesure, des titres de certains pays européens et émergents.

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