Quelles évolutions profondes cette crise va-t-elle provoquer?

Nicolas Pelletier, REYL

3 minutes de lecture

Quelles leçons peut-on tirer de la crise actuelle au niveau économique et en matière d’investissements?

Au-delà de la crise sanitaire, du drame humain et du courage du corps médical, des actions massives des gouvernements et des banques centrales pour éviter des faillites en chaîne, cette pandémie révèle plusieurs tendances de fond. Entre la croyance, pour certains, d’une remise en cause complète du système économique actuel, et pour d’autres, d’un retour au business as usual, quelles évolutions profondes cette crise va-t-elle provoquer? Il y a plusieurs enseignements à tirer, dès aujourd’hui, de la situation inédite que nous vivons. Deux tendances semblent se dessiner avant tout: l’économie de l’hygiène et de la santé pour tous, ainsi qu‘une rupture dans nos modes de vie, en particulier notre rapport au temps et à l’espace.

Investir dans l’économie de l’hygiène et de la santé

Cette crise est l’occasion de se souvenir que l’hygiène est un enjeu économique, social, culturel et politique majeur. D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus de 45% de la population mondiale n’a pas accès à des services d’hygiène efficaces et plus de 40% n’a pas de moyen de se laver les mains à domicile. Plus de 2 milliards de personnes n’ont pas de sanitaires. La nourriture de plus de la moitié de la population de la planète passe par des marchés de gros à l’hygiène douteuse. Au moins 10% de la population mondiale mange de la nourriture irriguée par des eaux usées. Dans de nombreux pays, le confinement est une mesure impossible à appliquer, en particulier dans certains quartiers surpeuplés et trop souvent insalubres.

Il faut souhaiter une prise de conscience de certains pays, dont les Etats-Unis
où une large partie de population est mal ou pas assurée.

Il serait donc particulièrement important et pertinent d’investir à long terme dans l’économie de l’hygiène et de la santé. Une étude de l’OMS de 2012 a montré que chaque euro investi dans l’hygiène en rapporte 5, en réduisant le nombre de morts prématurées et les dépenses de santé ainsi qu’en augmentant la productivité. Un concept d'hygiène aussi simple que celui de se laver les mains n'est pas forcément enseigné par les parents aux enfants et c'est souvent l'école qui y supplée. Une étude menée par l’UNICEF en 2017 en Chine souligne que la distribution de savon dans les écoles primaires réduirait certaines maladies et, de fait, l’absentéisme des élèves.

L’origine de cette crise révèle aussi que le réchauffement climatique, le déclin de la biodiversité et la déforestation massive déstabilisent les écosystèmes et risquent de multiplier les pandémies tropicales dans les années futures, d’où la nécessité de renforcer massivement et durablement les mesure d’hygiène dans le monde.

Investir dans ces secteurs peut se faire via des sociétés cotées en bourse, comme plusieurs laboratoires pharmaceutiques actifs dans la recherche d’un vaccin contre le Covid-19, les fabricants d’équipements médicaux et de tests, les entreprises spécialisées dans les produits d’hygiène ou celles se chargeant du recyclage de ces produits, aujourd’hui encore trop souvent avec des emballages en plastique à usage unique, ou encore les secteurs d’infrastructures, comme les réseaux de gestion des eaux usées. Il faut souhaiter une prise de conscience de certains pays, dont les Etats-Unis où une large partie de population est mal ou pas assurée, de l’importance d’investir dans des systèmes d’assurance santé plus universels et équitables.

Une rupture de nos modes de vie

Quand l’épidémie s’éloignera, verra-t-on naître un nouveau paradigme d’organisation du travail et de nos modes de vie?

Cette crise met en exergue de nombreux problèmes structurels
dans nos économies et permettra une accélération du changement.

Nous pourrons tirer le meilleur des nouvelles pratiques que cette crise nous aura imposées: passer plus de temps avec les siens et dans la nature, cuisiner et passer du temps à table, sélectionner les déplacements les plus utiles. La découverte des vertus du télétravail permettra, entre autres, de diminuer le temps de déplacement dans les transports publics surchargés et de réduire ainsi la consommation de carburants polluants. Cette crise nous aura aussi permis de mieux utiliser les nouvelles technologies pour s’informer, enseigner ou se former, diagnostiquer et soigner, et se cultiver. Lorsque la distanciation sociale est requise, le numérique permet de renouer les liens. La pandémie va permettre de lever de nombreux freins et d’accélérer la mutation numérique de l’économie.

Plusieurs titres de sociétés cotées permettent d’investir dans ces nouvelles tendances structurelles: les sociétés de logiciels facilitant le télétravail, les sociétés de médecine à distance et d’éducation à distance, ainsi que les acteurs liés aux infrastructures et logiciels pour le cloud. D’ailleurs, il n’aura pas fallu longtemps pour que les acteurs de Wall Street favorisent les entreprises adeptes du nouvel adage stay at home. On y retrouve plusieurs sociétés directement bénéficiaires de cette crise, aussi diverses que Netflix, Zoom, Slack, Activision Blizzard, New York Times, Spotify, Sonos, Citrix, Amazon, Blue Apron, Alibaba ou Campbell Soup. Bon nombre d’entre elles vont devoir également mieux sécuriser leurs approvisionnements en relocalisant une partie de leur production et en repensant leur chaîne logistique. Enfin, il se pourrait que les emplois perdus dans la distribution classique le soient définitivement si cette épidémie accélère le basculement vers la distribution en ligne.

En définitive, cette crise met en exergue de nombreux problèmes structurels dans nos économies et permettra une accélération du changement.  Des évolutions pour lesquelles nous pouvons réfléchir et investir dès maintenant pour le long terme! Cette crise pourrait aussi nous inciter à prendre au sérieux l’une des seules choses au monde qui est vraiment rare, qui a vraiment de la valeur: le temps. Celui de notre vie quotidienne, que l’on ne doit plus perdre dans des activités futiles ou inutiles. Celui de notre civilisation enfin, que l’on peut préserver en favorisant davantage la bienveillance, la solidarité avec les populations les plus fragiles, la coopération entre pays et un plus grand respect de notre environnement au sens le plus large. 

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