Quand les mauvaises nouvelles redeviennent de bonnes nouvelles

Yves Hulmann

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Chiffres de l’emploi décevants aux USA, indicateurs de confiance en repli en Europe, tout est bon pour espérer de nouvelles injections de liquidités.

©Keystone

Vend en mai mais n’oublie pas de revenir en septembre, dit l’un des adages boursiers les plus célèbres. Sauf que cette année, il valait mieux revenir sur les marchés déjà à partir de juin. Depuis le début du mois, l’indice S&P 500 aux Etats-Unis a regagné plus de 7%, tandis qu’en Suisse le SMI, qui a franchi pour la première fois le seuil historique des 10’000 points la semaine dernière, s’est redressé de près de 4%.

Comment expliquer l’ampleur du récent rebond des marchés, alors qu’à fin mai les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, les actes de sabotage de pétroliers autour du détroit d’Ormuz et des indicateurs en ralentissement en Europe promettaient un été boursier des plus houleux? Le tournant est intervenu durant la première semaine de juin.

Le premier étage de la fusée a été lancé le 4 juin par la Fed, lorsque son président Jerome Powell a ouvert la porte à d’éventuelles baisses de taux d’intérêt en indiquant que l’institution surveillait de près les possibles effets de l’intensification de la guerre commerciale. 

La disparition du mot «patience» du discours de Jerome Powell
a eu comme un effet magique sur les bourses.

Le deuxième étage de la fusée a été déployé trois jours plus tard. Le 7 juin, les statistiques décevantes en termes de créations d’emplois aux Etats-Unis – malgré taux de chômage toujours au plus bas situé à 3,6% - ont permis d’entrouvrir encore un peu plus la porte à de futures baisses des taux. En mai, la première économie mondiale n'avait créé que 75’000 emplois, soit deux fois moins que prévu. Il n’en a pas fallu davantage pour que les analystes voient dans ces chiffres la probabilité quasi certaine que la Fed abaisse une première fois ses taux cet été, faisant bondir les marchés. 

Enfin, le troisième étage de la fusée a été déployé lors de la réunion des 19 et 20 juin. La disparition du mot «patience» du discours de Jerome Powell lors de la réunion du comité de politique monétaire a eu comme un effet magique sur les bourses. 

Du côté de la Banque centrale européenne (BCE), qui n’avait, elle, qu’à peine commencé de normaliser sa politique monétaire, personne n’envisage plus qu’elle resserre le robinet des liquidités alors que de nombreux indicateurs ont récemment montré des signes de faiblesse dans la zone euro. 

La perspective de prochaines baisses de taux de la Fed pour éviter tout risque
de ralentissement aux Etats-Unis ne rappelle pas que de bons souvenirs.

Dans ce contexte, les marchés ne manquent pas de célébrer d’ores et déjà de futures injections de liquidités par les grandes banques centrales mondiales chaque fois qu’un indicateur avancé montre quelques signes de faiblesses.

Tout va donc à nouveau pour le mieux dans un marché revigoré par les promesses de nouveaux programmes d’assouplissements quantitatifs ? Certains éléments viennent troubler ce tableau quasi idyllique de croissance modérée et de liquidités à nouveau plus abondantes. Tout d’abord, le récent rebond de l’or – qui a cassé vendredi le seuil des 1’400 dollars l’once, son plus haut niveau depuis trois ans – indique que la confiance des investisseurs n’est peut-être pas aussi élevée qu’on pourrait le supposer. Ensuite, même si les marchés des actions évoluent à nouveau essentiellement dans le vert, la volatilité n’est de loin pas redescendue à ses niveaux d’avant janvier 2018. Les intervenants sur les marchés ne semblent pas encore prêts à lâcher leur smartphone, même lorsqu’ils sont au bord de la piscine.

Enfin, d’un point de vue plus fondamental, la perspective de prochaines baisses de taux – qui seraient quasiment préventives dans le cas présent – de la Fed pour éviter tout risque de ralentissement conjoncturel aux Etats-Unis ne rappelle pas que de bons souvenirs. Au tournant du Millénaire, les baisses de taux mises en place par Alan Greenspan, alors que l’économie américaine montrait les premiers signes de ralentissement quand la bulle Internet a commencé à se dégonfler, a certes permis à la première économie mondiale de continuer de tourner à plein régime jusqu’au milieu de 2001. Le retour de bâton sur les marchés n’en avait pas été moins brutal durant les années qui ont suivi.

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