Quand l’incertain devient certain

Michel Saugné, La Financière de l’Echiquier (LFDE)

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Nouveaux rebondissements dans la guerre commerciale que mène l’administration Trump face au reste du monde.

Derniers épisodes en date de cette série haletante. Mercredi 28 mai: à la surprise générale, les trois juges du tribunal de commerce international des Etats-Unis ont bloqué les droits de douane réciproques annoncés lors du Liberation Day. Retour à la case départ le jeudi 29 mai: en urgence, la cour d’appel suspend l’application du jugement de la veille, le temps de se prononcer sur le fond. 

Dans cette guerre, un nouveau front juridique s’ouvre, et avec lui, une escalade tracée pour atteindre le sommet du pouvoir judiciaire aux Etats-Unis: la Cour suprême. Cette bataille juridique porte sur le champ des pouvoirs de la Maison-Blanche face au Congrès. Si son issue est aujourd’hui incertaine, ses conséquences économiques directes le sont moins, elle prolonge une période d’indécision sur de nombreux plans.

Au niveau commercial d’abord, comment les entreprises peuvent s’engager dans des projets industriels ambitieux alors que plane du brouillard sur les coûts futurs des biens étrangers? 

Pour les ménages, la valse des étiquettes a débuté dans la grande distribution qui répercute déjà une partie de la hausse effective des taxes douanières. Quelle stratégie de consommation adoptée si les prix venaient à faire le chemin inverse? Ou, si au contraire, les niveaux de taxation remontaient de nouveau, faute d’accords avec la Chine ou l’Union européenne par exemple?

Sur le plan diplomatique ensuite. Sur quelles bases les partenaires commerciaux des Etats-Unis doivent-ils engager des négociations? A partir des taux annoncés le 2 avril? Ou sur un niveau a priori réduit, si le Congrès devait avoir son mot à dire sur le périmètre et le niveau des taxes?

Alors que le budget 2026 est en pleine négociation au Sénat américain, après son approbation à la Chambre des représentants, quels contours lui donner alors qu’une large partie de l’augmentation des recettes doit provenir de la hausse des taxes douanières, aujourd’hui indécises?

Au niveau calendaire, alors qu’une partie des taxes douanières sont suspendues, qu’adviendra-t-il après le 8 juillet pour la plupart des Etats? Pour l’Union Européenne dès le 9 juillet? Et pour la Chine post 9 août?

Enfin, cette situation demeure tout autant kafkaïenne pour la réserve fédérale américaine. Incapable d’anticiper l’impact sur l’inflation et la croissance de la guerre commerciale, elle semble condamnée à adopter une posture attentiste devant tant de flous.

Même si les marchés financiers ont été, jusqu’ici, relativement résilients eu égard à tant d’incertitudes, un constat se dégage tout de même: la défiance a changé de camp. Alors que l’exceptionnalisme américain était en vogue jusqu’à l’investiture de Donald Trump, la thèse du «tout sauf des actifs américains» l’emporte depuis, avec un dollar en baisse, des taux obligataires gouvernementaux en hausse, cela couplé à une préférence pour les actions extra-américaines. Une certitude: l’incertitude a bien un coût.

 

Opinion rédigée le 30 mai 2025

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