Qu’attendre de la prochaine réunion de la BCE?

Salima Barragan

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Selon Julien Daire de CPR AM, la BCE continuera à stabiliser le marché avec succès.

Si la Banque centrale européenne s’est abstenue d’intervenir à l’occasion de sa dernière réunion d’octobre, elle va vraisemblablement jouer ses prochains coups lors de celle du 10 décembre. Le ralentissement de l’inflation et la résurgence de la pandémie l’obligeront à assouplir davantage sa politique. Le point avec Julien Daire, directeur de la gestion taux et crédit chez CPR AM.

«COMBLER LE FOSSé»

Durant la crise, la BCE a renforcé son bilan de 2’000 milliards d’euros sur deux axes: le refinancement des banques et les rachats de titres obligataires. Lors de ses opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO), elle avait augmenté les maturités des prêts au banques afin d’améliorer les conditions de crédit au secteur privé.  Simultanément, elle a racheté une bonne partie des émissions nettes (émissions brutes minorées par les remboursements des dettes arrivant à échéance) obligataires d’entreprises non financières (50% sur les 6 derniers mois) lors d’une année qualifiée de record en termes de volume d’émissions sur le marché primaire. «Ses actions ont largement réussi à favoriser le refinancement des entreprises», estime Julien Daire.

Lors de son prochain meeting, la banque centrale cherchera à temporiser les marchés jusqu’à la commercialisation d’un vaccin pour éviter un mouvement de faillites. Mais elle le fera sans baisser son taux de dépôt. «Aux yeux de la BCE, le taux de dépôt est devenu un outil conventionnel devant être utilisé hors des situations de crise», explique Julien Daire. En revanche, «elle étendra son programme de rachat d’actifs de 500 ou 600 milliards de titres supplémentaires et annoncera un délai du réinvestissement des titres arrivant à maturité jusqu’au moins fin 2023 au lieu de décembre 2022.  Enfin, la BCE devrait aussi assouplir ses opérations de financement à long terme ciblées en augmentant la durée ou en abaissant les taux d’intérêt pour éviter la contraction des crédits aux entreprises», ajoute-t-il.

Grâce aux actions de la BCE, la demande de crédit ne se tarit pas.
INFLATION NEGATIVE EN EUROPE

Les indicateurs d’inflation ainsi que d’anticipation d’inflation sont suivis de très près par la BCE : «Depuis la crise, l’inflation totale est négative en Europe. L’inflation sous-jacente a également baissé à cause de facteurs durables mais aussi temporaires tels que la baisse de la TVA en Allemagne qui s’est répercutée par une baisse des prix», explique Julien Daire. Les anticipations d’inflation se sont également dégradées même si l’annonce du programme de rachat d’actifs a permis de stopper leur baisse. Elles sont aujourd’hui stabilisées, mais à un niveau très bas.

RECHERCHE DE RENDEMENT

Grâce aux actions de la BCE, la demande de crédit ne se tarit pas. Selon Julien Daire, «les investisseurs recherchent le rendement sur les classes offrant une prime sur le taux souverain». Le montant des titres souverains achetés par la BCE a dépassé les déficits attendus des Etats de la zone euro, permettant ainsi de contrôler leurs taux de refinancement. «Les rachats de titres ont mené à la compression des écarts de spread entre pays européens», poursuit-il.

Si la BCE ne devrait pas abaisser ses taux davantage, le spécialiste estime qu’elle ne les remontera pas avant 2021, sous réserve d’un scénario de sortie de crise sanitaire. Les taux souverains vont donc rester bas pour une période prolongée.

Partie intégrante des rachats des banques centrales, les marchés du crédit Investment Grade restent résilients malgré la contraction de l’économie. «Le segment affiche des performances positives en Europe et aux Etats Unis. Le segment du high Yield US, plus risqué, est lui aussi positif malgré des taux de défaut conséquents sur les sociétés dans l’énergie. Sur le marché monétaire, les rendements des TCN s’enfoncent en territoire négatif proche du taux de dépôts de la BCE. Aussi, les offres sur le marché du refinancement à court terme se font de plus en plus rares, car les entreprises ont de moins en moins d’intérêt à émettre sur les maturités courtes», souligne le spécialiste.

En revanche, les banques commerciales ont resserré leurs conditions de crédit sur l’année pour les ménages et les entreprises. «En septembre, nous avons observé une contraction du crédit sur les entreprises non financières». Une situation que la BCE cherchera justement à éviter lors de son prochain meeting.