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Reconsidérer ses priorités. Petite analyse des conséquences de la crise de la COVID sur l’emploi avec Thomas Deburggraeve et Julian Tavares (photo) d’Albedis.

La crise de la COVID a modifié le marché de l’emploi de manière pour le moins inattendue. Car contrairement à d’autres chocs économiques, elle ne parait pas avoir mis les employés à la merci des employeurs. «Nous sommes témoins de nouveaux comportements peu observés par le passé» affirme Julian Tavares, responsable du pôle banque privée et gestion de fortune chez Albedis.

Après plus de 15 ans dans la finance, certains candidats qui évoluent pourtant dans un cercle d’établissements prestigieux, remettent en question leur avenir au sein de l’industrie. Les conditions salariales ne sont plus la première motivation d’un changement: il est qui est prêt à «sacrifier» une partie de sa rémunération pour bénéficier de plus de flexibilité en termes de présence au bureau par exemple. 

Le sacro-saint CV a perdu de sa valeur au détriment de la personnalité, de la vision et de l’attitude du candidat.

Côté candidats, l’éthique et les valeurs de l’entreprise (ou tout au moins celle de l’équipe où le candidat s’inscrira) font l’objet de questionnements. Un point positif pour le chasseur de tête car sa connaissance du futur employeur devient une vraie valeur ajoutée. 

Côté entreprises, le sacro-saint CV - sans parler du business plan si cher aux gestionnaires de fortune - a perdu de sa valeur au détriment de la personnalité, de la vision et de l’attitude du candidat. Les qualités décelées lors de la rencontre remettent l’humain au cœur d’un projet qui se doit pourtant d’être rapidement rentable.

Le domaine bancaire plutôt classique est secoué par la fintech. Les start-ups savent séduire par leur côté humain car, dans des univers où la taille reste modeste et la hiérarchie plate, l’impact du candidat est immédiatement perceptible. Avec en toile de fond l’espoir que sa contribution rapprochera le projet de son objectif ultime: «révolutionner» l’industrie. Par ailleurs, certains projets tech matures ont créé une passerelle entre finance classique et fintechs. Que certains candidats commencent à utiliser, dans un sens comme dans l’autre. 

Certains secteurs ont été touchés de plein fouet par la crise (l’hôtellerie ou la restauration). Elle en favorisé d’autres, les professions médicales en particulier. Mais, confirme Thomas Deburggraeve, directeur général d’Albedis, les chercheurs d’emploi veulent autre chose. «Alors qu’il y a quelques années, ils cherchaient ‘du solide’, ils répugnent davantage à s’engager à long terme». Et de continuer, «on voit de plus en plus de slashers1, ces jeunes qui veulent une vie professionnelle sur mesure et qui cumulent, voire juxtaposent, plusieurs emplois de nature complètement différente à condition que les dits-emplois soient en adéquation avec leurs envies personnelles». 

Le goût de changer d’univers a fait son chemin mais la COVID a précipité le phénomène.

Certes, depuis les chèvres du Larzac, le goût de changer d’univers a fait son chemin mais la COVID a précipité le phénomène. Les candidats questionnent beaucoup. Politique de home office, flexibilité des horaires, responsabilité sociale de l’entreprise, engagement dans la transition énergétique. Les candidats veulent des employeurs moins rigides, plus à l’écoute, plus «responsables». Corollaire, l’industrie du tabac peine à recruter. Et beaucoup préfèrent se mettre à leur compte - le groupe Interiman voit d’ailleurs ses activités de portage augmenter- et il y a pénurie sur certains profils. Difficile de trouver de la main d’œuvre classique, des assistants par exemple. 

«En début de crise, il y avait plus de mouvements vers les valeurs-refuge, vers la résilience» ajoute Thomas Deburggraeve «aujourd’hui les gens sont moins disposés au compromis». 

Consultant tout autant que recruteur, il constate aussi qu’il est compliqué de faire revenir les gens au bureau. Ce qui mettrait en péril l’acceptabilité de grands centres comme ceux des Nations-Unies, de certaines multinationales … ou de certains projets bancaires. 

1 Le terme a été popularisé par Marci Alboher, auteur de One person / Multiple careers

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