Pourquoi continuer d'investir dans les emprunts d’État allemands?

Tobias Burggraf, Ethenea Independent Investors

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Le credo des aficionados de l’investissement en actions est bien connu: les emprunts n’ont «aucune valeur» et ceux qui investissent encore dans des emprunts d’État ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes de gaspiller ainsi leur argent.

Il est vrai que le rendement des Bunds allemands à 10 ans a gagné près de 25 points de base depuis le début de l’année. Dans la mesure où la hausse des rendements obligataires est synonyme de baisse des cours, les pertes des investisseurs en emprunts d’État allemands se chiffrent à environ 2% depuis le début de l’année. Toutefois, la quantité de Bunds1 en circulation a continué de diminuer ces derniers mois et ne s’établirait plus qu’à 11% selon les calculs de Bloomberg. Les emprunts allemands restent donc toujours autant plébiscités. La demande élevée fait donc face à une offre en constante baisse, ce qui limite un peu plus encore le potentiel haussier des rendements.

Mais qui donc achète encore des emprunts d’État allemands à leurs niveaux de rendement actuels? Essentiellement des investisseurs professionnels et des institutions de droit public. Pour des raisons prudentielles, les assureurs et les caisses de pension sont contraints de détenir une certaine quantité d’actifs liquides de haute qualité («high quality liquid assets») afin de garantir le versement à long terme des pensions et des prestations d’assurance. En conséquence, ils achètent généralement des emprunts à long terme qu’ils détiennent jusqu’à leur échéance. Pour leur part, les banques achètent des emprunts d’État allemands pour leurs réserves de liquidités. Si elles ont besoin de monnaie centrale, elles peuvent déposer en garantie les Bunds auprès de la banque centrale sous la forme d’accords de rachat («Repos»). Mais aujourd’hui, il n’y a plus suffisamment de Bunds pour satisfaire la demande sur le marché «repo».

En effet, depuis la crise sanitaire, les banques centrales achètent également davantage d’emprunts pour relancer l’économie dans la zone euro. La Deutsche Bundesbank a acquis près d’un tiers des emprunts d’État allemands en circulation pour le compte de la BCE. D’après les dispositions du programme d’achats obligataires de la BCE (PSPP), la limite serait fixée à 33%. Ce seuil a d’abord été relevé lors de l’introduction du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP). S’y sont ajoutés 11% supplémentaires détenus par l’Agence des finances allemande. En conséquence, la part des Bunds aux mains des institutions publiques dépasse largement les 40%. Les exigences réglementaires strictes et les programmes d’achats d’urgence face à la pandémie ont asséché l’offre dans une certaine mesure, ne laissant que quelques miettes aux investisseurs. En parallèle, les conditions de financement avantageuses et l’endettement croissant des États et des entreprises ont affaibli les profils de crédit, provoquant des dégradations de note en cascades, ce qui a réduit d’autant l’univers des titres AAA.

Les Bunds sont-ils donc uniquement pour les professionnels de l’investissement et les banques centrales? Non, une allocation obligataire reste pertinente dans le portefeuille de l’épargnant moyen, du moins tant que les emprunts d’État ont pour finalité essentielle de servir d’instruments de couverture contre les pertes. Compte tenu de leur volatilité faible et de leur corrélation peu élevée avec d’autres classes d’actifs (par exemple les actions), les emprunts d’État offrent une protection efficace contre les turbulences de marché et, dans les situations extrêmes, voient leurs cours sensiblement augmenter lorsque tous les autres actifs sont en baisse. Ce fut par exemple le cas le vendredi 26 novembre lorsque la propagation rapide du variant Omicron a déclenché une correction sur les marchés actions mondiaux, mais une forte hausse des Bunds.

L’abandon progressif de la politique ultra-accommodante de la BCE devrait entraîner une hausse modérée des rendements. Mais du point de vue de la gestion des risques, les Bunds conservent toute leur raison d’être. Les derniers jours de novembre, avec les inquiétudes suscitées par le variant Omicron, l’ont une nouvelle fois prouvé de manière impressionnante.

 

1 Se définit comme la part des emprunts d’État détenus par les investisseurs privés sensibles aux prix rapportée à l’ensemble de l’offre obligataire.

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