Petit à petit, l’inflation fait son nid

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

Dans la zone euro et aux Etats-Unis, la hausse des prix s'installe autour de 2%. Si elle reste inférieure en Suisse, la tendance est aussi orientée à la hausse.

Attribuée d’abord essentiellement à la hausse des prix de l’énergie et à des «effets de base», la remontée graduelle de l’inflation est un phénomène qui se vérifie mois après mois. Ainsi, le taux d’inflation dans la zone euro avait atteint 2% en rythme annuel en juin, après 1,9% en mai, comme l’a confirmé la semaine dernière l’Office européen des statistiques. Il faut remonter à février 2017 pour trouver un taux aussi élevé. Même l’inflation sous-jacente (hors prix de l’énergie et produits alimentaires) oscille désormais autour de 1% dans la zone euro (1,1% en mai, puis 0,9% juin). 

Le mouvement est encore plus prononcé aux Etats-Unis, où l’indice PCE (indice des prix basé sur les dépenses de consommation) a augmenté de 2,3% en mai – son niveau le plus élevé depuis six ans. C’est la première fois depuis mars 2012 que l’inflation a de nouveau franchi le seuil des 2%. 

Bien qu’un peu moins spectaculaire en Suisse, l’évolution des prix s’inscrit aussi dans la même direction. En juin, l’indice des prix à la consommation (IPC) est resté stable à 102,1 points par rapport au mois précédent, son niveau le plus élevé depuis 2014. Par rapport au même moi de l’an précédant, cela représente une hausse de 1,1%. Hors prix de l’énergie, l’inflation sous-jacente n’a certes atteint que la moitié de ce niveau (0,5%), mais elle se situe à nouveau en territoire positif. 

Salaires et matières premières poussent les prix à la hausse

Poussée de fièvre momentanée ou remontée durable des prix? Les premiers chiffres pour juillet qui seront publiés durant la première quinzaine d’août permettront d’y voir plus clair. Sur un plan plus fondamental, le mouvement de hausse des prix est influencé par quatre «moteurs» principaux, comme l’expliquait Thomas Stucki, chef des investissements (CIO) à la Banque Cantonale de Saint-Gall (SGKB) lors d’une présentation sur ce thème en juin. 

Premier facteur: la politique monétaire. Malgré le triplement de la masse monétaire depuis la crise financière, la pression inflationniste ne s’est pas accrue massivement jusqu’ici. Pour que le lien habituel entre masse monétaire et inflation existe à nouveau, il faudrait cependant que les mesures extraordinaires mises en place par les banques centrales soient corrigées, relève l’expert.

Deuxième facteur: un marché du travail saturé. Aux Etats-Unis, un marché du travail plus étroit va «lentement mais sûrement» augmenter les coûts salariaux. Or, les coûts salariaux (Employment Cost Index) augmentent aux Etats-Unis depuis 2016. «La pression à la hausse sur l’inflation va augmenter», prévoit-il.

Troisième facteur: la hausse des coûts des matières premières. En effet, via des coûts plus élevés des «inputs» de production, le niveau général des prix finit aussi par augmenter. «Actuellement, il s’agit de l’un des facteurs les plus importants qui alimente la hausse des prix», constate l’économiste.

Quatrième facteur: une monnaie faible. Ce facteur a joué un rôle non négligeable en Suisse cette année, compte tenu du recul du franc par rapport à l’euro. L’effet de la monnaie sur l’inflation est problématique pour les banques centrales étant donné que celles-ci ne peuvent l’influencer que de manière indirecte et faiblement.

La BNS devrait mettre fin
à sa politique des taux négatifs l’an prochain.

Dans l’ensemble, on observe depuis 2017 une évolution «synchronisée» de hausse des prix, celle-ci étant constatée à la fois aux Etats-Unis, dans la zone euro et en Suisse. En résumé, la Fed devrait poursuivre sur sa lancée et continuer de resserrer ses taux directeurs, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) suivra le mouvement. La Banque nationale suisse (BNS) attendra elle encore un peu, en guettant les mouvements de la BCE. Au final, la BNS devrait ramener ses taux à zéro au cours de 2019, mettant ainsi fin à sa politique des taux négatifs mise en place en 2015 après l’abandon du taux plancher. 

La déflation? Un terme déjà oublié

Dans tous les cas, le terme d’«inflation» est à nouveau en vogue – il a été deux fois plus souvent cité dans les minutes de la Fed cette année qu’en 2016 -, alors que celui de «déflation» dominait encore les débats il y a deux ans. 

Pour la suite, la Banque Cantonale de Saint-Gall (SGKB) anticipe pour la Suisse une hausse des prix située à 0,8% à fin 2018, qui devrait s’accélérer à 1,2% à fin 2019. Un niveau proche de celui attendu par le consensus des économistes: durant l’année en cours, l’indice des prix à la consommation devrait atteindre 0,9%, puis 1% en 2019, selon les données de Consensus Economics. Outre-Atlantique, l’inflation devrait s’établir à 2,5% à fin décembre, puis à 2,8% l’an prochain. Dans la zone euro, elle continuera d’osciller autour des 2% (1,9% en 2018, 2% en 2019), prévoit la banque cantonale.