
Le débat sur le désengagement des investisseurs internationaux du dollar américain et des actifs américains s'est nettement intensifié ces dernières semaines. La politique douanière de la nouvelle administration américaine a effrayé les investisseurs du monde entier, du moins selon certaines sources. Ceux-ci retireraient leurs capitaux pour les réinvestir dans d'autres régions. L'évolution du dollar américain semble confirmer cette thèse: depuis son pic provisoire atteint en début d'année, l'indice Bloomberg Dollar Spot, qui mesure la valeur du dollar américain par rapport à un panier de devises, a perdu environ 9%.1)
Alors que des statistiques telles que l'enquête menée par la Bank of America auprès des gestionnaires de fonds montrent que la nervosité des investisseurs à l'égard des Etats-Unis a conduit à une sous-pondération des actifs en dollars qui n'avait plus été observée depuis 20 ans2), d'autres déclarations allant dans ce sens sont beaucoup moins fiables. Bien sûr, on trouve toujours des preuves lorsque les commentaires des courtiers font état de flux de capitaux (par exemple sur la base des ETF), mais selon nous, ces chiffres doivent être considérés avec prudence.
La baisse la plus importante a été enregistrée par les avoirs canadiens, qui ont diminué d'environ 58 milliards de dollars.
Les données TIC (Treasury International Capital) publiées par le ministère américain des Finances permettent de tirer des conclusions plus approfondies et offrent probablement l'aperçu le plus complet des flux de capitaux vers et depuis les actifs américains.3) Ces données présentent toutefois l'inconvénient d'être publiées avec un certain décalage. Les chiffres pour le mois d'avril, publiés la semaine dernière, donnent toutefois un premier aperçu des changements dans l'allocation des capitaux après l'annonce des droits de douane par Donald Trump.
Les données pour avril montrent une sortie nette d'obligations d'État américaines détenues par des investisseurs étrangers d'environ 36 milliards de dollars américains. Toutefois, compte tenu du solde net total des investisseurs étrangers, qui s'élève à un peu plus de 9000 milliards de dollars américains, cette baisse est presque négligeable. Il existe toutefois des différences considérables entre les différents pays. La baisse la plus importante a été enregistrée par les avoirs canadiens, qui ont diminué d'environ 58 milliards de dollars américains (environ 14% du total des avoirs canadiens), passant de 426 milliards de dollars américains à 368 milliards de dollars américains. Les avoirs chinois en obligations d'Etat américaines ont atteint leur plus bas niveau depuis 2009, tandis que les avoirs belges, souvent considérés comme un indicateur des avoirs offshore de la Chine, ont augmenté. Le Japon et le Royaume-Uni ont également augmenté leurs avoirs. Ces deux pays sont les plus grands créanciers des États-Unis.
Les avoirs étrangers en obligations d'Etat américaines n'ont jusqu'à présent que légèrement diminué
Selon les données, on observe également des sorties du marché boursier américain, tandis que les obligations d'entreprises américaines ont enregistré des achats nets. A y regarder de plus près, il apparaît que les flux de capitaux ne sont pas aussi uniformes qu'il n'y paraît à première vue.
Il est avant tout important de garder une vue d'ensemble. «Au vu des données TIC et des achats totalisant plus de 400 milliards de dollars depuis le début de l'année, la vente massive de dollars américains et d'obligations d'Etat américaines par les investisseurs étrangers semble largement exagérée», estime George Catrambone, responsable Fixed Income Americas chez DWS.
Selon nous, il faudra attendre la publication des données TIC pour mai et juin avant de pouvoir tirer des conclusions sérieuses quant à l'importance éventuelle des sorties de capitaux américains. Compte tenu des défis budgétaires liés au «One Big Beautiful Bill Act» du président Trump et des inquiétudes croissantes concernant le déficit, on peut supposer que les ventes ont augmenté. Toutefois, il est tout autre question de savoir si cela marque le début d'une tendance à la baisse durable des avoirs étrangers en actifs américains.
1) Toutes les données financières – sauf indication contraire – proviennent de Bloomberg Finance L.P.; situation au 24 juin 2025.
2) MarketWatch; situation au 17 juin 2025.
3) Département du Trésor américain; situation au 18 juin 2025.