Objectif net zéro

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

Lombard Odier définit un modèle propriétaire, inscrit dans le cadre des Limites Planétaires. Avec Hubert Keller.

«Nous sommes au début d’une transformation profonde» déclarait récemment Hubert Keller, associé-gérant du groupe Lombard Odier au cours d’un séminaire virtuel sur la décarbonation. Plus de 92 milliards de tonnes de ressources naturelles sont extraites chaque année: le modèle économique actuel n’est tout simplement pas viable.

Pour guider sa philosophie d’investissement, Lombard Odier utilise le cadre fixé par les Limites planétaires, un modèle défini scientifiquement (notamment par Johan Rockström et son équipe du Stockholm Resilience Centre) qui identifie les frontières des neuf dimensions environnementales que l’humanité ne doit pas dépasser pour ne pas mettre en danger son espace vital. A noter certaines de ces limites auraient déjà été franchies en particulier, celles concernant la pollution agrochimique et la perte de la biodiversité.

Cette transition doit commencer par un processus
de décarbonation qui permettra de respecter les termes de l’Accord de Paris.

Ces «Limites planétaires» sont significatives pour l’investisseur de notre temps car elles tracent aussi les contours de l’espace au sein duquel il doit allouer ses capitaux pour permettre une transition vers un modèle économique résilient sur le plan environnemental, ce changement de paradigme apportant son lot de risques mais aussi d’opportunités. 

Cette transition dont les champs d’application couvrent l’essentiel de l’activité humaine, de l’industrie alimentaire (plus de 18% des émissions de CO2) à l’immobilier en passant pas la production d’énergie, l’industrie manufacturière, la santé ou le tourisme, doit commencer par un processus de décarbonation qui permettra de respecter les termes de l’Accord de Paris, en deux étapes. Une réduction de 50% des émissions à l’horizon 2030, suivie de la neutralité carbone en 2050. Soit une diminution de 19 milliards de tonnes de CO2 sur moins de 10 ans, et de 36 milliards sur 30 ans. 

Pour Hubert Keller, pas de demi-mesure. Il ne suffit pas d’investir dans des stratégies bas-carbone, de diminuer les émissions ou de les compenser. Seul un engagement total dans une transition complète peut faire sens. La corrélation entre croissance du PIB et croissance des émissions de CO2 n’est pourtant pas inévitable.

Les entreprises et les marchés boursiers sont-ils prêts à ce bond en avant? 

Non car les engagements et objectifs des gouvernements tendent davantage vers une stabilisation des températures autour de 2,3 ou 2,4 degrés qu’au 1,5 espéré. A noter l’intensité carbone du MSCI World mènerait à un accroissement de 3 degrés Celsius. Nous sommes donc encore loin du compte!

Une aciérie «best-in-class» sera préférée à un groupe
de télécommunication peu empressé d’améliorer son empreinte.
Alors quelles entreprises privilégier dans une stratégie réellement durable?

Le processus commence par une analyse sectorielle qui vise à déterminer les meilleurs pratiques du domaine car, bien évidemment, le cheminement d’un producteur de béton vers une économie «nette zéro» sera sans rapport avec celui d’un fabricant de logiciels. Une fois ce processus cartographié, chaque entreprise sera jaugée en fonction des paramètres applicables à son activité et seules les meilleures deviendront «investissables». Une aciérie «best-in-class» sera donc préférée à un groupe de télécommunication peu empressé d’améliorer son empreinte. Cette approche a le mérite d’éviter de complètement désinvestir de secteurs indispensables au fonctionnement de la société humaine. En d’autres termes, elle n’est pas utopique. 

Les données ESG disponibles sont-elles suffisantes?

C’est encore loin d’être le cas. Peu de prestataires ont défini les meilleures pratiques pour plus d’une dizaine de secteurs. Aucun ne le fait en fonction de critères régionaux et les données de scope 31 sont encore rares. Lombard Odier a donc établi un modèle propriétaire pour compenser ces lacunes. Ses outils lui permettent de couvrir plus de 160 industries dans leur chemin vers la décarbonation. 

«Sans oublier, rappelle Hubert Keller, que l’ESG doit rester source d’alpha». 

 

1 L'indicateur Scope 3 est destiné à mesurer les émissions de gaz à effet de serre des chaînes d'approvisionnement et des clients des entreprises.

A lire aussi...