Neutralité carbone et sortie complète du charbon à l’agenda pour 2050

Yves Hulmann

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Jane Ambachtsheer, Global Head of Sustainability chez BNPP AM, revient sur les principaux objectifs de la nouvelle feuille de route présentée en novembre par le gérant.

A la mi-novembre, BNP Paribas Asset Management (BNPP AM) a présenté les objectifs de sa nouvelle feuille de route destinée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. En tant que signataire de l’initiative Net Zero Asset Managers («NZAM»), l’établissement s’est engagé à soutenir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’alignement des investissements sur la neutralité carbone à cet horizon. Cette feuille de route repose sur dix engagements, le premier portant sur une réduction de l’empreinte carbone de ses investissements de 30% d’ici à 2025 et de 50% d’ici à 2030, en comparaison des données de référence de 2019. Jane Ambachtsheer, responsable globale des questions de durabilité (Global Head of Sustainability) chez BNPP AM commente les principaux points de cette initiative et donne son avis sur les avancées de la COP 27 qui vient de s’achever.

Un périmètre qui sera constamment élargi

La feuille de route Net Zero de BNPP AM repose sur 10 engagements, regroupés en trois grandes familles: les différentes mesures concernant nos investissements, nos pratiques de vote et d’engagement actionnarial, et nos objectifs opérationnels en tant qu’entreprise. Lesquels d’entre eux ont les plus importants? «Tous les points sont bien-sûr essentiels et constituent un ensemble cohérent pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050. Néanmoins, nous considérons nos objectifs de réduction d’empreinte carbone et d’alignement de nos investissements sur la neutralité carbone ainsi que ceux de sortie complète du charbon comme particulièrement ambitieux», souligne-t-elle.

La feuille de route Net Zero de BNPP AM couvre un périmètre initial de 250 milliards d’euros, soit 50% de ses actifs sous gestion. Sera-t-il possible d’élargir ce périmètre à terme? «Dans le cadre de notre démarche visant à construire des portefeuilles neutres en carbone, nous avons dans un premier temps axé nos engagements sur les actions cotées et les obligations d’entreprises. Nous estimons avoir pour ces actifs, les outils, les données et la capacité à atteindre des émissions «net zero» d'ici 2050. Pour les investissements où il n'est pas encore possible de mesurer l'alignement, que soit en raison de l'absence d'une méthodologie viable ou du manque de données -comme c’est le cas pour les dérivés par exemple- ou lorsque notre capacité d'influence est limitée – tels que les obligations souveraines –, nous continuerons à collaborer étroitement avec nos parties-prenantes pour améliorer le profil climatique de ces fonds. A terme, BNPP AM prévoit d’accroître le périmètre de ses encours couverts par ses engagements de manière régulière pour atteindre 100% d’ici 2050», précise-t-elle.

A terme, BNPP AM prévoit d’accroître le périmètre de ses encours couverts par ses engagements de manière régulière pour atteindre 100 % d’ici 2050.
L'économie mondiale n'est pas encore sur une trajectoire compatible

En tant que gérant d’actifs, BNPP AM a toute latitude pour influencer certaines décisions par elle-même, par exemple en augmentant ses investissements thématiques dans les solutions environnementales et climatiques. Est-il en revanche possible pour un gérant d’actifs d’influer sur des décisions comme le fait de sortir complètement du charbon d’ici à 2030 dans l’UE et des pays de l’OCDE, qui, elles, relèvent plutôt de décisions gouvernementales? «Depuis 2019 nous avons adopté une politique visant à réduire nos investissements dans les entreprises minières et les producteurs d’électricité exposés au charbon. Dans le cadre de notre feuille de route Net Zero, nous allons encore plus loin et excluons de nos investissements les sociétés minières qui n'ont pas de stratégie de sortie des activités liées au charbon thermique, et les producteurs d'électricité qui continuent d’utiliser le charbon dans leur mix de production, d'ici 2030 au sein de l’Union Européenne et des pays de l’OCDE et d'ici 2040 pour le reste du monde. En tant que gérant d’actifs responsable nous avons un rôle à jouer pour favoriser le recours à des sources d’énergie renouvelables, comme par exemple l’hydrogène vert».

L’experte estime que ces objectifs ne pourront être atteints que dans le cadre de collaborations: «Nous sommes conscients que nous ne pourrons y arriver seuls. Atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 ne sera pas facile, car l'économie mondiale n'est pas encore sur une trajectoire compatible. Notre univers d'investissement viendrait à diminuer avec le temps si les entreprises dans lesquelles nous investissons ne nous accompagnent pas dans cette transition. Il devient donc primordial de travailler en partenariat avec nos clients, nos collaborateurs, les entreprises, les gouvernements et la société civile pour évoluer vers un avenir neutre en carbone et nous nous y attelons avec détermination».

Des progrès ont été réalisés durant la COP27

Concernant l’actualité de ces dernières semaines sur le plan environnemental, Jane Ambachtsheer estime que la COP27 a permis de réaliser des progrès dans certains domaines. «Le Danemark a récemment engagé des fonds spécifiques pour les «pertes et dommages», tandis que les États-Unis et l'UE ont tous deux déclaré qu'ils soutiendraient les négociations sur la question. L’annonce de la création d’un fond public/privé de 20 milliards de dollars pour aider l’Indonésie à sortir du charbon est également une avancée majeure. Le secteur privé peut jouer un rôle encore plus important dans le financement d'une transition juste et de l'adaptation au changement climatique dans les communautés qui en ont besoin. Pour les investisseurs, cela signifie de s'assurer que les facteurs sociaux sont intégrés dans les activités d'allocation du capital et d'actionnariat responsable ou dans les investissements en obligations sociales. Des progrès doivent également être accomplis en matière d'adaptation aux changements climatiques et de résilience», relève toutefois Jane Ambachtsheer.

La taxonomie de l’UE renforce la crédibilité de l’investissement durable

Sur plan européen, la «taxonomie» mise en place par l’UE fait-elle véritablement avancer les choses? «La taxonomie environnementale de l’UE est un cadre très détaillé qui apporte des clarifications sur plusieurs plans. Désormais, le règlement de l’UE à propos de la publication d’informations relatives à la finance durable (SFDR), entré en vigueur en 2021, a obligé les gérants d’actifs à faire preuve de plus de transparence et de clarté à propos du caractère durable de leurs placements. Je pense que ça a l’avantage d’apporter plus de crédibilité à l’investissement durable dans son ensemble. Dans un premier temps, le travail nécessaire pour cette mise en conformité peut représenter un très grand effort pour certains gérants. Ensuite, il s’agira simplement de critères standards qui seront pris en compte dès le départ dans le processus d’investissement.

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