Market timing?

Salima Barragan

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Gestion passive, gestion active: au cœur de la crise du COVID-19, tous perdent des plumes… et des encours.

© Keystone

Les récents soubresauts boursiers ont relancé le débat entre gestion active et passive. Combien sont les gérants actifs à avoir anticipé la crise et réduit leurs expositions dans un temps record, vendus au sommet puis racheté au creux de la vague? Si un trend baissier s’installe durablement, les émetteurs d’ETF auront-il toujours un avantage sur leurs pairs après une décennie de marchés complaisants? Le point avec quelques intervenants.

De l’avis de Fedor Plambeck, à la tête de Janus Henderson Investors en Suisse, un gérant actif peut réagir beaucoup plus rapidement en fonction de l’évolution des risques qu’un gérant passif. Considérer l’aspect des risques est pertinent en temps de crise: «Si vous détenez un produit passif, tout ce que vous pouvez faire pour réduire votre niveau de risque est de vendre votre fonds ou votre ETF. Avec un fonds actif, le gérant peut, lui-même, déjà prendre une série de mesures pour réduire son degré d’exposition», explique-t-il. Mais lorsque les marchés s’effondrent à grande vitesse et que certaines bourses vont jusqu’à suspendre leurs cotations, le temps presse…

Les gérants actifs disposeront-ils d’assez de marge? Lionel Wüst, fondateur de Fyleen, argumente qu’historiquement un gérant actif n’arrive pas réduire les risques à temps ni, d’ailleurs, à les augmenter au bon moment: «Sur 10 ans, 90% des gérants de fonds de placement actifs sous-performent leur indice de référence de -16% en moyenne. Et les statistiques1 ne prennent pas les diverses couches de frais en compte». Le market timing est-il donc affaire de chance?

 Warren Buffet recommande aussi à long terme,
d’acheter le marché au lieu de tenter de le battre.

Les frais bas ont toujours été le cheval de batail des gérants de fonds passifs qui profitent d’économies d’échelle grâce à d’importants volumes d’actifs sous gestion ainsi qu’à de faibles coûts de transaction, de recherche et de rémunération. «La thématique des coûts reste essentielle dans une approche d’investissement à horizon lointain. L’expérience montre que deux facteurs sont essentiels pour la performance à long terme: d’une part, les coûts, car ils ont une grande influence sur le rendement net et d’autre part, l’allocation d’actifs et la discipline d’investissement», nous dit Christophe Collet de Vanguard pour qui les mouvements tactiques sont souvent une source d’erreur dans une optique de long terme.

Car l’horizon temps est un point essentiel à ramener au cœur du débat. D’ailleurs, Warren Buffet, dans sa dernière lettre aux investisseurs, recommande aussi «à long terme, d’acheter le marché au lieu de tenter de le battre». Etonnant de la part de l’oracle d’Omaha qui a bâti sa fortune sur des plus-values fructueuses? Non, car à long terme, les perspectives changent. Muriel Tailhades d’Edmond de Rothschild l’a bien remarqué: «Les ETF conduisent cependant à une situation où les décisions d’achat ou de vente ne se prennent plus en fonction des caractéristiques des entreprises mais en fonction de tendances de marché».

Sur le sujet épineux des performances, il est encore trop tôt pour comparer celles des fonds actifs à celles de ETF au cours de la présente crise, mais elles feront rapidement l’objet de plusieurs articles… une fois la poussière retombée. Pour l’instant, Lyxor confirme, dans son rapport de fin mars2, qu’en temps de crise, tant les gérants actifs que passifs perdent des plumes. Dans la section intitulée Fast and Furious, le document annonce qu’en Europe les fonds et ETF actions ont été frappés par les sorties de capitaux les plus importantes depuis la crise financière mondiale de 2007-2008: 53 milliards d’euros dont, plus précisément 40 milliards pour les fonds et 13 milliards pour les ETF.

 

1 Statistiques de la SPIVA
2 Money Monitor March 2020, publié le 7 avril