Marchés obligataires: faut-il craindre un emballement des taux d’emprunt?

AWP

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«Il y a des tensions sur les prix à la production avec une envolée des prix des cargos sur les routes commerciales vers la Chine, et de fortes tensions sur les prix des matières premières», explique Tangi Le Liboux d’Aurel BGC.

Et si une reprise économique trop rapide venait faire paniquer les marchés? La récente forte remontée des taux d’emprunt d’Etat, reflet d’anticipations d’inflation en hausse, fait craindre ce scénario à certains.

En nette progression depuis plus d’une semaine, le taux américain à dix ans, référence sur le marché, est monté lundi jusqu’à 1,39%, son plus haut depuis un an, entraînant dans son sillage le taux allemand jusqu’à -0,28%, un niveau inédit depuis juin dernier, et rapprochant le taux français de la barre symbolique de 0%, avant que la situation ne s’apaise un peu mardi.

En cause: le fait que beaucoup d’investisseurs, à la faveur du vaste plan de relance annoncé par le président américain Joe Biden, d’indicateurs économiques encourageants et d’une amélioration de la situation sanitaire, tablent sur une hausse généralisée des prix à moyen terme.

«Il y a des tensions sur les prix à la production avec une envolée des prix des cargos sur les routes commerciales vers la Chine, et de fortes tensions sur les prix des matières premières», explique à l’AFP Tangi Le Liboux, stratégiste du courtier Aurel BGC.

Il faut s’attendre à ce que les prix de l’énergie «augmentent encore», poursuit-il.

«La consommation aux Etats-Unis pourrait rebondir plus fort que prévu», complète l’expert, selon qui «toute la question est de savoir si cette hausse des prix sera temporaire et d’une ampleur limitée».

Pour l’heure, la cible d’une inflation autour de 2% affichée par les banques centrales européenne et américaine semble encore lointaine. Aux Etats-Unis, la hausse des prix a accéléré à +0,4% en décembre sur un mois mais ne s’est établie qu’à +1,3% sur l’année tandis qu’en zone euro, elle est redevenue positive en janvier après cinq mois négatifs, à +0,9% sur l’année.

Il est «peu probable» que l’inflation s’établisse de façon durable au-dessus de l’objectif de 2% annuels que vise la Fed, a ainsi affirmé vendredi la cheffe économiste du Fonds monétaire international (FMI), Gita Gopinath.

Risque de krach?

Plus que la progression des rendements obligataires elle-même, conséquence des réajustements qu’opère le marché dans ses anticipations d’inflation, c’est sa rapidité qui inquiète.

«Si on a une accélération brutale des taux, c’est à ce moment-là que les marchés», qui évoluent depuis des mois dans un environnement où les rendements obligataires sont très bas, «peuvent craquer», d’abord aux Etats-Unis, prévient M. Le Liboux.

«Si le taux à dix ans américain continue de monter alors que la Fed laisse ses taux directeurs inchangés, cela mettra la pression sur cette dernière, qui a un moment donné va avoir des problèmes de crédibilité», juge M. Le Liboux.

L’institution américaine a déjà admis qu’elle pourrait tolérer, pendant un certain temps, une inflation supérieure à son objectif de 2% sans pour autant augmenter ses taux.

Mais si «les marchés commencent à se dire que la Fed est en retard et qu’elle se trompe», alors «il y aurait un risque de panique» parce que les investisseurs commenceraient «à anticiper un resserrement monétaire plus rapide que prévu», souligne M. Le Liboux.

L’emballement des marchés obligataires laisse toutefois «un peu sceptique» José Antonio Blanco, responsable de la gestion pour compte de tiers chez Swiss Life AM.

Avec les largesses monétaires et budgétaires actuelles, le potentiel d’inflation se matérialisera mais certainement pas cette année et «probablement même pas l’année prochaine», selon lui.

Ce «potentiel d’inflation ne peut se produire que s’il y a (...) plus ou moins de plein emploi et c’est quelque chose que nous ne voyons pas en ce moment», relève-t-il, à l’heure où le marché du travail est «très loin» d’être solide selon l’aveu du patron de la Fed lui-même début février.

«Le rendement des bons du Trésor américain à dix ans» qui ont «hiberné suffisamment longtemps», devrait grimper, anticipe Nicholas Colas, cofondateur de la société de données financières américaine DataTrek, mais nous sommes loin des lendemains de la crise de 2009 où ils avaient «doublé en six mois».

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