A première vue, l’environnement devient terne
Les valorisations des actifs risqués (primes de risque actions, spread de crédit) ne sont globalement pas attractives. L’environnement économique ralentit pour l’essentiel des pays du G20 (soft landing) avec deux gros maillons faibles, l’Allemagne qui traverse une crise économique mêlant problèmes conjoncturels et structurels avec une demande intérieure privée allemande en contraction, et la Chine restant toujours plus faible que prévu. Aux États-Unis, la vitesse avec laquelle le marché du travail se détend inquiète et entretient le débat sur le risque de récession. Les résultats de NVIDIA marquent peut-être la fin de l’accélération des dépenses consacrées à l’intelligence artificielle (IA) à la source de la frénésie boursière. Si tous les espoirs sont permis quant aux gains de productivité à attendre de l’IA, il est à ce stade difficile d’en trouver la trace au sein des entreprises les plus à-même de le faire. L’incertitude politique ne fait que croître avec la proximité des élections américaines (le premier risque à nos yeux étant celui que Donald Trump fait courir à l’inflation avec son programme). La France et l’Allemagne courent le risque d’un immobilisme politique accru alors qu’il y a urgence (budgétaire pour le premier, économique pour le second).
Mais des signes d’espoir
La Fed à la rescousse?
Tous les yeux sont tournés vers le marché du travail américain qui faiblit anormalement vite et commence à inquiéter les investisseurs et la Réserve Fédérale, ce qui est normal au regard de la dualité du mandat de la Fed. Le discours de M. Powell à Jackson Hole ouvre le champ des possibles en termes de politique monétaire : l’emploi devient la principale priorité, l’inflation n’étant pratiquement plus que de l’histoire ancienne. Potentiellement, les baisses de taux peuvent être considérables. Selon les dots de la Réserve Fédérale, le taux de long terme, donc neutre, serait à 2,75%, soit 2,5% au-dessus du niveau actuel. Si l’inflation n’était plus un problème et que la Fed voulait restimuler le marché du travail, on peut très bien imaginer un retour rapide au taux neutre, voire en-dessous. La banque centrale se heurte toutefois à l’incertitude politique. Par exemple, si Donald Trump est élu, ira-t-il appliquer son programme de nature inflationniste? On peut donc très bien imaginer que la Fed décide de baisser activement, et même plus que ce que les marchés ne l’anticipent déjà, les taux d’ici la fin de l’année afin de ne pas être en retard sur le cycle et d’être plus prudente l’an prochain le temps de prendre la mesure de la nouvelle politique économique. Pour autant, un tel scénario est loin d’être acquis à lire les déclarations des membres de la banque centrale.
Pris entre un resserrement majeur de la Fed et un affaissement de la Chine, les investisseurs se sont logiquement tenus longtemps à l’écart des marchés émergents.
L’emploi est plus connu pour être un rétroviseur qu’un indicateur avancé
Pour autant, l’emploi n’est pas une variable avancée du cycle, au mieux juste concomitante et sa dégradation n’est pas corroborée avec les indicateurs d’activité (la croissance tournerait autour de 2% au troisième trimestre selon les Nowcasts). Il y a donc davantage un problème persistant de lisibilité de l’économie américaine que de direction. Par ailleurs, la bonne tenue des marges des entreprises ne laisse pas entrevoir le mécanisme de restructuration annonciateur d’un cycle de licenciements. Les risques de récession sont peut-être à relativiser selon nous, d’autant plus que le robinet du crédit se desserre.
Le retour du «credit impulse»
Aux États-Unis comme en Europe, le resserrement monétaire s’est accompagné d’un durcissement drastique de la politique d’octroi de crédit des banques au point où nous avons assisté à une contraction du crédit bancaire de part et d’autre de l’Atlantique. En effet, grâce au retour à des taux élevés, les banques de dépôts avaient en effet la capacité qu’il leur avait tant manqué ces dernières années de retrouver le chemin de la profitabilité sans même à avoir à prendre un risque de crédit significatif. La perspective de baisse de taux ainsi que l’absence de récession conduisent les banques à prêter à nouveau. Le passage d’un credit impulse de négatif à positif va produire ses effets bénéfiques sur l’activité.
Les Pays émergents se distinguent
Pris entre un resserrement majeur de la Fed et un affaissement de la Chine, les investisseurs se sont logiquement tenus longtemps à l’écart des marchés émergents. La page se tourne. La Fed change de cycle. Et si la Chine reste toujours dans un contexte difficile, la digestion progressive de la crise immobilière laisse à penser que le pire du retournement est éventuellement derrière nous. Par ailleurs, à l’heure où certains pays développés semblent avoir perdu le contrôle des finances publiques (États-Unis, France…) et assistent à la montée du populisme qui a peu de chance d’améliorer la situation, les pays émergents sont restés pour l’essentiel fidèles au «consensus de Washington» (gestion orthodoxe de la politique économique), certains pays comme l’Argentine ou la Turquie menant même désormais une politique très active pour y retrouver leur place.
Politique d’investissement
Il existe donc un potentiel de hausse sur ces marchés mais face aux différentes incertitudes, nous neutralisons les grands choix directionnels et abaissons tactiquement le poids des actions. Notre principal biais géographique dans notre allocation d’actifs est de surpondérer les pays émergents, hors Chine en ce qui concerne les actions même si notre vision n’est pas non plus négative sur le marché chinois. Nous conservons au sein des actions notre surpondération sur les small caps européennes, en considérant que même si l’environnement économique est plutôt peu porteur actuellement, le desserrement du marché du crédit et les baisses de taux de la BCE favoriseront un rerating. Les thématiques privilégiées sont toujours le big data et la santé pour être bien positionné en phase de ralentissement.