Lumière sur l'avenir énergétique romand

Anna Aznaour

3 minutes de lecture

Comment la sortie progressive du nucléaire influencera-t-elle le PIB romand? Rapport 2018 des six banques cantonales.

© Keystone

Il y a tout juste un an, les Suisses acceptaient en votation populaire la nouvelle loi sur l’énergie. Son objectif: remplacer le nucléaire par des énergies renouvelables d’ici 2050. Une révolution économique et sociétale déjà en marche dont les retombées possibles ont été analysées par les six banques cantonales romandes qui viennent de dévoiler leur rapport prévisionnel.

Variations du PIB: 2008-2018

En dix ans, le produit intérieur brut du pays et celui de ses régions romandes ont connu des hauts et des bas au diapason. Après, en 2008, la chute de l’euro face au franc, la Suisse vit son premier choc économique du 21e siecle. Le renchérissement de la monnaie helvétique jusqu’à 15%, plombe les exportations du pays qui, perdent, du jour au lendemain, leur attractivité. Mais les conséquences de cette récession ne sont clairement visibles qu’en 2009, avec un PIB qui plonge. Pourtant, en 2010, la Suisse reprend son souffle avec un élan remarquable qui fait passer son PIB de -2% à plus de 3%. Un soubresaut suivi d’une baisse de régime progressive jusqu’à fin 2012. Toutefois, durant ces années-là, le PIB romand demeure légèrement supérieur à celui du pays. Une tendance qui se renverse à partir de 2013, et persiste jusqu’à nos jours. En 2017, l’économie de la Suisse romande représentait un quart du PIB du pays avec ses 159 milliards de francs et une hausse de 0,9% en termes réels (corrigés de l’inflation). Cette progression devrait se poursuivre en 2018 au rythme attendu de 2,3% et de celui de 1,9% pour l’année 2019. Cependant, malgré cette reprise de croissance qui s’inscrit dans un contexte mondial économiquement dynamique, la prudence reste de mise. Des facteurs de risques, comme le Brexit, la politique monétaire imprévisible des États-Unis, les tensions géopolitiques et la menace d’une guerre commerciale sont réels.

«Le PIB romand doit sa solidité à une certaine complémentarité
qui existe entre les cantons en matière de répartition d’activités.»
Secteurs privilégiés en 2018

Les avancées économiques de l’année 2018 se reposent sur celles de l’année 2017, et concernent surtout les secteurs manufacturier, horloger, de la chimie-pharmaceutique et de l’industrie des machines. Sauf imprévu cette tendance devrait se poursuivre en 2019 également. Il est important de noter que, d’après les statistiques, les exportations dans la branche de l’horlogerie et de la bijouterie ont augmenté en 2017 davantage que celles affichées dans le secteur de la chimie et de la pharmaceutique. Toutefois, ces chiffres ne reflètent pas nécessairement la réalité, et peuvent s’expliquer par le biais induit lors de la gestion administrative des exportations. Par exemple, une usine qui se trouve à Neuchâtel et dont la marchandise est facturée par le siège de la société qui, lui, est à Bâle et qui appose son code postal sur les envois.

Pour ce qui concerne la branche de la construction, sa conjoncture reste moins expansive que les années précédentes, contrairement à celle de l’hôtellerie-restauration qui, elle, connaît une modeste embellie. Une amélioration est aussi constatée dans le secteur des services financiers, avec des évolutions positives, attendues en 2018 et 2019. De même dans le secteur des transports et communications, mais dans une moindre mesure. Dans son ensemble, le PIB romand doit sa solidité à une certaine complémentarité qui existe entre les cantons en matière de répartition d’activités. Ainsi, dans les cantons de Genève et de Vaud, plus de 80% de l’économie se concentre dans le secteur tertiaire. Dans le Jura et à Neuchâtel en revanche, les secteurs sont partagés plutôt équitablement entre le secondaire et le tertiaire. Quant à Fribourg et Valais, ils sont entre les deux.

Stratégie énergétique 2050

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la consommation d’énergie en Suisse a été multipliée par plus de cinq. Et ce, grâce au recours massif aux produits pétroliers, suivis des combustibles nucléaires, qui ont rapidement supplanté le charbon. Après cette hausse de consommation aussi effrénée que linéaire depuis 1950, et son pic enregistré en 2010, la tendance s’est inversée. Légèrement, mais le niveau de consommation a tout de même commencé à baisser. Les raisons de ce changement sont en grande partie imputables à la construction d’un nouveau type de bâtiments, moins friands en énergie et donc plus écologiques. Mais ces efforts ne sont pas et de loin suffisants pour relever le défi d’une nouvelle politique énergétique approuvée en votation par le peuple et entrée en vigueur début 2018.

«La part des trajets motorisés individuels est plus élevée
en Suisse romande qu’ailleurs dans le pays.»

Baisser la consommation d’énergie de 50% et de réduire les émissions de CO2 de 70% avant 2050 est l’ambition du pays. Pour y arriver, il faudra tout en produisant l’énergie autrement que par le nucléaire, la consommer moins et mieux. Les cinq sources principales de son épuisement sont actuellement les véhicules, le chauffage, l’eau chaude sanitaire, les industries et les appareils électroniques/électroniques. Il est à souligner que la part des trajets motorisés individuels est plus élevée en Suisse romande qu’ailleurs dans le pays, où les gens se servent davantage de transports publics. Une réalité qui n’est peut-être pas étrangère à une ambition écologique des cantons romands, qui s’imposent un plan d’économie d’energie encore plus important que le reste du pays.

En matière d’emploi, cette nouvelle politique sera à l’origine d’un étiolement de certaines filières, comme le commerce de carburant et la réparation des véhicules. En contrepartie, d’autres postes vacants fleuriront, probablement, dans les secteurs des transports publics, de la rénovation des bâtiments et des installations de chauffage. Une seule certitude quant à l’avenir: rien ne sera plus comme avant.