Les marchés s’envolent après Biden et le vaccin

Axel Botte, Ostrum AM

3 minutes de lecture

Une nouvelle baisse du dollar accompagne le rebond des actifs risqués, ce qui profite également à l’or et aux cryptomonnaies.

© Keystone

Les élections américaines ont rythmé l’évolution des marchés financiers la semaine passée. A mesure que la victoire de Joe Biden se dessinait, les indices boursiers ont fortement progressé affichant des hausses hebdomadaires de l’ordre de 8%. L’équilibre du pouvoir rend toutefois incertaines les marges de manoeuvre budgétaires de la prochaine Administration. Les rendements américains se sont logiquement repliés avant de remonter au-delà de 0,80% sur l’échéance 10 ans à la faveur de bonnes statistiques sur le front de l’emploi.

En zone euro, le Bund demeure peu sensible aux évolutions du T-note terminant la semaine inchangé à -0,62%. Les perspectives de politique monétaire maintiennent une chappe de plomb sur les spreads souverains. Les spreads italiens cotent au plus bas de l’année.

Les marchés du crédit participent à la hausse des actifs risqués. Le high yield se resserre de 40pb dans le sillage de la bonne performance des indices de CDS et de la réduction de la volatilité.

Une nouvelle baisse du dollar accompagne le rebond des actifs risqués, ce qui profite également à l’or et aux cryptomonnaies. Le dollar australien et le sterling s’apprécient malgré de nouvelles mesures d’allègement monétaire.

Le graphique de la semaine

Les marchés d’emprunts d’état restent bien orientés malgré le contexte sanitaire et les risques politiques.
Le spread italien marque de nouveaux points bas. Le spread du BTP contre Bund s’établit à 125bp contre 250 à 300pb au plus fort de la crise politique en 2018.
La flexibilité du PEPP alimente l’excès de demande de BTP. Les institutions japonaises ont aussi initié des positions en BTP en 2020. Par ailleurs, l’agence italienne mobilise l’épargne des particuliers (via les BTP Futura) et abondera ses lignes en USD. Cela réduira quelque peu les émissions dans les mois à venir.
Biden face au risque d’un Congrès divisé

Joe Biden a remporté l’élection présidentielle à l’issue d’un scrutin serré et de plusieurs jours d’indécision. Joe Biden devrait remporter les quatre derniers états en ballotage, dont l’Arizona et la Georgie, traditionnellement acquis au GOP. Donald Trump n’a pas reconnu sa défaite et menace de poursuites judiciaires en raison d’irrégularités supposées. Le vote populaire, sans équivoque avec un écart de 4 millions de voix en faveur de Joe Biden, cache mal les divisions du pays et les probables difficultés de la prochaine Administration à appliquer son programme. La majorité démocrate à la Chambre des Représentants s’est probablement réduite par rapport à 2018. Le camp bleu perdrait en effet 7 sièges. Joe Biden, centriste, devra composer avec la frange la plus progressiste du parti démocrate. Parallèlement, le renouvellement d’un tiers du Sénat ne semble pas aboutir à un changement de majorité. Deux sièges restent néanmoins en suspens en Georgie où un second tour est prévu le 5 janvier. Les prochaines semaines seront décisives pour évaluer les marges de manoeuvre réelles du prochain gouvernement. Joe Biden risque de se heurter à l’opposition de Mitch McConnell au sujet des hausses d’impôt, ce qui obligera en retour à des arbitrages sur le volet des dépenses publiques.

Fed: statu quo monétaire

Dans ce contexte, la Fed n’a pas modifié sa politique monétaire. Jerome Powell a seulement rapporté des discussions sur les programmes d’achat d’actifs sans donner de détails. L’institution continue d’intervenir à hauteur de 120 milliards de dollars par mois, dont 40 milliards de créances hypothécaires. La Fed pourrait être contrainte d’agir si une majorité républicaine au Sénat restreignait le stimulus budgétaire. La politique monétaire n’est pas substituable au soutien budgétaire de la demande mais les marchés financiers s’en satisferont.

Les marchés obligataires ont effacé une grande partie du mouvement de pentification observé depuis la fin de l’été. Le 10 ans américain s’est dégradé jusque 0,88% au soir de l’élection, dans le sillage des ventes spéculatives sur les maturités longues. Les premières tendances favorables à Donald Trump et la probabilité d’un Congrès divisé ont rapidement fait chuter les taux vers ses précédentes références techniques, autour de 0,72%. Les points morts d’inflation sont logiquement sous pression dans ce contexte.

Le marché du crédit a profité des annonces positives au sujet
d’un vaccin et de la tendance favorable aux actifs risqués.

Le refinancement trimestriel du Trésor indiquant une hausse plus faible qu’anticipé des émissions longues a aussi favorisé le retournement des positions vendeuses. La duration vendue sur le trimestre en cours sera plus élevée sur les maturités de 2 à 7 ans qu’au-delà de 10 ans. La remontée des taux en fin de semaine est davantage liée aux publications économiques meilleures qu’attendu. L’économie a créé 638k emplois en octobre et le taux de chômage diminue d’un point à 6,9%. Les enquêtes demeurent bien orientées. Le spectre d’une deuxième vague, dans le sillage d’une Europe qui se reconfine en novembre, constitue le principal risque.

Les marchés ignorent le retour à la récession en Europe

Le retour à la récession en zone euro au quatrième trimestre parait une certitude. Christine Lagarde ne fait pas mystère des prochaines décisions monétaires. L’ensemble du dispositif monétaire sera revu, ce qui implique probablement une hausse des achats d’actifs et un assouplissement des conditions de financement des banques. Le Bund demeure insensible à la volatilité des taux américains et se maintient sous le taux de dépôt. Les spreads souverains sont orientés à la baisse malgré l’attrait des emprunts de l’UE dont la deuxième syndication (5 et 30 ans) aura lieu dans les prochains jours. L’Italie s’est resserrée de près de 10pb sur la semaine écoulée.

La défaite de Donald Trump éloigne le risque d’un protectionnisme chaotique. Le dollar a repris le chemin de la baisse au bénéfice des marchés d’actions, de la plupart des devises majeures (euro, yen, yuan) et des substituts à la monnaie comme l’or, qui connait sa meilleure semaine depuis la panique du printemps, et les cryptomonnaies. La hausse des marchés actions a été initiée par les grandes capitalisations au détriment des petites valeurs américaines. L’espoir d’un vaccin rebat désormais les cartes et les secteurs les plus exposés à la crise sanitaire s’envolaient lundi. L’ensemble de la cote suivait le mouvement en Europe.

Le marché du crédit a profité des annonces positives au sujet d’un vaccin et de la tendance favorable aux actifs risqués. Les achats de crédit de la BCE ont accéléré en octobre jusqu’à représenter près de 11 milliards d'euros palliant ainsi la diminution des flux finaux. L’hypothèse douteuse d’une inclusion des dettes bancaires dans le QE de la BCE resurgit chez certaines contreparties, ce qui attise leur surperformance. Le marché primaire restera chargé avec près de 40mds € d’émissions attendu sur la fin d’année. Le rebond des actions s’accompagne d’une réduction de la volatilité et de la demande de protection. L’iTraxx Crossover a enfoncé le plancher des 300pb. Le rally est plus marqué sur les notations spéculatives où les spreads se réduisent de 40pb en Europe et de quelque 70pb aux Etats-Unis.

A lire aussi...