Les investisseurs ont-ils la clé de la lutte climatique?

Maarten Bloemen, Templeton Global Equity Group

3 minutes de lecture

Il semble de plus en plus évident que la gestion environnementale d’une entreprise est liée à sa santé financière.

La plupart des climatologues de par le monde semblent convenir que les effets du réchauffement climatique ont une portée majeure, et qu’une grande partie de la responsabilité peut être imputée aux êtres humains. Selon de nombreux rapports scientifiques, le réchauffement de la planète entraîne une élévation du niveau des océans, la disparition et l’extinction d’espèces, ainsi que l’augmentation de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes.

Alors que les scientifiques (et les gouvernements) continuent à débattre des solutions potentielles, nous pensons que la force la plus importante pour s’attaquer à ce que beaucoup considèrent comme une crise climatique imminente pourrait être la manière dont nous investissons. Les entreprises peuvent jouer un rôle clé dans la résolution de certains de ces problèmes climatiques à grande échelle. À notre avis, les décisions des entreprises influencées par le changement climatique sont favorables non seulement à l’environnement, mais aussi aux résultats financiers.

La manière dont le capital est alloué
dans l’économie mondiale changera.

Il y aura de nombreux gagnants et perdants en cours de route, et nous pensons qu’il est nécessaire de procéder à une analyse approfondie des entreprises afin de les différencier. Les entreprises qui tiennent compte du changement climatique seront probablement confrontées à des changements opérationnels, ce qui aura une incidence sur leurs résultats nets. Il pourrait en résulter des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et l’obsolescence de certains produits (comme les véhicules à essence), mais les technologies propres pourraient offrir un vaste champ opportunités haussières. Nous pensons que notre approche ascendante – bottom-up – de la sélection des titres permet de différencier les gagnants et des perdants potentiels.

Alors qu’un nombre croissant d’investisseurs se rendent compte des implications à long terme du changement climatique en matière d’investissement, nous pensons que la manière dont le capital est alloué dans l’économie mondiale changera. Par conséquent, nous avons bon espoir que l’instinct de survie de l’humanité puisse s’aligner sur les solutions au changement climatique pour l’avenir.

Substituts du carbone

Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la limitation du réchauffement planétaire moyen à +1,5℃ au-dessus de la moyenne de l’ère préindustrielle pourrait avoir une influence significative sur l’environnement futur.

Le rapport suggère en particulier que limiter le réchauffement pourrait permettre d’éviter un certain nombre d’impacts dévastateurs du changement climatique.

Il faut que les attitudes des pays et des entreprises
à l’égard de l’environnement changent du tout au tout.

Par exemple, selon le rapport, un réchauffement de +1,5°C au lieu de +2°C d’ici 2100 réduirait de 10 cm l’élévation du niveau mondial des océans. La probabilité d’un dégel de l’océan Arctique en été serait d’une fois par siècle avec un réchauffement planétaire de +1,5°C, contre au moins une fois par décennie avec +2°C. Les récifs coralliens diminueraient de 70 à 90% avec un réchauffement planétaire de +1,5°C, alors qu’ils seraient pratiquement détruits avec +2°C. 

Pour freiner l’augmentation de la température mondiale, il faut que les attitudes des pays et des entreprises à l’égard de l’environnement changent du tout au tout, et cela commence par une réduction des émissions de carbone.

Le graphique ci-dessous montre un exemple frappant de la réduction de carbone requise pour atteindre les objectifs de la 21e Conférence des Parties (COP21) en vue de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C ou +2°C au-dessus des niveaux préindustriels. Les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être bien inférieures à leur niveau actuel ou aux projections.

Ecarts d’émissions en 2030
Projections du Climate Action Tracker en 2017 et écarts d’émissions en résultant pour atteindre les objectifs de température de l’Accord de Paris

 

Alors qu’un nombre croissant d’entreprises cherchent à réduire leurs émissions de carbone, nous pensons que certaines des solutions proposées par ces entreprises en matière de changement climatique pourraient favoriser une transition générale vers des énergies propres qui pourraient freiner la hausse des émissions de gaz à effet de serre.

Dans cette optique, la construction d’infrastructures nouvelles et non subventionnées dans le domaine des énergies renouvelables est désormais beaucoup moins coûteuse dans certaines régions du monde, comme en Inde. Nos recherches nous indiquent que les énergies éolienne et solaire sont maintenant beaucoup moins chères que le charbon ou le gaz. Il a fallu un cadre réglementaire et des subventions financières appropriés pour atteindre ce point dans le cadre d’un cheminement mondial vers une énergie plus propre. À notre avis, un leadership éclairé au niveau des politiques restera un élément essentiel de la solution climatique.

Les investissements de valeur durable
s’intègrent dans le courant dominant.

Nous pensons que les entreprises qui s’efforcent activement d’atteindre des objectifs réalistes de réduction des émissions fondés sur des données scientifiques pourraient offrir des opportunités aux investisseurs dans la valeur tels que nous, surtout celles ayant engagé un processus de transition vers une économie à faible émission de carbone.

Dans le cadre de notre approche ascendante, nous avons tendance à favoriser les entreprises qui sont à la fois fondamentalement sous-évaluées et bien positionnées pour bénéficier de la transition mondiale vers un monde à faible émission de carbone, ce qui nous donne des raisons de croire que la gestion environnementale d’une entreprise est liée à sa santé financière.

Nous privilégions plus spécifiquement trois types d’entreprises qui, à notre avis, combinent des opportunités liées au climat et à la valeur:

  • les solutions visant à lutter contre le changement climatique – les fabricants de panneaux solaires et d’éoliennes qui fournissent de l’énergie propre et renouvelable,
  • les entreprises en transition – les entreprises énergétiques qui réduisent leur contribution au réchauffement de la planète en passant d’énergies non-renouvelables à des sources renouvelables,
  • les entreprises résilientes à la transition, à faible intensité de carbone ou peu exposées à des secteurs à forte intensité de carbone, comme les détaillants, les sociétés biopharmaceutiques et les entreprises de télécommunications.
Les défis demeurent

Nous pensons que les entreprises traditionnelles qui apportent des changements à leurs activités, à leurs chaînes d’approvisionnement et au cycle de vie de leurs produits seront probablement celles qui contribueront le plus à la réduction du risque de changement climatique mondial. En tant que gestionnaires actifs, nous utilisons des analyses environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) supplémentaires dans le cadre de notre processus d’investissement axé sur le climat. Mais nous sommes réalistes quant au défi qui nous attend.

Il peut être difficile d’identifier les solutions climatiques
dans les rapports ESG des entreprises.

D’après notre expérience, il peut être difficile d’identifier les solutions climatiques dans les rapports ESG des entreprises. Certains rapports contiennent des informations rétrospectives qui peuvent remonter à au moins un an, et ne pas présenter les sociétés dans leur situation actuelle. En conséquence, les investisseurs pourraient ne pas pouvoir identifier les opportunités offertes par les entreprises en transition vers des solutions d’avenir en termes de changement climatique.

Notre processus de recherche et nos exigences ESG supplémentaires nous permettent de porter une attention particulière à la structure et à la culture de l’entreprise. De plus, notre engagement auprès des entreprises nous permet d’établir des rapports prospectifs en matière d’ESG qui répondent aux besoins des investisseurs et identifient les opportunités potentielles dans les entreprises qui se préparent à la transition vers un monde à faible intensité de carbone.

Nous pensons que l’investissement durable peut encourager les entreprises à réduire les émissions mondiales de carbone, une étape à la fois. Comme le regretté John F. Kennedy le disait: «Il y a des risques et des coûts à l’action, mais ils sont beaucoup moindres que les risques et les coûts à long terme d’une confortable inaction.»

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