Les indicateurs économiques, clefs de la gestion des crises

Communiqué, OCDE

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Le rapport de l’OCDE signé par Joseph Stiglitz, Jean-Paul Fitoussi et Martine Durand conclut à la nécessité d’un nouveau tableau de bord.

© Keystone

De meilleures données sur l’économie et le bien-être de la population auraient amené les pouvoirs publics à adopter une action plus musclée pour lutter contre les conséquences de la crise financière de 2008 et l’érosion constante de la confiance dans les institutions, d’après les conclusions d’un nouveau rapport.

Ce rapport sur la mesure de la performance économique et sociale, intitulé Beyond GDP: Measuring What Counts for Economic and Social Performance, explique que d’autres indicateurs, comme l’insécurité économique, auraient révélé que les conséquences de la récession étaient plus lourdes que ne le laissaient penser les statistiques fondées sur le PIB. C’est pourquoi l’importance du renforcement des filets de sécurité et de la protection sociale a été sous-estimée.

Ce rapport devrait porter sur la façon dont les politiques
influent sur chaque composante de la société.

Dans ce rapport, signé par les présidents du Groupe d’experts de haut niveau sur la mesure des performances économiques et du progrès social, les Professeurs Joseph E. Stiglitz et Jean-Paul Fitoussi ainsi que Martine Durand, Chef statisticien à l’OCDE, il est recommandé aux pouvoirs publics d’utiliser un tableau de bord composé d’indicateurs pour évaluer la santé d’un pays et les conditions de vie de la population.

Ce tableau de bord devrait englober les aspects les plus importants de la vie des individus: compétences, santé, emploi et revenus, ainsi que sécurité économique, dégradation de l’environnement et sentiment de confiance. Il devrait non seulement porter sur les résultats moyens, mais aussi sur la façon dont les politiques influent sur chaque composante de la société et donner une vision équilibrée du bien-être actuel et futur. Ses indicateurs devraient couvrir un champ assez vaste pour rendre compte des principales préoccupations, mais pas trop étendu afin d’être facilement compris par les décideurs et le grand public.

«Ce n’est qu’en disposant de meilleurs indicateurs, qui reflètent véritablement les vies et les aspirations des individus que nous pourrons concevoir et mettre en œuvre des politiques meilleures pour des vies meilleures», a déclaré le Secrétaire général de l’OCDE Angel Gurría, à l’occasion de la publication du rapport lors du 6e Forum mondial de l’OCDE consacrée aux «Statistiques, connaissances et politiques», à Incheon, en Corée. «Il est de notre devoir de chercher à déterminer la réalité de la vie des individus et non une réalité qui nous semble plus pratique à étudier. Cela sera essentiel pour rétablir la confiance dans les institutions et soutenir la croissance inclusive».

«Personne ne peut vivre sans au moins
l’espoir de progrès sur le plan social.»

«Nous avons accordé trop d’importance au PIB comme principal indicateur de la santé des économies et des sociétés», a affirmé le Professeur Joseph E. Stiglitz, coprésident de la Commission. «Ce biais a rendu les décideurs aveugles aux menaces qui planaient avant la crise et leur a fait prendre de mauvaises décisions après la crise. Si nous ne nous intéressons pas à ce qui compte dans la vie – les inégalités, la perception qu’ont les individus de leur situation, leur santé et leurs capacités ou la durabilité environnementale –, nous ne pouvons pas faire les bons choix pour les individus, les sociétés et la planète».

«Personne ne peut vivre sans au moins l’espoir de progrès sur le plan social», a estimé Jean-Paul Fitoussi, coprésident de la Commission. «Telle était l’idée maîtresse de nos travaux. Nous avons passé au crible les indicateurs disponibles afin de déterminer en quoi et pourquoi ils étaient susceptibles d’occulter une évolution négative, qu’il s’agisse de la sécurité économique ou du sentiment de confiance, mais aussi de la soutenabilité, des inégalités, dont les inégalités en termes d’opportunités ou encore d’autres mesures et d’autres facteurs du bien-être. Au lieu d’être axée sur le PIB, la question centrale devient: la croissance de quelle grandeur et pour qui?».

Le rapport examine également les progrès réalisés depuis 2009 sur le plan de la conception d’indicateurs qui vont au-delà du PIB et de l’utilisation de ces indicateurs dans l’élaboration des politiques. Il présente 12 recommandations pour aller de l’avant. Il s’agit notamment d’inviter la communauté internationale à investir dans l’amélioration de l’infrastructure statistique des petits pays; de permettre aux services statistiques d’utiliser les dossiers fiscaux pour appréhender les évolutions à l’extrémité supérieure de la distribution; d’intégrer des données sur les inégalités dans les statistiques macroéconomiques pour comprendre qui bénéficie de la croissance du PIB; d’évaluer régulièrement les effets des politiques sur l’insécurité économique, pour mieux mesurer la durabilité et la résilience; et de mesurer la confiance et les normes sociales par le biais à la fois d’études et d’outils expérimentaux.

Cette initiative comprend également une série de projets
de recherche sur la mesure du bien-être.

Le rapport qui l’accompagne, intitulé For Good Measure: Advancing Research on Well-being Metrics Beyond GDP, présente une synthèse des contributions d’éminents économistes, politologues, sociologues, psychologues et statisticiens à ces débats.

Ces rapports sont publiés à l’occasion du Forum mondial de l’OCDE sur les «Statistiques, connaissances et politiques», qui se tient à Incheon, en Corée, durant lequel des experts internationaux, des décideurs et des dirigeants d’entreprises, dans des domaines aussi variés que l’économie, l’environnement, la santé, le développement, les affaires sociales, la gouvernance et les statistiques, analysent ensemble les tendances qui vont redéfinir la vie des individus au cours des prochaines décennies ainsi que les lacunes en matière de données qu’il est nécessaire de combler pour relever les défis à venir.

Ce rapport servira de référence pour l’initiative du vivre mieux de l’OCDE, axée sur le développement de statistiques à même d’appréhender les aspects de l’existence qui sont importants pour les individus et qui, ensemble, influencent leur qualité de vie. Cette initiative comprend également toute une série de projets de recherche et de travaux méthodologiques sur la mesure du bien-être, dont l’élaboration de principes directeurs (par exemple sur le revenu, la consommation et le patrimoine; le bien-être subjectif ; la confiance et la qualité de l’environnement de travail), et la création d’une base de connaissances sur la distribution des résultats en termes de bien-être (comme le revenu, le patrimoine et les inégalités sur le plan de la santé) et en termes d’opportunités.