Les employés de banque du futur nourriront les chiens

Patrick Hunger, Saxo Bank (Suisse)

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L'usine du futur n'aura que deux employés, un homme et un chien: l'homme pour nourrir le chien; le chien pour empêcher de toucher l'équipement.

© Keystone

«L'usine du futur n'aura que deux employés, un homme et un chien: l'homme pour nourrir le chien; le chien pour empêcher de toucher l'équipement».

Cette phrase de l'économiste Warren G. Bennis peut s'appliquer à la banque du futur, la primauté de la finance auto-dirigée est encore loin. D’une part, les 143’700 emplois bancaires que compte notre pays (selon les chiffres de Swiss Banking fin 2017) ne seront pas emportés par une épidémie soudaine. D’autre part, la réduction fonctionnelle de l’être humain va à l’encontre de ce qui est attendu de l’employé de banque du futur. L’opinion largement répandue dans l’industrie veut en effet que l’»Homo Digitalis», à l’image de l’employé de Google, est un innovateur autodidacte qui a besoin de liberté. Ainsi, son projet, sa technologie ou son environnement organisationnel exigent littéralement une relation directe et tangible avec les machines.

La fin des travailleurs du savoir

Dans un monde numérique, et par conséquence dans la banque du futur, l’humain n’a plus le monopole du savoir. De même, les tâches administratives et répétitives ne sont plus des critères de  performance humaine. Aujourd’hui, le progrès des technologies liées à l’intelligence artificielle ou à l’analyse de données ne laissent plus planer aucun doute: les machines nous dépasseront à terme dans le traitement de l’information. La Knowledge Discovery par exemple, autrement dit la découverte de connaissances au sein d’une base de données par le biais d’algorithmes d’apprentissage, dépasse les limites cognitives de l’employé humain.

Les banques pourront ainsi proposer des services
spécifiques et sur mesure, en fonction de la situation.

Les données dont disposeront les conseillers à la clientèle et leurs clients seront à l’avenir nettement plus approfondies et précises qu’aujourd’hui. Les banques pourront ainsi proposer des services spécifiques et sur mesure, en fonction de la situation, du comportement, des différences entre chaque client et de leur connexions (alors qu’historiquement, l’exclusivité était la norme dans le secteur bancaire). Par conséquent, le modèle-type du conseiller à la clientèle humain programmé pour exécuter des connaissances structurelles ne permet plus de comprendre correctement leur rôle, à l’ère numérique.

Au contraire, le conseil nécessite l’acquisition libre du savoir, fondé sur l’analyse des données issues de la machine, afin de favoriser une découverte dynamique et de partager avec le client une connaissance qui répond mieux à ses besoins. Cela exige de l’employé de banque qu’il comprenne et applique la technologie de manière  tangible et complémentaire. Il est en effet important de souligner que cette compétence technologique va au-delà de la simple compétence en programmation.

Renforcer la présence avec le client

Cependant, l’inclination pour la machine, bien que nécessaire, ne suffit pas à elle seule. En effet, la liberté créatrice, basée sur les données décrites avec le client, doit être activement exploitée dans les quelques moments d’interaction d’homme à homme. L’avenir est incertain. Il ne peut plus être déduit sur la base de données et de besoins statiques. Au contraire, à l’ère de la transformation numérique, le futur est un terrain de jeu aux opportunités illimitées.

La formation doit favoriser les compétences
en orientation créative et humaine, dans un contexte inconnu.

Pour réussir dans cet environnement, le conseiller à la clientèle doit être en mesure de guider le client, c’est-à-dire d’explorer ses besoins, de les expérimenter ensemble et de suivre leur évolution de façon itérative avec le client. La présence physique du conseiller est également nécessaire pour donner un sens à cette interaction et créer un lien avec le client. La technologie exclut tout cela.

Banque d’empathie

Outre la compétence technologique, la formation doit donc favoriser les compétences en orientation créative et humaine, dans un contexte inconnu. Promouvons l’empathie, soit la capacité à répondre de manière émotionnelle, cognitive et sociale au monde (émotionnel) de son interlocuteur (empathy banking). Cela exige, entre autres, une perception claire de soi-même, de la confiance en soi, une plus grande responsabilité individuelle ainsi qu’un compréhension intensive et holistique de l’environnement. Le client bancaire du futur ne regarde pas le monde par un trou de serrure. Les portes n’existeront simplement plus.

Les employés de la banque ont besoin de retrouver la confiance et l’optimisme qu’ils avaient à l’aube de leur vie. Malheureusement, cette disposition à entrer dans des relations de confiance se perd souvent lors de la socialisation, notamment à l’école. Les robots, peu importe leur apparence, ne créent pas de liens. Ils ne remplaceront pas les humains tant que nous restons convaincus que l’égalité entre intelligence humaine et artificielle n’est que pure fiction. Souvenons-en nous lors de l’éducation et la formation de l’»employé de banque bionique».

La banque du futur peut se contenter de deux employés: un homme et un chien. L’homme est là pour nourrir le chien. Le chien, pour rappeler aux gens leurs valeurs humaines.

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