Les émergents récoltent les fruits de leur orthodoxie monétaire

Anne Barrat

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Pour Pascal Gilbert de DNCA, les différentiels de taux réels entre l’OCDE et certains émergents renforcent l’attractivité de leur dette et de leur devise.

«Que faire avec ces taux et le retour de l’inflation?!» Regarder du côté des pays émergents, surtout ceux qui ont initié le resserrement de leur politique monétaire en pleine crise de COVID, ainsi que les producteurs de matières premières répond Pascal Gilbert, Senior Portfolio Manager chez DNCA Finance, dans le cadre d’une présentation du bilan 2021 et des perspectives 2022 des fonds DNCA Invest Alpha Bonds et DNCA Invest Flex Inflation qu’il gère.

«Les marchés obligataires des pays développés resteront peu attractifs en 2022.»

Même si l’ensemble des économies retrouveront, voire dépasseront, au cours de cette année leur taux de croissance de 2019 – la moyenne mondiale devrait s’établir à 4,5% contre 3,3% selon DNCA –, celles des pays développés offrent des perspectives très différentes de celles de pays émergents tels que le CEE3 (Hongrie, Pologne, Tchéquie), la Russie, ou encore le Brésil, le Chili et le Mexique. 

Cap sur la partie courte de la dette émergente 

D’un côté, que le potentiel de croissance à long terme des premières est en baisse, vieillissement démographique oblige. Le niveau élevé de la dette publique freine la hausse des taux directeurs, qui devraient rester en terrain négatif. Enfin, l’inflation «core» (i.e. retraitée de facteurs non récurrents comme les matières premières agricoles ou énergétiques), qui atteint des niveaux records historiques dans l’OCDE, mettra plusieurs années à se distiller dans l’économie, la hausse des prix amorcée ayant toutes les chances de déboucher sur une augmentation des salaires – les taux de démission aux Etats-Unis sont à leur pic, tous comme les offres d’emploi vacants. Résultat: «les marchés obligataires des pays développés resteront peu attractifs en 2022, explique Pascal Gilbert. D’une part le crédit, déjà trop cher en 2021, aura tendance à faire plutôt l’objet de défiance avec des banques centrales réduisant progressivement leur programme de Quantitative Easing, et une inflation résiliente grevant le pouvoir d’achat des ménages. D’autre part, les taux longs des dettes des états du G10 n’offrent aucune perspective, encore moins que début 2021 en termes de valorisation compte tenu de rémunérations de plus en plus attractives attendues sur les parties courtes de taux» Les taux réels court terme du G3 (US/EUR/UK) sont toujours fortement négatifs et donc peu attrayants.

«Les taux directeurs des pays émergents ont pour la première fois en 2021 été remontés en amont de ceux des pays de l’OCDE.»

De l’autre côté, les pays émergents affichent des marges de manœuvre reconstituées, avec des balances budgétaires positives et des taux directeurs de banques centrales supérieurs à ceux des pays développés. «Les taux directeurs des pays émergents ont pour la première fois en 2021 été remontés en amont de ceux des pays de l’OCDE et sont maintenant supérieurs de près de 2% en moyenne à ceux observés avant la crise COVID, ceci afin de juguler l’inflation, souligne Pascal Gilbert. Ce différentiel de taux, lié au décalage de stratégie des banques centrales, prudente pour celles des pays émergents, accommodante pour celles des pays développés en raison du niveau record de déficit, crée une attractivité réelle pour la dette des émergents. L’obligataire des pays émergents, des pays exportateurs de matières premières en particulier, qui profitent d’une amélioration significative des termes de l’échange, sera un thème d’investissement à suivre de près en 2022.» 

Les devises émergentes: une prime de risque intéressante

«Sur les pays émergents, ce thème d’investissement peut aussi être développé sur les devises, continue Pascal Gilbert. Là encore, les politiques budgétaires restrictives menées par des pays comme la République Tchèque, la Hongrie, la Russie ou encore, le Brésil, dès la mi-2021, ont creusé l’écart avec l’Europe et les Etats-Unis, créant une prime attractive pour leurs devises dans un environnement où les volatilités des marchés des changes restent particulièrement sages. Les pays émergents qui présentent des fondamentaux solides, à l’image des pays CEE3 de Europe de l’Est, et d’autres plus lointains comme le Mexique par exemple, offrent des opportunités d’investissement à court terme intéressantes.» La plupart des devises émergentes se situent autour d’un niveau de RATP (Risk Adujsted Term Premium ou prime par unité de risque, c’est-à-dire le prix de l’incertitude) de 80 points de base, considéré comme attrayant – à l’exception du rand sud-africain (ZAR), dont le RATP se situe autour de 40. Les grandes devises émergentes (rouble, peso chilien, real brésilien) et asiatiques (yuan, won coréen, roupie indonésienne) rémunèrent à taux réel positifs ou légèrement négatifs, ce qui les rend plus attractives.

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