Lendemains de fête

Alexis Bienvenu & Olivier de Berranger, La Financière de l'Echiquier

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Faut-il craindre une correction d’ampleur, à l’heure où la Californie brûle, où les faillites s’enchaînent, les communautés des USA se déchirent, où l’Europe voit les cas de contamination remonter?

Le Nasdaq et le S&P500 ont fêté une série de records tout l’été jusqu’au 2 septembre. Depuis, le marché a connu de violentes turbulences. Le Nasdaq, par exemple, a perdu près de 10%. TESLA a dévissé de plus de 25% sans nouvelle particulière intrinsèque à la société. Le dégrisement qui suit ces records est un moment pénible à passer. Le marché européen, lui, est moins mal en point, mais il n’avait pas autant progressé.

Faut-il en conclure que le marché haussier a rendu son dernier souffle? A l’heure où la Californie brûle, la Chine se noie, où l’Inde est submergée par le coronavirus, où les faillites s’enchaînent, la désinformation fait rage, les communautés des Etats-Unis se déchirent, où les négociations sur le Brexit s’épuisent, où l’Europe voit les cas de contamination remonter, faut-il craindre une correction d’ampleur?

Il est vrai que certains stimulants à court terme des humeurs du marché ont vu leur effet diminuer. Beaucoup de bonnes surprises sont déjà passées. En premier lieu, la stabilisation de l’épidémie aux Etats-Unis. Ou encore, la baisse du dollar qui favorise la Bourse américaine et les Emergents. Ou enfin, la dynamique positive des révisions de bénéfices sur les douze prochains mois qui succède à une brutale période de révision à la baisse.

En se dégrisant, le marché perçoit plus clairement
les risques pesant sur l’économie mondiale.

En outre, des facteurs de risque bien identifiés pèsent toujours sur la santé des marchés, en particulier le niveau de valorisation des valeurs technologiques. Malgré la baisse récente des cours et les bonnes publications des sociétés qui le composent, le Nasdaq plafonne ainsi toujours à des niveaux de valorisation (en termes de cours rapporté aux bénéfices) inédits depuis une vingtaine d’années.

Mais si une baisse de tonus paraît naturelle dans ce contexte, ce serait un diagnostic à courte vue que de désespérer du marché. Les dernières déclarations des banques centrales sont en effet stimulantes. La Fed détaillera lors de sa réunion du 16 septembre les conséquences de son nouvel objectif d’inflation, qui rendront sa politique plus accommodante sur le long terme. La BCE vient d’affirmer qu’elle agirait si l’appréciation de l’euro abaissait les perspectives d’inflation; les banques centrales du monde entier maintiennent, voire accentuent leurs postures accommodantes dans le sillage de la Fed. Le flot de liquidité grossit toujours. Même si les perspectives bénéficiaires ne s’amélioraient pas (ce qu’elles font pourtant), cela seul prodiguerait un coussin de sécurité important au marché sur lequel il pourrait passer confortablement sa période de dégrisement.

A cela s’ajoute l’attente de nouvelles mesures de relance aux Etats-Unis. Elles tardent à se concrétiser, mais D. Trump a tout intérêt à en annoncer certaines avant les prochaines élections. En outre, les perspectives post-électorales s’annoncent globalement favorables au marché, quel que soit le candidat élu. J. Biden prévoit certes des hausses d’impôts mais également un gigantesque plan de relance écologique qui pourrait soutenir de larges pans de l’économie américaine. Quant à D. Trump, il promet de nouvelles baisses d’impôts. A court terme, le marché peut-il rêver mieux?

En se dégrisant, le marché perçoit plus clairement les risques pesant sur l’économie mondiale, en particulier le protectionnisme croissant, ainsi que les défis écologiques et sociaux grandissants. Mais rien n’indique que les ressorts qui ont présidé à sa hausse séculaire soient brisés. Les difficiles lendemains de fête n’empêchent pas longtemps l’envie de s’étourdir.

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