Le profil intéressant des obligations Crossover

Salima Barragan

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«La crise du Covid-19 a créée de nouvelles opportunités d’achat», explique Leslie Leigh de Lombard Odier Investment Managers.

L’univers Crossover qui comprend les notes BBB et BB est à cheval entre les titres de qualité et spéculatifs. Il est donc souvent mal compris des investisseurs. Les émissions BBB n’intéressent pas les investisseurs «Investment Grade» car elles risquent d’être déclassées dans la catégorie inférieure. Les obligations notées BB ne séduisent pas les investisseurs «High Yield» qui leurs reprochent des rendements moins attractifs que celles du bas de la fourchette. Cependant, une stratégie crossover permet de générer des rendements plus intéressants que les titres Investment Grade, tout en évitant les risques, plus marqués, des obligations à haut rendement, dont les notes sont inférieures. Le point avec Leslie Leigh, gestionnaire de portefeuilles chez Lombard Odier Investment Managers.

SEGMENT EN AUGMENTATION

Contrairement à l’univers Investment Grade (IG), le segment Crossover se développe depuis une décennie à un rythme soutenu. Il atteint aujourd’hui 6’500 milliards de dollars, soit environ 60% de l’univers IG. «Cette augmentation est la résultante de la crise financière où l’on a vu beaucoup d’émetteurs dégradés au bas de la fourchette IG par les agences de notation», explique Leslie Leigh.

Le rendement moyen de la classe Crossover (libellé en euro) en décembre était de 40 points de base supérieur à celui des émetteurs IG pour une duration réduite. «Ces entreprises de tailles petite et moyenne émettent avec des maturités plus courtes que les entreprises IG et le ratio spread/duration de leurs émissions devient plus intéressant», poursuit-elle. Depuis le pic de la crise, les porteurs d’obligations crossover ont profité d’un resserrement des spreads de crédit de plus de 40%.

La crise de mars a précipité la chute d’émetteurs connus tels que Ford ou
encore ArcelorMittal pour des motifs non justifiés par leurs fondamentaux.
VAGUES DES FALLEN ANGELS

Evoluant du haut au bas du spectre Crossover, les Anges Déchus sont des entreprises déclassées de BBB à BB, passant ainsi d’investissement de qualité à spéculatif. Redoutées des investisseurs contraints à des notations minimum IG, les Fallen Angels voient leurs prix chuter sensiblement lors des ventes forcées de ces derniers. Par exemple, lorsque Bilfinger, une entreprise d’ingénierie allemande est tombée en BB, son spread de crédit s’est écarté de 150 à pratiquement 400 points de base pour ensuite se resserrer à 250 points de base 3 semaines après.

La crise de mars a précipité la chute d’émetteurs connus tels que Ford ou encore ArcelorMittal pour des motifs non justifiés par leurs fondamentaux. «Les ventes massives se sont faites de manière non indiscriminée dans un contexte de crise exogène», souligne Leslie Leigh. Ce qui a créée des opportunités d’achat: «Le prix de l’obligation de Ford est descendu à 60 dollars US pour rebondir ensuite à 90, notamment grâce aux programmes de soutien de la banque centrale américaine». Le gros de la vague a déferlé en mars mais la tendance va se poursuivre bien que plus modérément. Uniquement sur les secteurs de l’énergie, du loisir et de l’automobile, les Anges Déchus ont représenté plus de 90 milliards de dollars US. «La crise du Covid-19 a déclenché de nouvelles migrations, cependant il faut veiller à éviter les «Falling Knifes» dont les risques de défaut ont augmenté», prévient la spécialiste.

Après une chute en BB, les Falling Angels ont tendance à surperformer les autres obligations de même notation, effaçant ainsi la sous-performance liée à la dégradation de leur notation de crédit dans un horizon de temps d’environ deux ans. «Notre positionnement sur le segment Crossover permet de capturer ce phénomène des anges déchus qui est source de surperformance», poursuit-elle.

Si la notation des entreprises déchues est relevée à BBB - notamment après l’optimisation de leur bilan - elles retrouveront les faveurs des investisseurs IG. «Le phénomène des Etoiles Montantes quant à lui montre une propension à améliorer les fondamentaux pour gagner des places sur l’échelle des notations de crédit», précise Leslie Leigh.

PERSPECTIVES DE MARCHE

S’agissant des perspectives à venir, elle s’attend à un scénario généralement favorable pour le crédit grâce au support sans précédent des gouvernements et des banques centrales. Bien que le segment crossover reste attrayant pour des investisseurs en quête de rendements, la sélection de titres basée sur les fondamentaux des émetteurs doit être extrêmement rigoureuse. «Selon nous, il est d’autant plus crucial, dans les conditions de marché actuelles, de se concentrer sur la qualité».