Le potentiel du troisième pilier reste largement sous-utilisé

Yves Hulmann

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L’Association prévoyance suisse (VVS) plaide en faveur de possibilités de paiements rétroactifs pour les cotisants au pilier 3a.

Alors que le débat se concentre actuellement en Suisse avant tout sur la réforme du deuxième pilier, la prévoyance, privée, du troisième pilier gagne, elle, aussi constamment en importance. Suffisamment? Pas encore, estime en substance l’Association prévoyance suisse (VVS). L’organisation fondée en 2014, qui représente à la fois les intérêts des fondations de libre passage et des institutions du pilier 3a, observe, certes, avec satisfaction que les volumes de cotisation augmentent année après année dans ce domaine. En revanche, le potentiel de placement des avoirs confiés à ces institutions de prévoyance reste cependant encore largement sous-exploité, résume l’organisation qui a publié en mai pour la troisième fois les résultats d’une étude consacrée au libre passage et au pilier 3a.

Davantage de titres placés dans le cadre des avoirs du pilier 3a

Côté positif, les Suissesses et les Suisses s’intéressent toujours davantage aux possibilités offertes par le troisième pilier. Ainsi, à fin 2017, le nombre de comptes du pilier 3a a crû de 4,8% par rapport à l’an précédent, tandis que celui des dépôts a même bondi de plus de 15%. En matière d’investissements, les détenteurs de comptes du pilier 3a laissent toutefois encore trop souvent dormir leur argent, estime l’association. Pour mesurer cet aspect, l’association se base sur la «part moyenne des titres», une mesure qui reflète la proportion avec laquelle les avoirs sont effectivement investis. En 2017, cette part a atteint 23,7% pour le pilier 3a (22,7% un an plus tôt). A noter que cette proportion augmente constamment avec l’âge: partant de 14,7% pour la tranche d’âge des 18 à 24 ans, elle culmine à 27,1% chez les personnes âgées entre 45 et 54 ans, avant de redescendre à 22,9% chez les 55 à 65 ans. Suite à l’échec de la réforme Prévoyance 2020, la question d’assurer sa propre prévoyance occupe une place centrale chez les cotisants, observe Nils Aggett, le président de VVS. Les Suissesses et les Suisses recherchent de la sécurité dans le cadre du troisième pilier. Malgré tout, plus des deux tiers de ces avoirs restent placés sur des comptes 3a qui ne reçoivent pratiquement aucun intérêt. En comparaison, avec un horizon de placement similaire, près de 90% des capitaux des caisses de pension sont investis, met-il en perspective. Pour l’expert, le fait que la part moyenne des titres augmente constamment jusqu’à l’âge de 55 ans a aussi quelque chose de paradoxal: «Ce sont justement les assurés les plus jeunes qui, compte tenu de leur horizon de placement plus long, devraient afficher la part moyenne de titres la plus élevée», juge Nils Aggett.

Vaste choix de produits aussi dans le libre passage 

La même tendance est observée pour les avoirs de libre passage, qui restent aussi souvent peu investis. Bien qu’en hausse forte hausse, la part moyenne des titres n’atteignait que 18,4% en 2017 (contre 13,5% un an plus tôt). Ici aussi, cette part augmente constamment avec l’âge, partant cependant d’un niveau extrêmement bas pour les catégories les plus jeunes. «Beaucoup de gens qui quittent leur employeur ne sont souvent pas au courant qu’ils ont de nombreuses possibilités d’investir leurs avoirs déposés sur un compte de libre passage. Certains pensent que les avoirs sont automatiquement investis par la fondation, ce qui n’est pas le cas», a rappelé Nils Aggett lors d’une présentation sur ce sujet à Zurich. L’occasion pour le spécialiste de souligner qu’aujourd’hui le choix de produits pour le libre passage est à peu près similaire à celui du pilier 3a. Globalement, il se montre satisfait des résultats obtenus par l’association dans ce domaine. «Les efforts entrepris par les membres de VVS afin d’accroître l’attention de leurs clients au sujet des questions liées au libre passage porte ses fruits», juge-t-il. Quant à la hausse sur un an du nombre de comptes (+3,7%) et de dépôts (+10,6%) dans le domaine du libre passage, cette évolution est plus difficile à interpréter. Pour l’association, elle reflète aussi en partie l’augmentation du nombre d’interruptions de carrière au cours de la vie professionnelle des cotisants.

Un potentiel de versement supplémentaire
de 10 milliards de francs dans le pilier 3a.

Si les cotisants au troisième pilier gèrent leurs placements de manière un peu plus active, le versement moyen des actifs dans le pilier 3a, d’environ 3400 francs par an, reste néanmoins très inférieur au montant maximal autorisé de 6768 francs par année. Les raisons à cette situation sont nombreuses: il peut s’agir aussi bien d’un revenu disponible trop bas, d’arrêts temporaires de l’activité lucrative pour cause de maternité, de la perte de son d’emploi ou de l’absence d’activité professionnelle en Suisse. En comparant le montant moyen de 3400 francs avec le montant maximal de 6768 francs, le potentiel de versement supplémentaire est chiffré par VVS à environ 10 milliards de francs par an en Suisse. 

Les paiements rétroactifs à l’étude

Comment rattraper ces retards de cotisation? Pour y remédier, l’association plaide en faveur de la possibilité pour les cotisants d’effectuer des paiements rétroactifs. Dans ce scénario, le montant maximal du rachat proposé aux cotisants serait plafonné à 33’840 francs (5 ans fois le montant maximal de 6768 francs) et il serait possible de l’exercer tous les cinq ans au plus, à partir de l’âge de 30 ans. Pour évaluer le potentiel de succès d’une telle approche, l’association s’appuie sur un sondage représentatif effectué auprès de 2600 personnes en Suisse. Résultat : les deux tiers (66%) des personnes sondées serait en faveur de la possibilité d’effectuer des paiements rétroactifs. Cette proposition recueille aussi le plus d’avis favorables (73%) auprès de la génération des personnes âgées de 18 à 35 ans. «La jeune génération et les mères exerçant une activité lucrative pourraient ainsi assurer une prévoyance privée continue, même durant les années ultérieures et tout en optimisant leurs impôts», a commenté Emmanuel Ullmann, secrétaire général de VVS, au sujet des possibilités de rachat dans le pilier 3a. Reste que si cette proposition recueille beaucoup d’avis favorables auprès des personnes sondées, il lui restera à trouver encore un appui suffisant sur le plan politique.