Les droits de douane initiés par l’actuelle administration américaine ont monopolisé une grande partie de l’attention de la presse économique depuis le début de l’année, mais une partie de cette attention se porte désormais sur l’acronyme BBB. Dans le langage financier, BBB fait immédiatement penser à une notation de crédit, en l’occurrence l’avant dernière dans l’échelle avant d’arriver dans la dette dite spéculative (tout ce qui se situe en dessous de BBB-). Cela dit, depuis quelques semaines, on peut y voir une autre référence, à savoir le «one Big, Beautiful Bill act» (littéralement Grand, Beau projet de loi) ou BBB.
Ce nom très «trumpien» fait officiellement référence au budget que l’administration républicaine tente actuellement de faire passer au Congrès. Ce projet suscite l’incompréhension d’une partie du camp présidentiel, car il augmente une nouvelle fois le déficit et donc la dette américaine, ce qui va à l’encontre des promesses de campagne quant à une réduction de l’endettement fédéral. Ce qui rend cela d’autant plus cocasse est que Moody’s, la dernière des trois agences de notation qui donnait encore la notation maximale (AAA) à la dette américaine l’a réduite d’un cran à mi-mai (les deux autres, S&P et Fitch l’ayant déjà fait il y a quelques années). Parmi les raisons invoquées par Moody’s il y a notamment la trajectoire de la dette fédérale et le fait qu’il n’y ait pas de plan suffisamment crédible pour changer la situation.
Les critiques faites par une partie du camp républicain concernant le «one BBB act» rendent Donald Trump furieux. Il s’est ainsi emporté ouvertement contre plusieurs membres du Congrès les menaçant notamment de faire campagne contre eux lors des élections de mi-mandat l’année prochaine. Il s’est également emporté contre Elon Musk le menaçant de couper les contrats gouvernementaux que ses entreprises ont avec l’Etat fédéral. En effet, celui qui est officiellement l’homme le plus riche du Monde, et à la tête de plusieurs entreprises, était également depuis le début de l’année en charge de «DOGE», une sorte de commission censée trouver des pistes pour faire baisser les dépenses étatiques. Or, le projet «BBB» de Donald Trump augmenterait la dette plus que l’ensemble des économies suggérées par Elon Musk.
Ces tensions politiques internes au camp républicain viennent se rajouter à la pression que Donald Trump met sur Jerome Powell, l’actuel président de la Réserve fédérale américaine (Fed). En effet, le locataire de la Maison-Blanche, qui avait lui-même nommé Monsieur Powell lors de son premier mandat ne supporte pas que la Fed ne soit pas plus franche dans sa phase de baisse du taux directeur entamée en fin d’année passée. Ceci dans le but de stimuler l’économie qui est à la peine avec notamment une contraction du Produit intérieur brut (PIB) sur le premier trimestre de cette année. A la suite de la réunion de la Fed des 6 et 7 mai 2025, l’institut monétaire avait laissé le taux directeur inchangé à 4,5% en invoquant une inflation jugée encore trop forte malgré une tendance à la baisse. Monsieur Powell avait également laissé entendre que la mise en place des droits douanes était un des risques qui l’inquiétait, même si à ce stade l’économie américaine était selon lui sur une tendance stable malgré la légère contraction du début d’année.
Pour ne rien arranger à la situation, certaines des négociations en cours concernant les droits de douane, entre les Etats-Unis et leurs divers partenaires commerciaux, ne semblent pas avancer aussi rapidement qu’espéré. Ceci est notamment le cas des discussions entamées avec la Chine début mai à Genève. Ces premières discussions à priori prometteuses n’ont pas permis de trouver une solution pérenne et doivent encore être poursuivies avec une nouvelle réunion entre les deux superpuissances en ce début juin à Londres.
Tout cela ne facilitera pas une compression des taux obligataires américains qui sont à un niveau jugé trop élevés. L’actuel secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent s’en est également publiquement inquiété, peu après sa prise de fonction en début d’année. Le taux à 10 ans américain étant actuellement un des plus élevés parmi les économies développées.
Cette même logique se retrouve dans le marché actions américain qui est un des rares marchés à encore être en territoire négatif depuis le début de l’année. Au vu des divers éléments relevés, le marché américain ainsi que son économie risquent de rester sous pression relativement au reste du Monde.