Le financement numérique: effet de mode ou nouvelle ère?

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Immersion des PME dans la blockchain. Avec Andrea Baldassa de Cité Gestion.

Quel est le point commun entre QoQa, Audacia et Cité Gestion? Ces trois entreprises d’horizons distincts ont sauté dans l’univers des actifs numériques: elles ont «tokenisé» une partie ou l’intégralité de leur capital, pour des raisons propres à chacune. Cet anglicisme - qui pourrait devenir un terme d’usage de la même manière que «googliser» - signifie qu’elles ont émis de jetons numériques stockés dans la blockchain. Ces «token», échangeables sur des plateformes spécifiques (excepté dans le cas de Cité Gestion), remplacent les actions nominales ou au porteur. Le lexique du financement numérique ne s’arrête pas là: ICO (Initial Coin Offering) et STO (Security Taken Offer) se substituent aux acronymes des banques d’investissement. La tendance va-t-elle se développer?

Le financement numérique est tout à fait légal. Il est réglementé depuis peu par le gendarme financier suisse, la Finma, en avance sur ses pairs étrangers. La tokenisation répond à des processus sécuritaires clairement définis dans la loi suisse et régis par différents acteurs issus de la technologie ou du droit des affaires. «La CMTA (Capital Markets and Technology Association), chapeautée par le bureau d’avocat Lenz & Staehelin, attribue les certifications qui répondent aux directives de la Finma», explique Andrea Baldassa, responsable de projets chez Cité Gestion.

En décembre 2022, Cité Gestion devient la première banque au monde à tokeniser ses actifs. «Intéressés depuis plusieurs années aux nouvelles technologies et membre de la CMTA, nous avons voulu aider l’association en apportant notre pierre à l’édifice», poursuit-il.

Le phénomène de la tokenisation ne gagnera pas les sociétés cotées dont les actions changent de mains continuellement, car elles sont déjà listées sur les places de bourse.

La tokenisation des capitaux propres permet de lever des fonds facilement, à l’instar du détaillant en ligne suisse QoQa qui a rassemblé 1 million de francs en 2022 pour son développement. La fragmentation d’actions en jetons de valeur inférieure permet d’ouvrir le capital à davantage d’actionnaires - voire aux employés et aux clients-, afin de renforce les liens entre l’entreprise et sa communauté, un phénomène populaire dans le monde des crypto-devises et des NTF (Non Fongible Token) dédiés à l’art ou au sport.

Le concept a de quoi dérouter les néophytes. Pourtant la comptabilisation des titres décentralisée permet de tracer l’historique détaillé de toutes les opérations: «inviolables et infalsifiables, les tokens sont impossibles à hacker et les droits de propriété sont conservés à tout moment. La Blockchain regroupe différent processus et papiers en un fil parfaitement traçable», précise le spécialiste. Grâce à son architecture, la chaine de bloc est capable d’enregistrer des opérations impliquant une multitude de contreparties, telle que le Crowfunding, qui est une forme de financement participatif.

Mais ce phénomène ne gagnera pas les sociétés cotées dont les actions changent de mains continuellement, car elles sont déjà listées sur les places de bourse, comme la SIX en Suisse. Les tokens des PME et des start-up s’échangent sur une des trois jeunes plateformes numériques: Taurus (TDX), le marché numérique de la bourse suisse (DSX) ou encore la banque spécialisée dans les cryptodevises Sygnum (SygnEx). Ces dernières demeurent moins liquides et accessibles que les bourses traditionnelles.

Shipping, collection d’art, historique des vaccins (souvenez-vous du certificat COVID-19 basé sur la blockchain), peuvent aussi se convertir en actifs traçables. La tokenisation sera-t-elle la finance de demain? Le cadre juridico-infrastructurel est en place. Mais les appréhensions devant ces nouveaux acronymes persistent encore.

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