«Il ne s’agit pas de nettoyer son portefeuille, mais la planète», déclare Joe Mares de Trium à propos des stratégies ESG.
Industrie, transports, matériaux, énergie et fournisseurs d’énergie: un grand nombre de stratégies ESG excluent de facto les secteurs pollueurs. Pour cause, ils sont responsables de 90% des émissions de carbone sur la planète. Souvent, ces stratégies optent à la place pour les actions des entreprises à zéro émission, par exemple dans la technologie ou dans la santé, améliorant ainsi les scores ESG de leur fonds. Va-t-on vraiment parvenir à la transition climatique en fermant les yeux sur les «mauvais élèves», pourtant vitaux pour l’économie?
Pour Joe Mares, Portfolio Manager chez Trium Capital, la réponse est non: «Nous devons travailler avec les entreprises de ces secteurs qui mettent en œuvre des stratégies afin de réduire leurs émissions de CO2», explique le gérant d’un fonds equity market neutral ESG. Eclairage.
du transport maritime, de l’aviation, du ciment, des mines et des emballages.»
Dans la finance responsable, l’argent va généralement dans les portefeuilles les «plus verts». Une approche consiste à déployer des filtres d’exclusion pour éliminer les secteurs pollueurs, au bénéfice des secteurs écologiques. Mais le problème de transition climatique est bien plus étendu et plus complexe que des photos d’éoliennes et de panneaux solaires illustrant volontiers les prospectus des fonds ESG. Comment s’assurer que l’argent investit réduira durablement les émissions de CO2, et ce à travers tous les pans de l’économie? «Pour ce faire, nous devons attaquer le problème d’émissions globales en améliorant les secteurs de l’acier, de la chimie, du transport maritime, de l’aviation, du ciment, des mines, et des emballages» estime Joe Mares qui repère dans cet ensemble hétérogène les entreprises dont le potentiel de transformation est important. Et sélectionne celles dont les équipes dirigeantes souhaitent réellement désinvestir des activités polluantes. «On ne peut pas se contenter des rapports annuels de durabilité car un grand nombre de sociétés ne montrent que ce que les investisseurs souhaitent voir. Il faut, à la place, réfléchir au système entier de l’entreprise et à tous ses flux d’activités». Bien évidemment, certains secteurs n’évolueront pas, comme les mines de charbon thermique et l'exploitation des forêts tropicales.
Les gagnants de demain ne seront peut-être pas ceux auxquels l’on pense aujourd’hui. Qu’il s’agisse des secteurs en mutation ou d’entreprises qui sauront faire évoluer leur modèle d’affaires en ligne avec la transition climatique avec succès. «Il y a 10 ans, tous les analystes étaient négatifs sur les titres des deux raffineurs de pétrole, ERG et Neste qui décidèrent de restructurer leurs activités», explique Joe Mares. L’italien ERG avait vendu toutes ses activités liées au pétrole pour développer des projets éoliens. Le finlandais Neste a utilisé sa structure existante ainsi que son réseau de stations de pétrole pour développer un commerce de biodiesel en plus de son activité de base. «Ces deux sociétés qui ont choisi de se désinvestir des énergies fossiles ont finalement vu, après quelques années, une résurgence de leurs revenus et du prix de leurs actions», poursuit-il.
Le temps aura donné raison à ces reconverties, alors que certaines entreprises du photovoltaïque de l’époque ont disparu pour des raisons diverses. «Les investisseurs pensent que certaines activités comme les services pétroliers n’ont pas de futur. Mais les sociétés impliquées peuvent aussi décider de faire une transition dans les produits renouvelable. Il est intéressant de voir comment les sociétés évolueront d’ici 5 ou 10 ans», explique le gérant qui sélectionne des entreprise prête à se lancer dans la décarbonisation et dont l’impact sera plus significatif que les entreprises des secteurs qui émettent zéro émission.
Il y a aussi les opportunités réglementaires à saisir pour une kyrielle d’entreprises, tous secteurs économiques confondus. L’Europe, par exemple, s’est embarquée dans une transition pour une économie verte. «Cela ne concerne plus uniquement l’électricité et les fournisseurs d’électricité qui ont entamé le processus, mais également la construction, les industriels et le transport». Un quart des émissions proviennent du bâtiment. Le Green Deal multipliera les initiatives pour optimiser les constructions aux nouvelles normes environnementales et encourager la rénovation. De belles opportunité de changement pour des entreprises agiles dans le ciment, le verre et l’électricité.