Le Big Data s’immisce dans la finance

Salima Barragan

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«Les algorithmes sont une réponse scientifique de la gestion thématique», déclare Brice Prunas, ODDO BHF Asset Management SAS.

Ni actifs, ni passifs, ni totalement quantitatifs, les algorithmes d'intelligence artificielle se définissent comme une nouvelle catégorie de gestion d’actions, notamment pour celles dont l’univers d’investissement est particulièrement vaste. Capables d’abattre le travail d’une armée d’analystes, comment ces programmes fonctionnent-ils? La réponse avec Brice Prunas, gérant des fonds actions thématiques globales au sein de ODDO BHF Asset Management SAS.

Ces algorithmes appelés «Machine Learning» filtrent le marché pour identifier les actions les plus pertinentes d’un univers d’investissement de plusieurs milliers d’actions. «Cette technologie permet de dépasser la capacité humaine pour mieux appréhender 4 millions de données par jour. Il s’agit ici d’analyser les données non structurées, qui représentent aujourd’hui 80% des données de la planète», explique Brice Prunas. Par exemple, le sentiment fait partie des données non structurées (une donnée qui ne peut être mise dans une base de données). Le sentiment est capturé, analysé par des algorithmes puis synthétisé en scores qui constituent la première étape dans notre objectif de génération d’alpha dans la durée. 

«Le Machine Learning et Deep Learning
comprennent le sens des textes.»
Trois couches d’analyses

Pourquoi l’intelligence artificielle s’applique-t-elle de plus en plus à la finance? «On assiste à une explosion des données, et beaucoup d’entreprises les utilisent déjà via leurs stratégies digitales», répond Brice Prunas. Mais un système de Machine Learning ne serait pas efficace sans sa bibliothèque sémantique de mots clés, dont 10% sont mis à jour bi-annuellement. «Nous définissons les mots clés de la thématique puis le système qui analyse les données détecte ces mots clés et trouve des occurrences entre ceux-ci et les entreprises», explique Brice Prunas. A la fin de ce processus, la machine affichera les 300 entreprises totalisant le maximum d’occurrences des mots clés.

Comment s’assurer que les occurrences décelées s’avèrent positives pour la valeur, et non le contraire? Les algorithmes sont non seulement capables de comptabiliser les occurrences, mais aussi d’en interpréter le contenu. «Le Machine Learning et Deep Learning comprennent le sens des textes. C’est d’ailleurs une technologie utilisée par certaines plateformes sociales pour bloquer les contenus inappropriés», explique Brice Prunas.

Les analystes-gérants ne sont pas encore
remplacés par des machines.

Dans une deuxième étape, le gérant passe les 300 titres détectés par la machine dans un modèle quantitatif à multifacteurs. Chaque entreprise, dont les notes au compteur sont remises à zéro, est notée selon quatre facteurs - valorisation, momentum, qualité et taille pour constituer 1'200 scores. Seules les meilleures d’entre elles seront prises en compte. «Ce modèle quantitatif nous permet d’éviter les biais psychologiques», explique-t-il.

Même si une gestion 100% algorithmique est en théorie possible, dans une troisième étape – le contrôle qualité - l’esprit critique humain est mis à contribution. Les analystes-gérants ne sont pas encore remplacés par des machines. «Nous nous posons les questions fondamentales, telles que: la société crée-t-elle suffisamment de valeur économique à partir du thème?» L’intervention humaine vise aussi à réduire le risque de modèle.

L’exemple de Ping An

Il n’y a pas seulement les gestionnaires d’actifs qui recourent à l’intelligence artificielle pour prédire les valeurs montantes. Les assureurs, comme le chinois Ping An, y font aussi appel pour évaluer les probabilités de maladie de leurs clients potentiels. «Il s’agit d’analyse prédictive selon les données fournies par les clients», souligne Brice Prunas. Son modèle permet également d’évaluer les sinistres liés aux assurances automobiles: «Sur la base des photos des voitures accidentées, l’assureur – via son algorithme - comprend les types de dommages, les indemnités probables et détecte les cas de fraudes».

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