L'art d'investir

Salima Barragan

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Amy Y. Zhang, Portfolio Manager chez Alger, explique pourquoi certains ratios financiers s’adaptent mal aux petites sociétés de croissance.

Parce que les petites entreprises se développent par étapes, le multiple du prix sur les bénéfices (P/E) serait-il inadapté? C’est ce qu’affirme Amy Y. Zhang, Portfolio Manager chez Alger. «Dans un marché concurrentiel, une simple division ne dit rien sur les avantages de l’entreprise. La génération de rendements sur le long terme dépend des fondamentaux et non d’un calcul à un instant donné de la vie de l’entreprise», explique-t-elle. 

Les lacunes des ratios financiers

S’il est communément admis que la valeur intrinsèque d’une action est la valeur actuelle nette de tous ses flux monétaires futurs, ce calcul pourrait n’être qu'une évaluation abrégée de la réussite probable d’une entreprise. Cette formule présenterait aussi quelques inconvénients pour les petites et moyennes entreprises en forte croissance: «Le ratio prix/bénéfices (P/E) est statique et ne regarde qu'un instant donné dans le temps. Pour les entreprises matures qui ne croissent plus, c'est acceptable, mais pour les petites et moyennes entreprises à forte croissance, les multiples P/E sont souvent gonflés lorsque les entreprises se développent par étapes», estime la spécialiste.

«Le PEG s'effondre lorsque les entreprises positionnées très tôt
dans leur cycle de vie ont des bénéfices négatifs ou faibles.»

En revanche, le PEG – qui est le P/E ajusté à la croissance – est communément utilisé pour analyser les entreprises de croissance. Mais ce ratio serait aussi sujet à des lacunes: «Le PEG s'effondre lorsque les entreprises positionnées très tôt dans leur cycle de vie ont des bénéfices négatifs ou faibles, comme certaines entreprises à petite capitalisation. Il ne tient pas compte de la nature composite des petites entreprises», explique-t-elle. En d'autres termes, ajouter la croissance à la formule du PEG peut la rendre plus raisonnable, mais seulement pour les entreprises matures car «on devrait le décomposer davantage pour les petites entreprises de croissance», poursuit-elle.

Les fondamentaux comme chance de succès

Pourtant, dans la décennie qui a précédé le rachat par SAP de l’entreprise Concur, qui fournit un logiciel de gestion des frais de voyages, son P/E moyen était de plus de 50 fois ses bénéfices. Dans cet exemple, le ratio s'est avéré justifié car son bénéfice par action a par la suite quadruplé, conduisant à un rendement annualisé de son cours de bourse de près de 30%. Mais dans ce cas, un autre facteur serait en cause selon la spécialiste: la qualité de l’entreprise. «Nous définissons la qualité comme le niveau et la durabilité du retour sur le capital investi que les entreprises peuvent générer. La première est sujette à ses clients et à son modèle d'entreprise, tandis que la dernière est motivée par l'avantage concurrentiel».

«Ce sont les fondamentaux qui comptent le plus,
surtout lorsqu'une entreprise connaît une croissance rapide.»

De même, l’entreprise Veeva qui fournit des solutions pour l’industrie pharmaceutique et qui affichait des valorisations apparemment hautes, a par la suite largement dépassé les attentes. «Veeva a surpassé le Russell 2000 Growth de plus de 500% au cours des cinq dernières années, bien qu'elle ait commencé la période à un cours trois fois supérieur au multiple du ratio cours/bénéfice sur les douze derniers mois du Russell 2000 Growth», explique-t-elle. La qualité fondamentale supérieure de Veeva a été le facteur clé de cette surperformance, comme en témoigne la croissance de plus de 500% de son BPA.

Les fondamentaux seraient-ils donc les uniques et véritables moteurs de performance pour les petites sociétés? «Ce sont les fondamentaux qui comptent le plus, surtout lorsqu'une entreprise connaît une croissance rapide, car nous nous concentrons sur l'évolutivité et la croissance future qui n'est pas dans le prix du marché», explique Amy Y. Zhang. Elle illustre sa réponse par la progression de l’indice S&P Small Cap 600 de 8% par an au cours de ces 20 dernières années. «Le taux de croissance de 8% a été très similaire au taux de croissance annuel du bénéfice par action et il est peu probable que le P/E ait changé de manière spectaculaire malgré une croissance forte».

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