La Fed, décidément peu pressée de baisser ses taux

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Le récent rebond des prix du pétrole ajoute une dose de volatilité dont la Fed se serait bien passée.

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Pour la deuxième fois en trois réunions, la Fed a laissé sa politique monétaire inchangée, décision unanime et pleinement attendue. Tenant compte de la robustesse de l’économie et des risques haussiers d’inflation, la Fed se garde la possibilité d’une dernière hausse de taux cette année. Toutefois, Jerome Powell n’a pas manqué de dire que rien n’était arrêté. Risque d’arrêt des services administratifs, tensions sur le pétrole, grève dans le secteur automobile, beaucoup de facteurs peuvent perturber les prochaines semaines. Dans ses nouvelles projections, le FOMC témoigne d’une plus grande confiance dans le scénario d’atterrissage en douceur, ce qui réduit l’ampleur des baisses de taux envisagées en 2024 et 2025.

Comme chaque fin de trimestre, les membres du FOMC ont actualisé leurs projections économiques, et la politique monétaire qu’il juge devoir leur associer. Tout exercice de prévision a ses limites mais donne un cadre d’analyse. Durant l’été, l’économie US a montré plus de robustesse qu’attendu, ce qui a automatiquement conduit à réviser vers le haut la croissance anticipée et vers le bas le niveau de chômage. La balance des risques touchant l’activité reste négative mais bien moins qu’il y a quelques mois. La balance des risques sur l’inflation pointe dans l’autre sens, et même un peu plus qu’avant l’été. On ne peut marquer sur tous les tableaux à la fois: si l’économie résiste, c’est peut-être que la demande n’a pas été assez pressurée. Le récent rebond des prix du pétrole ajoute une dose de volatilité dont la Fed se serait bien passée. Cela dit, son hypothèse d’inflation mettant l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle core à 3,7% à la fin 2023 est trop haute. Si la Fed est positivement surprise, elle n’aura nul besoin de durcir davantage sa politique.

Dans ces conditions, à dix jours de la fin de l’année fiscale, il est peu probable que les 12 décrets permettant d’étendre le financement du gouvernement fédéral soient adoptés en temps et en heure.

Si les taux directeurs ont atteint leur pic, à quel rythme peuvent-ils redescendre? Dans un cycle standard, la première baisse intervient environ huit mois après la dernière hausse et l’assouplissement est alors rapide car l’économie, n’ayant pas résisté au choc de taux, tombe en récession. Dans le cycle actuel, bien que la hausse cumulée ait été plus forte qu’à l’ordinaire, l’économie a pour l’instant bien encaissé le choc, et les turbulences financières d’il y a quelques mois se sont apaisées. Dans l’optique de la Fed, il n’y a aucune urgence à débattre d’une baisse des taux. Dans son scénario médian, calé sur une trajectoire de soft landing, autrement dit un ralentissement modéré sans hausse massive du chômage, le FOMC envisage désormais 50pb d’assouplissement d’ici la fin 2024, deux fois moins qu’en juin dernier. En somme, cela présage une longue pause, jusque vers la mi-2024, le temps que l’inflation ait convergé de manière crédible vers sa cible.

Les risques d’une paralysie administrative

La majorité républicaine à la Chambre ne parvient pas à surmonter ses dissensions internes. Le Speaker McCarthy ne doit son poste qu’aux concessions qu’il a dû faire à un petit groupe d’élus aux positions extrêmes. Sur ces questions budgétaires, d’autres représentants du parti républicain seraient prêts à chercher un compromis avec le camp démocrate. Dans ces conditions, à dix jours de la fin de l’année fiscale, il est peu probable que les 12 décrets permettant d’étendre le financement du gouvernement fédéral soient adoptés en temps et en heure. A défaut, certaines agences fédérales fournissant des services non-essentiels seront fermées (shutdown) à partir du premier octobre. Ce genre d’épisodes est hélas assez fréquent, sa durée allant de quelques jours à plusieurs semaines. Le dernier en date et le plus long aussi (35 jours) s’était déroulé sous la présidence de Donald Trump de décembre 2018 à janvier 2019. Le Congressional Budget Office a estimé que cela avait pesé sur le niveau du PIB réel à hauteur de 0,1pt au quatrième trimestre 2018 et 0,2pt au premier trimestre 2019. Pas de quoi faire dérailler l’économie, mais il est toujours préférable d’éviter une poussée d’incertitude.

Parmi les services fédéraux susceptibles d’être fermés se trouvent le Bureau of Labor Statistics (BLS), l’organe statistique qui a la charge de produire les rapports mensuels sur le marché du travail et sur les prix à la consommation. Si le BLS était fermé, il ne pourrait ni collecter ni les données, ni publier ces rapports. Dans ce cas, on ne disposerait pas de certaines données économiques de premier plan (les chiffres d’emploi et de chômage sont normalement attendus le 6 octobre et le CPI le 12 octobre). En 2019, le BLS n’avait pas fermé, mais en 2013, les données d’emploi avaient été retardées durant les 16 jours de shutdown. A noter enfin que les méthodes statistiques du BLS recommande de considérer que les employés fédéraux obligés de restés chez eux, et suspendus de rémunération, sont toujours employés dans une des deux enquêtes du BLS mais qu’ils sont chômeurs dans l’autre. Bref de quoi rendre peu lisibles les résultats.

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