La Chine suit sa propre voie

Alan Mudie, Woodman Asset Management

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A l’inverse des économies et marchés occidentaux, la Chine semble mieux naviguer en cette tempête.

Les sondages mensuels de S&P Global auprès des directeurs d’achat (PMI) fournissent un aperçu instantané de la confiance des entreprises mondiales. Le rapport de juin a révélé une situation similaire en Europe et aux Etats-Unis: la confiance reste en phase d’expansion dans l'industrie manufacturière et les services, mais elle a fortement ralenti par rapport à mai et est restée en deçà des prévisions conservatrices des économistes. Faut-il s’attendre alors à récession imminente et comment affecterait-elle les marchés?

Aux Etats-Unis, d'autres enquêtes auprès des entreprises dressent un tableau similaire. Ainsi, certains rapports régionaux de la Fed sont à leur plus faible niveau depuis la récession du printemps 2020, tandis que l'indice des nouvelles commandes de l'Institute of Supply Management a plongé en zone de récession. Du côté des consommateurs, la situation n’est guère plus encourageante - en effet, le sondage de l'Université du Michigan a atteint un nouveau plancher historique en juin, tandis que les prévisions d'inflation à 12 mois livrées au Conference Board atteignent 8%, du jamais vu. Les chefs d'entreprise et les ménages sont confrontés au même cocktail amer de perturbations de l'offre, d'inflation galopante, de hausse des taux d'intérêt et de resserrement de conditions financières.

Toutefois, il existe une nette divergence entre le consensus des macro-économistes et celui des analystes des actions américaines. Après une baisse de 1,6% en rythme annuel au premier trimestre, le modèle de la Fed d'Atlanta prévoit un nouveau recul du PIB américain de 2,1% au deuxième, ce qui est la définition classique d'une récession. Et comme la dynamique économique continue de ralentir, une forte reprise au second semestre semble peu probable. Par contre, les analystes boursiers continuent de revoir à la hausse leurs prévisions de bénéfices pour 2022 et s'attendent désormais à une croissance des bénéfices de +20,2% au cours des 12 prochains mois. Les deux scénarios nous semblent incompatibles.

Les consommateurs sont susceptibles de limiter leurs dépenses tant que le contexte macroéconomique ne se rétablit pas.

La confiance s'est également effritée en Europe face à l'assombrissement du tableau macroéconomique. L'inflation globale de la zone euro a atteint 8,6% en glissement annuel en juin, soit plus du double que le précédent pic en juillet 2008, et les ménages craignent une aggravation de la situation. Les politiques européens préparent l'opinion publique à d'éventuelles pénuries d'énergie l'hiver prochain et les prix du gaz naturel en Europe ont grimpé de 124% cette année, dont plus de 70% rien qu'au cours des trois dernières semaines. Il n'est donc pas surprenant que l'enquête mensuelle de la Commission européenne auprès des consommateurs de la zone euro ait chuté en juin à son plus bas niveau, en dehors de l'effondrement initial de la COVID-19 en avril 2020.

Mais il existe aussi de bonnes nouvelles en Europe. Tout comme aux Etats-Unis, le marché du travail est solide – le taux de chômage de la zone euro est tombé à 6,6% en mai, soit le taux le plus bas depuis l'introduction de l'euro – ce qui devrait contribuer à atténuer l'effet de la hausse des prix de l'alimentation et de l'énergie. Toutefois, les consommateurs sont susceptibles de limiter leurs dépenses tant que le contexte macroéconomique ne se rétablit pas.

La Chine suit sa propre voie depuis le début de la pandémie. Contrairement aux démocraties occidentales, la République populaire de Chine a évité les plans de relance à grande échelle qui ont alimenté les pressions sur les prix dans l’EU et aux Etats-Unis – l'inflation globale chinoise est actuellement de 2,1% contre 8, 6% aux Etats-Unis. En outre, le pays est pratiquement le seul à s'en tenir à une politique zéro COVID, comme en témoignent les derniers confinements à Shanghai et à Pékin. Mais en même temps, elle s'est lancée dans le plus grand programme de vaccination du monde – les dernières données révèlent en effet un taux d'administration de 235 doses pour 100 habitants, contre 197 et 179 pour l'UE et les États-Unis respectivement. Par ailleurs, des études récentes menées à Hong Kong suggèrent que l'efficacité des vaccins chinois augmente avec la troisième dose.

En somme, dans la situation actuelle, il semble peu probable que les économies occidentales se relèvent rapidement du ralentissement en cours, car les risques de récession devraient continuer à se renforcer. Cela signifie que les estimations consensuelles des bénéfices des entreprises sont susceptibles d'être mises sous pression – la hausse des coûts de production, des salaires et des taux d'intérêt ne sera pas clémente avec les marges bénéficiaires. Et comme l'inflation persistante devrait maintenir une pression à la hausse sur les rendements souverains, les valorisations ne devraient pas s'accroître de sitôt, laissant les actions des marchés développés piégées dans une tendance baissière pour le moment. Quant aux marchés boursiers chinois, ils ont surperformé ces dernières semaines et le tableau macroéconomique suggère que cela pourrait continuer.

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