L’indépendance des banques centrales est-elle menacée?

Lucio Intelligente, Reyl Overseas

2 minutes de lecture

Il n'est pas très étonnant de constater que le montant de la dette dans le monde a atteint un niveau record l'année dernière.

Selon l'Institut de finance internationale, le niveau global de la dette mondiale a augmenté de 24'000 milliards de dollars au cours des 12 derniers mois pour atteindre 281 000 milliards de dollars à fin 2020, dont plus de la moitié provient de programmes de soutien gouvernementaux.

Les politiques fiscales aux oubliettes

Alors que les gouvernements s'efforçaient d'éviter de graves répercussions financières liées à la pandémie, les politiques fiscales ont été mises de côté, remplacées par de remarquables plans de relance et de soutien dans le monde entier.

La Commission européenne a même suspendu son propre programme budgétaire, le pacte de stabilité et de croissance (PSC), un ensemble de règles mises en place pour garantir une politique budgétaire saine dans toute l’Union Européenne.

Alors que les gouvernements continuaient à émettre de plus en plus de dettes pour financer leurs plans de soutien, leurs banques centrales respectives ont été obligées de les assumer de plus en plus elles-mêmes – à tel point que l'on pourrait se laisser aller à penser que la «main gauche» du gouvernement ne faisait qu'emprunter à la «main droite».

Janet Yellen a laissé entendre que les taux d'intérêt pourraient augmenter afin de calmer l'économie en cas de surchauffe provoquée par les plans de relance.

Pourtant, tout cela a des incidences fortuites et potentiellement lourdes en conséquences. La politique monétaire est devenue si étroitement corrélée à la politique budgétaire que l'indépendance des banques centrales commence à être mise à mal.

Ebranler l’indépendance des banques centrales

Aux États-Unis, la secrétaire d'État au Trésor, Janet Yellen, a laissé entendre que les taux d'intérêt pourraient augmenter afin de calmer l'économie en cas de surchauffe provoquée par les plans de relance, outrepassant ainsi le rôle du gouvernement et portant atteinte à son ancien employeur, la Réserve fédérale.

Par ailleurs, l'ancien membre du comité de politique monétaire de la Banque du Japon, Miyako Suda, a récemment affirmé que le manque d'outils monétaires conventionnels poussait la banque centrale à s'orienter davantage vers une politique budgétaire, ce qui pourrait nuire à sa propre indépendance et risquer l'ingérence des partis politiques.

La plupart des anciens leviers sont tombés en désuétude depuis la crise financière mondiale, la persistance d'un environnement de taux d'intérêt ultra bas ayant encouragé les pays à s'endetter de plus en plus à bon compte.

Les États-Unis ont vu leur dette nationale augmenter de 200% depuis 2008 pour atteindre 27'000 milliards de dollars en octobre 2020. Tout cela implique que toute modification des taux d'intérêt aura d'autant plus d'impact sur l'économie dans son ensemble, sur les entreprises qui ont emprunté des sommes considérables et sur les consommateurs qui ont fait de même.

Les véritables dommages pourraient affecter la position concurrentielle des grandes entreprises à long terme.

Les marchés sont hyper sensibles et le chemin vers la normalisation financière sera long car tous les pays sont confrontés au même problème. Les consommateurs se sont rués sur de l'argent bon marché pendant si longtemps et ils doivent dès lors le rembourser.

Rembourser

L'un des seuls moyens d'y parvenir sera d'augmenter les impôts.

C'est pourquoi la récente proposition de l'administration Biden de conclure un accord mondial sur l'imposition des multinationales – qui empêcherait des entreprises comme Amazon de transférer leurs bénéfices vers des juridictions à fiscalité réduite – pourrait bien être le point de départ d'un réexamen de la fiscalité au niveau mondial.

Telle qu'elle est présentée par l’actuelle administration américaine, la nouvelle réforme fiscale aura un impact au niveau des entreprises et des particuliers et mettrait fin à une grande partie de la réforme fiscale de 2017 aux États-Unis. Il s'agit encore d'un travail en cours et il faudra du temps avant de constater une évolution concrète, car il s'agit d'une procédure complexe de négociations internationales.

Toutefois, les investisseurs s'attendent à ce qu'elle puisse réduire les bénéfices du S&P 500 d'environ 6 à 8% par rapport aux estimations actuelles pour 2022. Les véritables dommages pourraient cependant affecter la position concurrentielle des grandes entreprises à long terme, dans le cas où d'autres pays maintiendraient des différentiels importants de taux d'imposition.

A lire aussi...