L’essor de la «PropTech» s’accélère en Suisse

Yves Hulmann

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Les plateformes dédiées à la gestion des biens immobiliers se multiplient, à l’exemple de Liiva, dirigée par Phil Lojacono, active depuis août dernier.

Mois après mois, le secteur dit de la «PropTech», soit des entreprises qui développent des solutions ou services en lien avec l’immobilier, s’enrichit de nouveaux acteurs, en Suisse comme ailleurs. Fin août, la société Liiva, une co-entreprise qui peut compter sur le soutien de deux acteurs de poids en Suisse, à savoir la Mobilière et Raiffeisen, a lancé sa plateforme en ligne destinée aux propriétaires de logements. Comme la start-up le formule, Liiva vise à simplifier la vie des personnes qui sont propriétaires d’un logement, ou qui souhaitent le devenir, en couvrant tous les besoins liés à l’achat, à la modernisation et, bientôt, à la vente de biens résidentiels privés.

En quoi cette offre se différencie-t-elle des diverses plateformes qui existent déjà en lien avec le marché de l’immobilier en Suisse? Apparus en premier, les sites qui mettent en contact acheteurs et vendeurs existent maintenant depuis déjà plus de vingt ans, à l’instar de Homegate. Dans un second temps, on a assisté à l’arrivée de diverses plateformes en ligne spécialisées dans l’achat de biens immobiliers, à l’exemple du spécialiste du financement hypothécaire Moneypark, qui sont, elles, actives depuis environ une décennie. Plus récemment, toute une série de nouveaux acteurs qui se concentrent, eux, sur la gestion des aspects administratifs en rapport avec la propriété d’un bien immobilier, sont venus s’y ajouter.

Un «coffre-fort numérique» pour toutes les données liées à un bien immobilier

Hormis certaines plateformes déjà existantes qui étaient centrées sur un aspect spécifique – comme le site Movu, spécialisé dans les déménagements ou Renovero, un site qui facilite la recherche d’artisans pour les travaux de rénovation –, il n’y avait, jusqu’à il y a peu, pratiquement pas de prestataires qui proposaient la prise en charge de l’ensemble des aspects administratifs en lien avec la propriété d’une maison ou d’un logement.

«Pour les travaux du bâtiment, nous collaborons avec des partenaires sélectionnés, à l’exemple de Renovero, qui disposent eux-mêmes d’un réseau d’artisans locaux».

C’est ce que propose justement Liiva, une plateforme en ligne pour les propriétaires de logement lancée à la fin de cet été. Pour Phil Lojacono, directeur de Liiva, la nouveauté de cette plateforme est qu’elle permet aux propriétaires de biens immobiliers de gérer véritablement l’ensemble des aspects liés à la propriété d’un logement sur un seul site. Cela commence par un premier outil facilitant la recherche de l’ensemble des annonces, puis un deuxième qui permet d’évaluer la valeur de marché du bien et de l’état d’un bâtiment, complété par un assistant consacré à la modernisation des biens immobiliers. Toutes les informations sont gardées dans un même dossier, qui permet de gérer et conserver tous les documents se rapportant à un bien immobilier, dans un même «coffre-fort numérique».

Ne pas se limiter à la seule question du financement

«L’idée était de proposer un outil couvrant toutes les étapes de A à Z lorsqu’on est propriétaire d’un bien immobilier», résume-t-il. Pour le directeur de Liiva, beaucoup de gens sous-estiment au moment de l’achat d’un logement le nombre d’aspects dont il faudra tenir compte. «Souvent, les personnes intéressées à acquérir une propriété se concentrent, après qu’elles avoir trouvé un objet, avant tout sur la question du financement de celui-ci. Mais, très souvent, des questions liées à la rénovation se posent ensuite très vite, même pour des biens assez récents. Il faut alors comparer les offres proposées par différents prestataires», illustre-t-il. Il n’est à ce moment-là pas toujours facile de garder une vue d’ensemble des coûts, des différents prestataires, des documents administratifs qui s’y rapportent.

Un choix de partenaires sélectionnés

S’y ajoute aussi la question, très actuelle, des travaux de rénovation effectués en vue d’améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments. Et citer l’exemple de l’installation de panneaux solaires: dans ce cas, il faut non seulement choisir un équipement qui est adapté à votre bâtiment mais aussi ne pas oublier de demander les éventuelles aides proposées par les autorités communales ou cantonales ou de déduire les frais des travaux dans sa déclaration d’impôts. Puis, enfin, il faut trouver l’entreprise la plus adéquate pour effectuer de tels travaux. «Pour les travaux du bâtiment, nous collaborons avec des partenaires sélectionnés, à l’exemple de Renovero, qui disposent eux-mêmes d’un réseau d’artisans locaux», cite-t-il à titre d’exemple. Liiva peut aussi s’appuyer sur le soutien de ses propriétaires, Raiffeisen et la Mobilière, qui disposent eux aussi d’un large réseau constitué respectivement de plus de 220 banques régionales et de 80 agences régionales. Concrètement, la plateforme de Liiva est organisée autour de trois modules de base: les deux premiers, appelés «acheter» et «habiter» sont déjà en fonction, tandis que le troisième, intitulé «vendre» viendra compléter ultérieurement l’offre de la plateforme. Et a-t-on accès aux mêmes prestations chez Liiva si l’on est client ou non auprès de Raiffeisen ou de la Mobilière? «Oui», assure Phil Lojacono.

L’arrivée sur le marché de nouvelles plateformes qui proposent des services en lien avec le secteur immobilier ne semble pas près de s’arrêter en Suisse.
La pandémie a accéléré la numérisation des services immobiliers

Pour la suite, Liiva prévoit-elle de proposer un écosystème complet, incluant le financement des objets acquis? Ce n’est pas l’objectif de la start-up: «L’administration de biens immobiliers restera notre cœur de métier», souligne-t-il. La plateforme n’envisage pas, par exemple, de proposer directement des hypothèques sur son site. De même, lorsqu’il s’agit d’estimer l’évolution du marché immobilier elle-même, Liiva met à disposition de ses clients des outils d’évaluation qui lui permettent de comparer la valeur d’un bien par rapport à d’autres objets similaires. En revanche, il n’est pas prévu de fournir des analyses de type macroéconomique au sujet de l’évolution du marché immobilier.

Comment évalue-t-il l’impact de la crise du Covid-19 sur le secteur de l’immobilier en Suisse? A ce sujet, Phil Lojacono estime que la pandémie a eu, d’un côté, un impact plutôt négatif, celui de la poursuite de la politique de l’argent facile mis à disposition par les banques centrales, qui a contribué à faire monter encore davantage les prix. Pour ce qui est du côté positif, la pandémie a contribué à accélérer la numérisation dans de nombreux domaines, y compris dans celui de l’immobilier.

Plusieurs nouvelles sociétés «PropTech» en l’espace de quelques mois

Dans tous les cas, l’arrivée sur le marché de nouvelles plateformes qui proposent des services en lien avec le secteur immobilier ne semble pas près de s’arrêter en Suisse. Rien que depuis la fin de l’été dernier, plusieurs nouveaux acteurs, de taille très variée et qui proposent parfois des services parfois très spécifiques, ont annoncé débuter leurs activités. Lundi, fixmyspace a annoncé le lancement de son application mobile et sa plateforme en ligne sur le marché romand. La start-up vaudoise s’est donnée pour mission de standardiser et optimiser le processus des réparations et dépannages via une plateforme numérique.

Fin octobre, cela avait été le cas d’Immowise, une société développée par wise.swiss, qui se présente comme la première plateforme créée et dédiée à la digitalisation des assemblées générales de copropriétés pour le marché immobilier suisse. Un peu plus tôt, à la mi-octobre, les deux sociétés fintech genevoise Evahomes.ch, un spécialiste des solutions de financement de biens immobiliers résidentiels et e-Potek, une société de courtage et conseil en hypothèques, ont annoncé s’associer pour faciliter l’accès à la propriété en Suisse. Elles proposent notamment une solution pour combler le montant de fonds propres nécessaire à une acquisition.

S’agissant de l’immobilier de bureau, la société zurichoise Locatee a annoncé fin septembre avoir réalisé un tour de financement à hauteur de plus de 7 millions de francs. La société compte parmi ses investisseurs des établissements tels que la Banque cantonale de Zurich (ZKB) et plusieurs fonds de capital-risque à l’exemple de Swiss Immo Lab. Tous ces acteurs trouveront-ils leur place sur le marché? Ou faut-il compter avec une première phase de consolidation parmi les acteurs de la «PropTech» helvétique? La réponse au cours des prochains mois.