L’ESG séduit moins les gérants de fortune indépendants

Yves Hulmann

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En 2025, seuls 15% des GFI suisses ont déclaré toujours inclure les critères de durabilité dans leur processus d’investissement, contre 25% en 2024, selon l’étude VSV-ASG Investment Pulse 2025.

Les actions helvétiques sont à nouveau la classe d’actifs la plus surpondérée par les gérants de fortune indépendants suisses cette année, si l’on se base sur les résultats de l’étude VSV-ASG Investment Pulse 2025 publiée jeudi. Selon l’enquête, les actions suisses, qui étaient déjà surpondérées en 2024, le sont encore davantage cette année. Les actions européennes, qui étaient encore légèrement sous-pondérées en 2024, sont désormais aussi nettement sur-pondérées par les gérants de fortune indépendants (GFI) en Suisse. Les actions américaines, qui étaient le plus fortement surpondérées en 2024, ne sont plus que très légèrement surpondérées. Les obligations d’entreprises européennes et américaines comptent aussi parmi les classes d’actifs surpondérées par les GFI.

A l’inverse, les obligations souveraines suisses constituent la classe d’actifs la plus sous-pondérée actuellement, si l’on se base sur les réponses fournies par les quelque 163 gérants de fortune indépendants (GFI) suisses qui ont participé à l’étude réalisée conjointement par la Haute école de Lucerne – Economie (HSLU), l’Association suisse des gérants de fortune (VSV) et Vanguard, dont les résultats ont été présentés jeudi à Zurich.

Le «home biais» reste très prononcé en faveur des actions suisses

Comment expliquer que les gérants de fortune indépendants helvétiques accordent toujours autant leur préférence aux actions suisses alors que celles-ci n'ont pas brillé par leur performance cette année? Oliver Maas, Head Global Activities pour la Suisse alémanique auprès de l’Association Suisse des Gérants de Fortune ASG, observe que ce biais en faveur des actions suisses se répète d’année en année. «Pour des clients qui reçoivent leur salaire en franc suisse, qui perçoivent des dividendes en francs suisses de la part des actions suisses figurant dans leur portefeuille, beaucoup d’entre eux préfèrent investir à nouveau leur argent dans des actions suisses», constate-t-il. Un biais qui est encore davantage renforcé chez les entrepreneurs qui apprécient d’investir dans des entreprises qu’ils connaissent bien, et qui souvent suisses.

Pourtant, d’un point de vue scientifique, les gérants et clients ont tout à gagner à diversifier davantage leurs placements, a rappelé Dr. Manfred Stüttgen, professeur à la HSLU, qui a commenté les résultats de l’étude. Cela d’autant plus que le marché suisse présente aussi un risque de concentration. Le fait que les gérants de fortune indépendants suisses peuvent plus facilement récupérer l'impôt anticipé, prélevé à la source en Suisse, est peut-être aussi un facteur d’explication pour le biais envers les actions helvétiques, suppose le professeur.

Lorsqu’on les interroge à propos de la manière d’investir dans certaines classes d’actifs, soit de façon directe (en achetant les titres) et indirecte (en investissant via des fonds ou ETF), il ressort aussi de l’étude que les GFI préfèrent investir diretement dans les actions suisses, tout comme c’est le cas pour les obligations d’Etat et d’entreprises helvétiques. En revanche, ils préfèrent confier leur argent à des fonds ou ETF lorsqu’il s’agit d’investir dans les actions issues des pays émergents ou de la région de l’Asie-Pacifique. C’est aussi le cas pour les obligations des pays émergents ou les titres de dette à haut rendement (High Yield).

Les gérants de fortunes indépendants appliquent les critères ESG avant tout sur demande de leurs clients

D’après l’étude VSV-ASG Investment Pulse 2025, l’ESG a encore moins la cote que l'an passé auprès des gérants indépendants : en 2025, 40% des GFI ont indiqué qu’ils n'incluaient pas les critères de durabilité (ESG) dans leur processus d'investissement (comparé à 32% en 2024 et 2023).

La proportion des GFI qui intègrent «sur demande des clients» les critères ESG dans leur processus d’investissement a aussi légèrement diminué à 45% en 2025 (48% en 2024 ; 43% en 2023).

Au final, seuls 15% des gérants de fortune indépendants suisses qui ont participé à l’étude de 2025 ont indiqué qu’ils incluaient «toujours» les critères de durabilité (ESG) dans leur processus d’investissement, comparé à une proportion qui atteignait encore 20% en 2024 et même 25% en 2023.

Comment expliquer cette baisse d’intérêt relative pour les aspects de durabilité chez les gérants de fortune indépendants alors que beaucoup d’acteurs actifs dans les services financiers n’ont pas ménagé leurs efforts pour promouvoir l’intégration des critères de durabilité? A cet égard, Dr. Manfred Stüttgen, professeur à la HSLU, rappelle que gérants fortune indépendants en Suisse ne sont pas soumis aux mêmes règles que les banques classiques en matière de durabilité. En effet, alors que les établissements bancaires doivent, sur la base de l’autorégulation, désormais demander systématiquement à leurs clients quelles sont leur préférence en matière de durabilité, ce n’est pas le cas pour les gérants de fortune indépendants.

L’allocation d’actifs stratégique est l’approche la plus utilisée pour générer de l’alpha

Quant on les interroge au sujet de quelles sont les approches qui permettent de générer une surperformance («alpha»), les gérants sondés misent d’abord sur l’allocation d’actifs stratégique (citée dans le Top 5 des réponses chez 81% des participants à l’étude). Viennent ensuite la sélection individuelle d’actions ou d’obligations (52%), puis l’investissement thématique (45%). En revanche, les stratégies de protection («hedging») ne sont citées dans le Top 5 des réponses chez seulement 22% des participants à l’étude.  

En tout, l’étude repose sur les réponses de 163 gérants de fortunes en Suisse de différentes tailles, avec des actifs situés entre 0 et 49 millions de francs pour les plus petits à plus de 800 millions pour les plus grands d’entre eux. Leurs clientes et clients sont avant tout suisses (48%), européens (35%), alors que les clients nord-américains, sud-américains et en provenance du Moyen-Orient sont représentés à hauteur de 4% chacun.

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