On ne va pas se mentir, les temps sont durs pour la durabilité et les vents contraires ne soufflent pas que de l’autre côté de l’Atlantique. Malgré les attaques à répétition, les menaces, ou la «simplification» de la réglementation, la prise en compte de la durabilité dans les choix d’investissement n’est pas morte, loin de là. Et certainement plus nécessaire et utile que jamais.
Alors évidemment, tout n’est pas rose. Les fonds durables ont enregistré, au niveau mondial, des sorties nettes records de 8,6 milliards de dollars au premier trimestre 2025. Même l’Europe a connu ses premières sorties nettes depuis 2018. Ces retraits s’expliquent par des facteurs géopolitiques, des critiques croissantes sur l'efficacité ou la politisation de l'ESG. Mais ils s’expliquent aussi par une requalification permanente de certains fonds qui ne répondent pas à certains standards de durabilité, ce qui est plutôt réjouissant.
Surtout, l'ESG conserve une valeur stratégique pour un nombre croissant d’entreprises qui l’intègrent dans leurs processus de due diligence et de gestion des risques. Même le nombre d’entreprises qui se sont engagés à atteindre l’objectif « Net Zero » d’ici 2050 ne cesse de progresser tandis que ce sont les retraits de quelques grands noms qui font les gros titres.
La performance des fonds durables fait elle aussi de moins en moins débat. Des recherches académiques récentes ont ainsi montré que les portefeuilles ESG en Europe ont affiché une meilleure résilience face aux chocs de marché, notamment lors de crises telles que la pandémie ou la guerre en Ukraine.
Enfin, et c’est peut-être le plus réjouissant, la résistance s’organise face au « backlash anti-ESG » venu des Etats-Unis. Le mouvement WeAreEurope, qui rassemble entreprises, consultants et acteurs engagés dans la RSE au niveau européen pour proposer un contre-modèle, compte déjà plus de 500 membres dans près de 20 pays. L'objectif est de fédérer autour de diverses initiatives visant à revitaliser la durabilité en Europe.
Même aux Etats-Unis un front émerge. Les fonds de pension de la ville de New York ont ainsi annoncé qu’ils ne travailleraient plus avec des gérants d’actifs qui n’auraient pas adopté de plans d’actions « Net Zero » robustes. Le plus ironique étant que ce sont les politiques de l’administration Trump, et notamment les tarifs (pour autant qu’ils soient mis en place) qui pourraient être bénéfiques pour la planète avec un ralentissement des échanges commerciaux internationaux – et donc du trafic maritime – et une incitation pour de nombreux Etats à s’émanciper de leur dépendance aux énergies fossiles en se tournant davantage encore vers les énergies renouvelables. Quoiqu’il en soit: «ESG is not dead »!
LE POINT SUR L'ACTU
Tandis que Katy Perry et ses amies créaient le bad buzz en se faisant catapulter à coup de millions de dollars (et de dizaines de tonnes de CO2) dans l’espace par Jeff Bezos, la planète de la finance durable continuait heureusement de tourner.
Hasard du calendrier, une étude du Dartmouth College estime que les 111 plus grandes entreprises mondiales – dont les majors du pétrole mais également Amazon – ont causé des dommages climatiques évalué à quelques 28'000 milliards de dollars entre 1991 et 2020. Soit un peu moins que la somme de tous les biens et services produits aux Etats-Unis l’année dernière.
Pendant ce temps, l’alliance des banques pour la neutralité carbone (NZBA), confrontée à un exode de ses membres, a décidé de revoir à la baisse ses ambitions en abandonnant l’obligation pour ses membres de s’engager à s’aligner sur un objectif de 1,5°C. Quant à l’association de lobbying des CEO des plus grandes entreprises américaines, Business Roundtable, elle veut interdire le dépôt de résolutions d’actionnaires liées à des questions environnementales, sociales et politiques, ce qui représente un retour en arrière sans précédent sur le « stakeholder capitalism » qu’elle prônait jusqu’il y a peu.
A Bruxelles, une coalition d’ONG a déposé une plainte auprès du Médiateur européen, organisme indépendant de surveillance de l’UE, en lien avec le projet de simplification de la réglementation en matière de durabilité (« Omnibus »). Elle reproche à la Commission européenne de ne pas avoir évalué les impacts environnementaux et sociaux de la modification de la législation et d'avoir consulté les lobbyistes de l'industrie lors de réunions à huis clos avant de publier sa proposition, tout en refusant d'organiser une consultation publique.
La société de gestion allemande DWS a quant à elle été condamnée à verser une amende de 25 millions d’euros en Allemagne dans l’affaire de greenwashing qui avait été révélée aux Etats-Unis en 2021. La société, qui appartient à Deutsche Bank, avait déjà écopé d’une amende de 19 millions de dollars aux Etats-Unis pour avoir exagéré les allégations ESG de ses fonds et tromper les investisseurs.
En Suisse, l'Université de Genève mène un projet de recherche sur l'évolution du paysage de l'investissement d'impact. Afin d'alimenter ses travaux, elle invite les participants à répondre à une enquête de 15 minutes visant à explorer les perceptions, les pratiques et les motivations au sein de l'écosystème de l'investissement d'impact dans le pays.