Investir à l’ère du plus grand «put» de l’histoire

Maxime Alimi, SILEX

2 minutes de lecture

Comment les investisseurs peuvent tirer partie de la protection des banques centrales.

Réserve fédérale à Washington. ©Keystone

Changement de narratif

Le débat concernant l’économie mondiale a considérablement évolué au cours des dernières semaines, passant de l'ampleur d'un ralentissement à celle d’un rebond. Le tournant le plus évident a eu lieu en Chine, où le plan de relance lancé vers la fin de l'année s'est avéré efficace. Aux États-Unis, les craintes de récession se sont dissipées, même si l’escalade récente des tensions commerciales est venue jeter un froid. Ce n'est qu'en Europe que les données ne sont pour le moment pas parvenues à décoller.

QEternité

L’un des moteurs principaux de ce virage a été – de nouveau – la politique monétaire. Les banques centrales ont abandonné toute velléité de normalisation, renonçant probablement à la dernière fenêtre d’opportunité dans ce cycle. Il est désormais clair que les politiques de bilans feront durablement partie de la boîte à outils standard des banques centrales, ce qui implique que la répression financière fait partie de la nouvelle réalité pour les investisseurs obligataires.

Fed, BCE, administration Trump et gouvernement chinois se sont tous alignés
pour s'assurer que rien de trop grave ne puisse arriver aux marchés.

Le paradoxe des faibles munitions

Mais l’importance de la politique économique va plus loin. Nombreux étaient ceux qui pensaient que les banques centrales se hâteraient de normaliser leur politique dès qu'elles le pourraient afin de reconstituer des munitions avant la prochaine récession. C’est exactement le contraire qui s'est passé. Précisément parce que les banques centrales ont peu de munitions, elles se sont montrées plus inquiètes, et donc plus activistes à utiliser ces munitions afin d’empêcher un accident de croissance. C'est ce que la BCE et la Fed ont fait en début d’année en surréagissant à un risque finalement modéré, et en se liant les mains jusqu'à nouvel ordre. 

Le plus grand «put» de l'histoire

Le résultat est la formation de la coalition la plus forte que nous ayons jamais connue pour empêcher le pire d’arriver. La Fed, la BCE, l'administration Trump et le gouvernement chinois se sont tous alignés pour s'assurer que rien de trop grave ne puisse arriver aux marchés ou à l'économie. Et ce n’est que depuis que leur stratégie a fonctionné, le pire ayant été évité, que la trêve sino-américaine a pris fin et que les affaires courantes (les tensions commerciales) ont repris leurs droits.  En conséquence, nous, investisseurs, devons intégrer et même tirer parti de cette protection que nous fournissent les dirigeants du monde.

Le risque extrême est actuellement,
non pas plus fort, mais plus faible que d’ordinaire.

De l’humain à la machine

Un des défis de la gestion quantamentale est de faire le pont entre convictions humaines et processus quantitatifs. Dans un monde complexe, la machine a une valeur ajoutée immense en termes de compréhension, de quantification et de maîtrise des risques. Mais lui transmettre la bonne information est davantage un art qu’une science. Ainsi, pour un portefeuille multi-actifs, la distribution des rendements et des corrélations a changé, de sorte que le concept de diversification requiert une refonte profonde. 

Risque extrême, quel risque extrême

Un premier exemple est notre conviction que le risque extrême est actuellement, non pas plus fort, mais plus faible que d’ordinaire, du fait de ce «put» de politique économique. Une allocation en actifs risqués ne présente pas le même risque qu’avant 2008 et il est essentiel pour les investisseurs de surmonter le traumatisme de la Grande Crise Financière et de chercher à «monétiser» ce put au lieu de rester structurellement sous-investis dans l’attente de la prochaine catastrophe. 

Réorganiser sa défense

Un second exemple est celui du rôle de la duration dans les portefeuilles. Dans un monde de QEternité, nous ne sommes pas convaincus que les obligations puissent jouer leur rôle traditionnel de valeurs refuges. Dans certains cas, elles le feront, mais dans d'autres, la hausse des taux peut précisément être la raison d'une baisse des actifs risqués. C'est par exemple ce qui s'est passé à certains moments en 2018. De plus, des taux longs ultra bas pourraient ne pas baisser autant qu'espéré dans un épisode d'aversion au risque. Pour ces raisons, les vrais actifs défensifs selon nous sont à duration courte : le cash a un rôle à jouer. Mais d’autres actifs décorrélants ont aussi leur place, comme l’or, la volatilité et les devises.

Barbell

Le dialogue entre ces convictions et la machine aboutit naturellement à une allocation de type «barbell», comme réponse optimale à l’environnement actuel. L’algorithme nous invite à embrasser la volatilité des actions et des obligations à haut rendement pour en capturer pleinement le potentiel mais aussi à se résigner à des rendements nuls, voire négatifs, sur le cash pour bénéficier de sa stabilité. Il évite par contre soigneusement les obligations longues, qui offrent peu de rendements, une bonne dose de risque et exposent à de mauvaises surprises sur la diversification.

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