Inflation temporaire

Erik Fruytier, Gonet & Cie

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L'amélioration rapide de la situation économique a donné l'occasion à la Fed de signaler qu'elle commencera probablement à réduire son programme d'assouplissement quantitatif plus tard cette année.

La forte reprise économique actuelle est alimentée par trois puissants moteurs: des banques centrales modérées, des aides publiques généreuses et des niveaux d'épargne élevés au niveau des particuliers et des entreprises. L'atténuation de la crise sanitaire dans le monde a libéré le désir des particuliers de dépenser leurs économies, tandis que les entreprises sont impatientes d'investir pour répondre à cette demande. Il est intéressant de noter que la situation sanitaire n'est pas uniforme. Par conséquent, dans certains pays, les restrictions sont levées, ce qui stimule la demande des consommateurs alors que, simultanément, des restrictions sont rétablies dans certains pays producteurs, notamment en Asie. Ce déséquilibre a engendré une pression énorme sur la chaîne d'approvisionnement mondiale, entraînant une hausse des prix et une baisse des volumes. En parallèle, nous avons également constaté une difficulté pour les employeurs à réembaucher du personnel dans le secteur des services. De nombreux employés ont choisi de changer d'emploi après avoir subi le traumatisme des fermetures prolongées dans des secteurs tels que les voyages et les loisirs. En conséquence, les employeurs sont prêts à offrir des salaires nettement plus élevés pour attirer les travailleurs. Il n'est donc pas surprenant que la communauté des investisseurs observe nerveusement les chiffres mensuels de l'inflation. Les banques centrales quant à elles maintiennent un ton accommodant, arguant que l'inflation est temporaire. Néanmoins, l'amélioration rapide de la situation économique a donné l'occasion à la Réserve fédérale américaine de signaler qu'elle commencera probablement à réduire son programme d'assouplissement quantitatif plus tard cette année. La Banque centrale européenne a été moins loquace, mais a également légèrement réduit son soutien.

La prochaine saison hivernale dans l'hémisphère nord sera un test clé pour les politiques sanitaires en place.

C'est là que les choses se compliquent pour les investisseurs: la croissance économique est forte mais ne s'accélère plus, le soutien des pouvoirs publics est resté généreux mais les programmes de relance exceptionnels touchent à leur fin et la politique des banques centrales est accommodante mais évolue légèrement vers un ton plus restrictif. Par conséquent, le dernier moteur qui continue de s'accélérer est la consommation, car l'épargne excédentaire accumulée au cours des 18 derniers mois est encore élevée. Il n'est donc pas surprenant que certains économistes commencent à parler de stagflation: une inflation croissante dans une économie stagnante. Nous ne souscrivons pas à ce point de vue à ce stade, l'économie peut décélérer, mais les taux de croissance sont encore élevés et les chiffres de l'inflation montrent des signes de stabilisation. Nous pourrions même assister à une ré-accélération de l'économie si un plus grand nombre de pays abandonnent la politique du «Zéro Covid» au profit d'une politique de santé qui tolère la maladie en combinaison avec un niveau élevé d'immunisation via la vaccination ou les guérisons.

La récente vague Delta s'est propagée progressivement sur la planète, entraînant une reprise économique inégalement répartie. Grâce à l'augmentation constante des niveaux de vaccination et à une politique de santé plus tolérante, l'impact de futurs variants du Covid devrait être moindre, entraînant ainsi une reprise plus synchronisée. Ce dernier point serait très positif car la demande de biens et de services pourrait alors être satisfaite par une offre suffisante, ce qui atténuerait les pressions sur les prix et améliorerait les volumes. Logiquement, il n'est pas surprenant que les gouvernements s'affirment de plus en plus en imposant l'utilisation de «passes sanitaires», car cela incite davantage de personnes à se faire vacciner. Dans plusieurs pays, les autorités sanitaires évaluent la possibilité de recommander une troisième dose. Si elle permet d'accroître la protection des citoyens des pays occidentaux, elle prive les personnes des pays émergents de leur première dose, retardant ainsi l'immunité mondiale et augmentant le risque d'apparition de nouveaux variants. La prochaine saison hivernale dans l'hémisphère nord sera un test clé pour les politiques sanitaires en place.

La forte reprise économique améliorera les finances des gouvernements qui ont dépensé massivement pour soutenir l'économie pendant la crise; toutefois, il devient évident que les taux d'imposition devront augmenter pour compenser les dépenses excessives. Plusieurs pays, notamment le Royaume-Uni, ont annoncé des augmentations d'impôts. Les politiciens américains débattent d'un nouveau budget qui verra de nombreuses taxes augmenter pour financer les prestations sociales. Les élections allemandes de septembre auront également une influence importante sur les futures politiques de dépenses et de fiscalité en Europe. Le sujet de la politique fiscale étant hautement politique, il faut s'attendre à un certain degré d'incertitude qui provoquera des épisodes de volatilité sur les marchés.

Au cours de l'été, nous avons pris des bénéfices sur les marchés d'actions développés qui ont enregistré de fortes performances depuis le début de l'année, mais nous restons positifs, car la reprise économique n'est pas encore complète.

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