Imposition minimale de l’OCDE et soirées déguisées

Nicholas John, Association Suisse des Banquiers

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L’imposition minimale de l’OCDE marque le début d’une nouvelle ère dans le domaine fiscal.

La fiscalité et les changements en la matière n’intéressent que modérément la plupart d’entre nous. Des pourcentages compliqués, des chiffres suivis d’une ribambelle de zéros que seuls les fiscalistes chevronnés comprennent, voilà ce que ce sujet évoque pour les novices, avec une seule préoccupation à la clé: les impôts vont-ils baisser ou augmenter à la suite du changement et, dès lors, les services publics vont-ils s’amenuiser ou se développer?

A partir de l’année prochaine, les grandes entreprises opérant à l’échelon international se verront appliquer un taux d’imposition uniforme de 15%. Ainsi en a décidé la communauté internationale sous l’égide de l’OCDE. Les pays à fiscalité élevée espèrent gagner en attractivité et attirer des entreprises implantées aujourd’hui dans des pays à faible fiscalité, comme la Suisse. Si l’imposition minimale de l’OCDE est adoptée lors de la votation, la place suisse deviendra plus chère pour les grandes entreprises, qui verront leur charge fiscale augmenter. Les particuliers et les PME, en revanche, ne seront pas concernés par ce changement. Au vu du contenu du projet fiscal et des conditions-cadres attrayantes qu’offre la Suisse, on peut penser que les recettes fiscales encaissées par l’Etat augmenteront au cours des prochaines années.

D’ordinaire, les entreprises concernées se battent contre les augmentations d’impôts. Dans le cas présent, elles vont jusqu’à les saluer.

Le fonctionnement de l’imposition minimale de l’OCDE peut facilement s’expliquer par analogie avec une situation connue de tout un chacun·e: celle d’une soirée déguisée. La plupart d’entre nous a en effet déjà constaté qu’en général, il vaut mieux se déguiser pour participer à une telle soirée, même si au fond on n’en a pas très envie. On s’épargne ainsi les commentaires et les regards des autres invités qui, eux, se sont déguisés. Il en va de même de l’imposition minimale de l’OCDE: la Suisse, dont la fiscalité est avantageuse, n’a pas très envie de participer au système, mais en renonçant à participer, elle subirait des inconvénients trop importants pour s’en accommoder.

Se prononcer contre la mise en œuvre de l’imposition minimale de l’OCDE en Suisse reviendrait à renoncer à un surcroît de recettes fiscales pour en faire cadeau à d’autres pays – comme si, lors d’une soirée déguisée, celles et ceux qui ne se déguisent pas devaient payer une entrée, les recettes ainsi encaissées étant ensuite redistribuées à l’ensemble des invités déguisés. Est-il préférable de se déguiser ou de payer une entrée? C’est à chacun·e d’en juger. Mais pour le porte-monnaie, se déguiser est clairement le meilleur choix.

D’ordinaire, les entreprises concernées se battent contre les augmentations d’impôts. Dans le cas présent, elles vont jusqu’à les saluer. Et comme si ce n’était pas assez extravagant, ce sont les habituels partisans des hausses d’impôts qui manifestent leur opposition. Ils s’élèvent en particulier contre la répartition des nouvelles recettes fiscales entre la Confédération et les cantons telle que l’a décidée le Parlement. Cette redistribution ne concerne toutefois que les recettes encaissées au titre de l’impôt complémentaire prévu. Si l’imposition minimale de l’OCDE est rejetée, il n’y aura rien à répartir. En revanche, si elle est acceptée, les nouvelles recettes fiscales reviendront à hauteur de 25% à la Confédération, les 75% restants allant aux cantons qui les redistribueront entre eux via le mécanisme de péréquation financière nationale. Elles bénéficieront ainsi à tous – Confédération, cantons, villes et communes. Là encore, l’analogie avec une soirée déguisée est pertinente: dès lors que les invités doivent se déguiser, autant qu’ils y prennent plaisir, faute de quoi la soirée risquerait de tourner court. Dans le cas de l’imposition minimale de l’OCDE, il faut donc que l’ensemble des parties trouvent un compromis bénéfique pour tout le monde. La décision appartiendra en fin de compte aux électrices et aux électeurs.

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