Impact des élections françaises sur les marchés

Salima Barragan

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Stéphane Monier (photo) et Samy Chaar de la Banque Lombard Odier en dévoilent les conséquences pour les stratégies d’investissement.

Selon la banque Lombard Odier, qui a partagé lors d’une conférence ses perspectives sur les élections françaises du 24 avril, l'euro reflétera jusqu’à cette date la crainte qu’un gouvernement nationaliste à la tête de la France ne compromette les politiques économiques et budgétaires européennes. Dans le cas d’un second mandat d’Emmanuel Macron (l’issue la plus vraisemblable), la Bourse de Paris rattraperait le retard entraîné par la campagne électorale et l’euro se raffermirait contre le dollar américain. Le point avec Stéphane Monier, Responsable des investissements de la banque privée, et Samy Chaar, Chef économiste, qui ont testé les implications des quatre scénarios (deux alternatives de présidents avec la majorité ou la minorité parlementaire) sur les principales classes d’actifs.

La réélection plausible d’Emmanuel Macron

L’actuel locataire de l’Élysée, qui garde la faveur des sondages et qui bénéficie du report des votes de candidats éliminés au premier tour, est devenu le favori du scrutin. Toutefois, un clivage nationaliste n’est pas exclu. «Les marchés globaux ont pour l’instant intégré la victoire du Président actuel, mais le débat télévisé sera le catalyseur du sprint final des élections. Cependant Marine Le Pen aura besoin de la majorité du Parlement en juin, un point dont on entend peu parler», note Samy Chaar.

La réforme phare du rabaissement de l’âge de la retraite à 60 ans proposée par Marine Le Pen qui malmènerait la fiscalité, avec une hausse des dépenses de 9,6 milliards d’euros, conduirait à la projection d’une augmentation substantielle de la dette à 130% du PIB (actuellement à 115% du PIB), «alors que la retraite à 65, comme le préconise Macron, conduirait à une baisse des dépenses de 15 milliards d’euros, ce qui avantagerait les personnes actives», estime Samy Chaar. Si la candidate d’extrême droite semble moins véhémente sur son statut anti-européen que lors des élections de 2017, Samy Chaar souligne que son ambition de sortir de l’organisation européenne de l’énergie et d’instaurer la primauté du droit français sur celui de l’Union empêcherait l’Hexagone d’être véritablement intégré à l’Europe, ce qui susciterait des incertitudes sur les marchés, notamment dans l’éventualité où le Parlement épouserait sa cause.

Phénomène observé à la vieille des élections, la courbe de taux pourrait s’incliner davantage si Marine Le Pen réussit à finalement remporter les présidentielles.
Les devises constituent la meilleure voie pour se positionner contre le risque d’une victoire de Marine Le Pen

Dans l’hypothèse où Emmanuel Macron remporterait le deuxième tour, l’établissement genevois table sur une baisse du cours de l’euro contre dollar US à 1,06 à la fin de l’année (contre 1.09 aujourd’hui) en raison de la politique monétaire américaine plus restrictive. «Lors du prochain meeting FOMC, nous anticipons une remontée des taux de 50 points de base alors que la Banque centrale européenne attendra la fin de l’année avant d’entamer son resserrement monétaire», souligne Stéphane Monier qui estime en revanche qu’une victoire de l’extrême droite accélérerait la dépréciation de l’euro à 1,04 et pourrait l’envoyer à la parité avec le billet vert si sa cheffe de file détient la majorité. «L'euro s'est récemment affaibli par rapport à la devise américaine, car il reflétait l’éventualité accrue du triomphe de la candidate du Rassemblement national». Dans les divers scénarios, le franc suisse continuerait à jouer son rôle de valeur refuge et terminerait l’année soit à 0.97 (Macron) ou à 0,92 (Le Pen) contre 1 euro. «Cependant, la probabilité d’une réélection de M. Macron reste élevée, et les marchés devraient se concentrer à nouveau sur les fondamentaux après le second tour du scrutin», poursuit-il.

Le marché des actions réitérera les performances passées de la première élection d’Emmanuel Macron

Après avoir devancé leurs pairs européens lors de la pandémie, les indices de l’Hexagone se sont ensuite repliés en raison de la campagne électorale. «La bourse de Paris pourra rattraper son retard si Macron remporte les élections avec la majorité du Parlement, car son programme permettrait aux marchés d’anticiper plus de continuité et de prévisibilité. Au contraire, les actions américaines bénéficieraient de la victoire de Madame Le Pen», pronostique Stéphane Monier.

Les fournisseurs d’énergie et les banques profiteraient de sa victoire, du fait de sa vision favorable sur la production nucléaire, et parce que les activités des établissements français s’étendent au-delà des frontières du pays. A contrario, le programme de soutien du pouvoir d’achat de Marine Le Pen supporterait les valeurs de consommation courante.

Pentification de la courbe des taux dans le cas d’une victoire de l’extrême droite

Phénomène observé à la vieille des élections, la courbe de taux pourrait s’incliner davantage si Marine Le Pen réussit à finalement remporter les présidentielles. «Le financement de sa politique fiscale laxiste mettrait les OAT sous pression», explique Stéphane Monier. Ces incertitudes se refléteraient dans l’écart de taux entre les dettes française et allemande, actuellement à 50 points de base, qui pourrait grimper à 85, voire à 40 points dans l’éventualité de son triomphe suivi d’une majorité parlementaire. «Dans le cas d’un deuxième mandat pour Macron, l’écart de taux se resserrerait à 35 points de base, explique le Chef des investissements, ce qui favoriserait la dette française à condition qu’il obtienne également la majorité au Parlement».

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