Focus sur le crédit asiatique

Salima Barragan

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Selon Marcus Weston de JK Capital Management, une société du groupe La Française, la majorité des risques sont déjà inclus dans les prix.

 

Selon Marcus Weston, spécialiste des marchés asiatiques chez JK Capital Management, de nombreux investisseurs associent les caractéristiques du marché asiatique avec celles des autres marchés émergents. La région asiatique, un bloc moteur de l’économie mondiale qui représente 50% de la croissance du PIB mondial, mérite d’être distinguée des autres régions moins développées. Etant donné que la correction récente du marché obligataire asiatique est en partie attribuée à la faiblesse des marchés émergents mondiaux, cela constitue un excellent point d’entrée pour un investisseur averti.

Les monnaies asiatiques ont mieux résisté
que celles des pays émergents.
Se fier au mathématiques

Début 2018, certaines attentes à l’égard du marché obligataire asiatique n’étaient pas réalistes. Les valorisations de fin 2017 étaient trop chères d’un point de vue historique, en particulier dans le segment des obligations à haut rendement et la correction récente était inévitable. Toutefois, de telles ventes prolongées en Asie ne sont pas monnaie courante: «En 21 ans, l’indice obligataire asiatique, dont la performance moyenne a été supérieure à 7%, n’a affiché des rendements annuels négatifs que trois fois auparavant», explique Marcus Weston, qui y voit aujourd’hui un point d’entrée. Ce marché est devenu plus attrayant bien que la volatilité puisse encore durer au cours des prochains mois en raison de la persistance des risques mondiaux: «Les investisseurs obligataires sont désenchantés par les baisses successives et, par conséquent, la majorité des risques sont déjà inclus dans leur prix».

Pour un investisseur souhaitant s’exposer à ce marché, Marcus Weston recommande également de se fier aux mathématiques, en se concentrant sur les évaluations et les anticipations de taux de défaut à chaque niveau de risque, afin d’anticiper les rendements futurs, même en supposant des conditions de marché potentiellement difficiles.

Malgré la hausse du dollar, les monnaies asiatiques ont mieux résisté que celles de l'ensemble des pays émergents. Toutefois, les monnaies asiatiques devraient rester volatiles dans cette phase du cycle. Ainsi, le gérant privilégie les obligations libellées en dollars US, qui sont devenues moins chères après la correction récente mais qui sont moins exposées au risque de change. Il recommande également que les émetteurs soient surveillés par des agences de notation internationales étant donné la moins bonne fiabilité des ratings locaux.

La Chine, un marché singulier

Les obligations chinoises libellées en dollar US ont suscité l’appétit des investisseurs car leur profil de rendement ajusté au risque est actuellement très attractif. JKC a encore un appétit limité pour les obligations en renminbi en Chine, où les flux internationaux sur le marché secondaire restent limités en raison d’un manque de liquidité, et où les valorisations n’ont pas baissé autant que celle en dollar US. «Dans le passé, les obligations en renminbi étaient détenues à 1% par des investisseurs étrangers. Depuis Bond Connect, ce taux de participation a doublé pour atteindre 2%, mais il demeure très faible», indique Marcus Weston. Ainsi, bien que l’entrée sur ce marché ait été facilitée par le Bond Connect, la plupart des investisseurs préfèrent encore une stratégie d’achat et de détention et favorisent les obligations souveraines à court terme plutôt que la dette d’entreprise émise en renminbi.

L’augmentation récente des défauts de paiement
n'a pas échappé à l'attention des autorités chinoises.

Cette année, la campagne de désendettement menée par le gouvernement a également été un facteur déterminant pour l’opinion publique. «Depuis le 19e Congrès national du Parti communiste chinois, qui s’est tenu en octobre 2017, il y a eu une forte poussée pour réduire l’influence des entreprises via la réduction des canaux de financement bancaire parallèle non officiels en Chine», explique Marcus Weston. Ces forces de désendettement ont toutefois provoqué de la nervosité sur le marché intérieur du crédit. En particulier, la réduction de l’activité bancaire parallèle a eu un effet profond sur le financement des entreprises privées, tout en ayant moins d’impact sur les entités appartenant à l’État qui sont beaucoup moins dépendantes des flux de capitaux non bancaires. La conséquence malheureuse a été une reprise du taux de défaut des obligations en renminbi onshore pour les entreprises privées, même s’il convient de noter que les taux de défaut chinois, bien en dessous de 1%, sont encore très faibles au regard des normes internationales.  

Néanmoins, l’augmentation récente des défauts de paiement n'a pas échappé à l'attention des autorités chinoises. Depuis octobre de cette année, le gouvernement chinois a mis en place une série de mesures concrètes pour assouplir sa politique monétaire, en ciblant particulièrement les secteurs les plus vulnérables. Le mécanisme de transmission des injections de liquidités gouvernementales aux prêts bancaires réels prend du temps, comme nous l’avons vu aux États-Unis en 2010. «Je m’attends à ce que le processus s’accélère en Chine parce que la plupart des entités de prêt sont des entreprises publiques», explique le spécialiste qui estime que cet assouplissement récent de la politique monétaire devrait indiquer que le creux du cycle actuel du crédit chinois est proche.

Obligations à échéances fixes

Dans le segment des obligations à rendement élevé, qui offre actuellement des rendements entre 9% et 10%, Marcus Weston privilégie une stratégie à échéance fixe dans laquelle un portefeuille ne détient que des obligations venant à échéance avant une date fixe prédéfinie. Les titres sont généralement détenus jusqu’à leur échéance. Il s’agit d’une stratégie qui présente l’avantage de réduire le risque de duration durant toute la vie du placement car le choix des titres est déterminé uniquement en fonction du rendement et du risque de défaut. L’adoption de cette approche d’achat et de détention réduit l’importance des fluctuations du marché: «En supposant que le fonds soit bien diversifié, elle offre aux investisseurs une meilleure visibilité qu’un portefeuille obligataire traditionnel», relève le spécialiste. Bien sûr, il y aura une certaine volatilité dans les premières phases d’une telle stratégie et, dans le contexte actuel, cela convient mieux aux investisseurs ayant des objectifs de rendement à moyen et long terme. «Les investisseurs plus défensifs peuvent préférer les titres Investment Grade bien que les rendements soient nettement moins attrayants». Par exemple, les obligations asiatiques BBB+ offrent actuellement un rendement d’environ 5%, soit la moitié du rendement du segment des obligations «High Yield».