Elections US: quel impact sur la durabilité et les actions?

David Bui & Jonathan Graas, DPAM

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L’issue des élections américaines accroît la nervosité du marché. Dans le doute, diversifier sur la qualité.

L’approche américaine de la durabilité manque de consistance. Cette économie étant en effet structurellement libérale, elle peine à s’adapter à l’environnement fortement réglementé qu’implique la mise en œuvre de politiques durables au niveau des différents secteurs comme à celui des investissements. Par exemple, le ministère américain du Travail a tenté de limiter la part des fonds ISR dans les caisses de pension: sa priorité est l’aspect financier et il cherche à réduire l’impact de tout facteur exogène susceptible de peser sur la performance des investissements. Cet argument peut être remis en question, puisque les fonds ISR obtiennent en général de meilleurs résultats que leurs concurrents, une tendance particulièrement marquée durant la crise liée au coronavirus.  L’approche adoptée par le ministère du Travail pourrait d’ailleurs se retourner contre lui dans la mesure où plus de 60% des Américains sont favorables à l’adoption des critères de durabilité par les entreprises.

La question de la durabilité n’a jamais été au centre du programme de campagne de Donald Trump. Il a plutôt été axé sur la croissance de l’économie américaine et la création d’emplois, deux notions qui, selon lui, sont totalement incompatibles avec le concept de durabilité. Ce programme se situe pratiquement à l’opposé de la politique menée par Barack Obama qui avait mis l’accent sur la durabilité et la réduction des émissions de carbone. Joe Biden prévoit de mener une politique similaire.

Sa position est claire: il souhaite adopter une approche semblable à l’Europe avec son «pacte vert» et il veut révolutionner l’approche américaine de la durabilité et de l’environnement. Son objectif est de préparer un avenir basé sur l’énergie propre, l’équité ainsi qu’une infrastructure durable. Cela signifie que les Etats-Unis devront être totalement sortis des énergies fossiles d’ici à 2050. Le candidat démocrate est cependant resté relativement vague sur le détail des mesures à prendre. En revanche, leur coût par contre est connu: une transition réussie vers une économie durable reviendrait à environ 2000 milliards de dollars, ce qui représente grosso modo 12% du budget américain de ces quatre prochaines années.

La probabilité que le président poursuive sa politique
de guerre commerciale est en effet très élevée.
Secousses en vue sur le marché actions

En ce qui concerne l’économie en général, les approches des deux candidats diffèrent fortement, mais l’élection présidentielle ne représente qu’une partie du problème, le Congrès joue lui aussi un rôle déterminant.

Si la victoire va à Joe Biden et que le Congrès dispose d’une majorité démocrate, il est probable que la première conséquence sera une vente massive d’actions. A court terme, les marchés pourraient s’effondrer, anticipant une éventuelle hausse des impôts sur les entreprises. La pharma ou les principaux acteurs du secteur de la technologie pourraient se trouver confrontés à de nouvelles réglementations. Mais, dans la durée, l’approche prônée par Joe Biden pourrait s’avérer fructueuse. La transition vers une économie durable devrait servir de stimulant aux secteurs liés aux ressources renouvelables et, par conséquent, ouvrir de nouveaux marchés et créer de nouveaux emplois. Cependant, si la majorité du Congrès est républicaine, la situation deviendrait alors beaucoup plus floue à court et à long terme. Sans le soutien du Congrès, la marge de manœuvre du nouveau président serait fortement réduite et il se trouverait dans l’incapacité d’imposer des changements radicaux.

Il en irait de même pour Donald Trump si, une fois réélu, il devait composer avec une majorité démocrate au Congrès. Certes, à court terme, la réaction des marchés serait probablement positive et des secteurs tels que les banques et l’énergie bénéficieraient du fait que Donald Trump est généralement favorable à la déréglementation. En revanche, les actions des entreprises exposées à la Chine, tout comme celles des grands exportateurs pourraient souffrir sur le long terme.  La probabilité que le président poursuive sa politique de guerre commerciale est en effet très élevée.

La contestation du résultat des élections
est encore une autre possibilité et c’est la pire.

A court terme, le scénario le plus positif pour les marchés serait une victoire de Donald Trump doublée d’une majorité républicaine au Congrès. Mais il en irait autrement pour le long terme.  Les entreprises pourraient malgré tout continuer de s’engager en faveur de la durabilité, pour autant qu’elle soit clairement justifiée comme c’est le cas dans le secteur de l’énergie. Ainsi, la plus grande entreprise américaine de services d’utilité publique est celle qui est la plus investie dans les énergies renouvelables, ce qui lui permettra non seulement d’améliorer sa rentabilité, mais aussi de faciliter sa transition vers le durable.

La contestation du résultat des élections est encore une autre possibilité et c’est la pire. L’incertitude qui en découlerait aurait un impact très négatif sur les marchés et entraînerait des ventes massives de titres.

Au vu des multiples scénarios possibles et de leurs implications financières, la nervosité des investisseurs s’est accrue. Cependant, et bien qu’il ne faille pas ignorer les conséquences des élections, leur incidence sur le marché est en général de courte durée et elle n’a guère d’influence sur le long terme. Pour les investisseurs axés sur le long terme et dans le but de minimiser l’impact d’éventuelles perturbations, il est recommandé de privilégier les portefeuilles diversifiés axés sur les entreprises de qualité, et en particulier sur celles qui offrent des dividendes élevés. C’est en effet au travers de leur politique de distribution de dividendes que les entreprises témoignent de leur santé et de leur valeur. Si elles sont en mesure d’accroître raisonnablement ces dividendes, cela signifie qu’elles devraient pouvoir dégager des rendements réguliers, y compris durant les phases de turbulence des marchés.

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