Effets de balance

Marie Owens Thomsen, Indosuez Wealth Management

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Il n’est pas forcément nécessaire de s’attarder sur la logique économique des décisions de Trump. Mais c’est plus fort que nous.

Il n’est pas simple de saisir l’objectif final des actions de la Maison Blanche, tant les messages peuvent être contradictoires. Prenons le protectionnisme par exemple. Officiellement, l’imposition des taxes à l’importation sur certains pays et produits vise à réduire le déficit américain sur la balance commerciale (ou plus largement, sur le compte courant). Nous soupçonnons qu’en vérité les élections de mi-mandat du 6 novembre 2018 jouent un rôle déterminant dans la rhétorique; dans ce cas, il n’est pas forcément nécessaire de s’attarder sur la logique économique. Mais c’est plus fort que nous.

«La substituabilité dépend de la sensibilité
de la demande et de l’offre aux variations des prix.»

La littérature économique mentionne plusieurs conséquences liées au protectionnisme, en commençant par la diminution du commerce international et sa réorientation géographique. Il semblerait logique que le commerce diminue car toute taxe a tendance à limiter l’activité visée. Peut-être que l’analyse de la Maison Blanche s’arrête là pour expliquer que la balance commerciale s’en trouvera rééquilibrée.

Pourtant, de nos jours, les chaînes de production et d’approvisionnement sont tellement intégrées entre pays qu’il ne fait plus aucun doute qu’il faut importer pour pouvoir exporter. Si le volume d’importation reste constant, la balance commerciale se détériore, au lieu de s’améliorer. Une manière de se protéger contre cet effet serait bien sûr de substituer les fournisseurs. La substituabilité dépend de la sensibilité de la demande et de l’offre aux variations des prix, et tout simplement de la capacité pour le pays qui impose les taxes à l’importation de produire ce qui est maintenant taxé.

Encore une fois, les chaînes logistiques ont contribué à rendre la demande moins sensible aux variations des prix. En outre, malgré le fait que les Etats-Unis soient en passe de devenir le plus grand producteur mondial de pétrole, le pays a continué à importer près de 20% de sa consommation pétrolière en 2017. Cette limite à la substituabilité s’observe également dans les domaines de l’acier et de l’aluminium, par exemple.

«Certains pays consomment durablement
moins que ce qu’ils produisent.»

Plus fondamentalement encore, les déséquilibres sur le commerce international dépendent davantage de la consommation et de la capacité de production du pays en question. Des pays qui ont des déficits persistants sur leurs balances commerciales sont par définition des pays qui consomment au-dessus des revenus qu’ils génèrent.

De l’autre côté, certains pays consomment durablement moins que ce qu’ils produisent. Les Etats-Unis sont un exemple criant du premier cas, affichant depuis 1982 un déficit sur leur compte courant. Concernant le second, l’Allemagne incarne bien le phénomène. Pour minimiser le déséquilibre, les Américains devraient alors consommer moins, et les Allemands davantage. Comment obtenir un tel résultat? La réponse première des économistes serait bien sûr de mener une politique fiscale appropriée. L’Allemagne devrait soit réduire les impôts et/ou dépenser plus autrement (améliorer l’infrastructure, par exemple).

A contrario, aux Etats-Unis, la politique fiscale devrait être restrictive. En se lançant sur la voie de l’expansion fiscale, les Américains peuvent compter sur une dégradation de leurs déficits, commercial et budgétaire. Le protectionnisme, en somme et faute de grande guerre commerciale, peut impacter des comportements au niveau micro-économique, mais restera sans mordant sur le plan macro-économique illustré par la balance commerciale.

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