Se peut-il que la Chine devienne vieille avant d’être riche?
Rien ne semble plus aller dans l’Empire du Milieu, tout au moins sur le plan économique. Après un premier trimestre 2023 acceptable, les statistiques n’ont cessé de décevoir les investisseurs, à l’image des récentes données sur les prix (recul de l’indice de prix à la consommation de 0,5% en termes annuels) qui vont dans le sens d’un retour du risque de déflation dans la seconde économie mondiale.
Cette menace est loin d’être anodine dans un pays qui est confronté aux affres du difficile traitement d’une bulle immobilière qui ne cesse de menacer le système économique et financier. Dès lors et contre les attentes des autorités, il n’y a rien d’étonnant à ce que le consommateur chinois continue à serrer les cordons de la bourse, puisque la confiance est loin d’être au rendez-vous. Au demeurant, ce dernier point est l’expression la plus flagrante de l’échec économique de Xi Jinping dont la politique de «prospérité commune» tourne au «désastre».
Qu’on le veuille ou non et même si nous avons tous pris conscience que la situation conjoncturelle chinoise est loin d’être reluisante, il faut tout de même reconnaître qu’il souffle comme un vent de panique au plus haut niveau de la hiérarchie pékinoise. L’arrêt de la publication de certaines statistiques économiques, dont celle emblématique du chômage des jeunes, ou encore l’absence de réunion du troisième plénum consacré aux questions économiques durant le dernier trimestre de 2023 donnent un sentiment légitime qu’il y a, au mieux, un flottement dans la gestion économique. Supprimer des données économiques n’a jamais altéré la réalité!
En outre, que dire de la gestion de l’épineuse question de la dette immobilière? Au fil des mois et de la confirmation de l’infection du système financier par les excès passés du «shadow banking» chinois, les mesures palliatives n’ont pas vraiment convaincu. Les dernières en dates, qui visent à favoriser l’octroi de prêts non garantis par le système bancaire, largement en mains étatiques, ont légitimement soulevés des interrogations et des doutes sur la faisabilité d’un tel plan. En effet, plutôt que d’offrir un plan structuré et complet pour traiter la question de l’endettement excessif de la sphère immobilière, elles apparaissent une nouvelle fois comme «un emplâtre sur une jambe de bois».
La sous-performance importante des actions chinoises démontre la pleine conscience de ces problèmes de la part des investisseurs internationaux, qui ont massivement vendu leur exposition sur la bourse au cours des derniers trimestres si l’on juge par les flux sur les ETF, me direz-vous. Peut-être? Ce qui pourrait signifier que le Chine offre des opportunités d’investissement pour l’an prochain? On peut être circonspects sur cette proposition néanmoins au regard de certains éléments.
D’abord la profitabilité des entreprises qui ne cesse pas de décevoir et de démontrer la faible efficience des sociétés étatiques chinoise, ne peut pas être ignorée. Ensuite, comme mentionné ci-dessus, la question du «nettoyage» des conséquences de la dette immobilière reste pour l’heure en suspens; en effet, aucune des propositions faites à ce jour ne semble en mesure d’offrir une perspective claire que ce problème sera traité de manière définitive. Il y a aussi une réalité qui démontre que «l’atelier de la globalisation» ne convainc plus : les investissements directs nets en Chine sont devenus négatifs ; même si des divergences statistiques existent sur la réalité absolue du phénomène, la tendance est clairement établie. A cet égard, certains observateurs ont vu dans la réduction des tensions sino-américaines - qui s’est matérialisée par un renouveau des rencontres bilatérales de haut niveau et surtout par la rencontre entre Xi et Joe Biden - la meilleure preuve que les autorités de Pékin sont bien conscientes que le désamour des investisseurs internationaux ne peut pas continuer éternellement. Enfin, les annonces très récentes de la volonté du pouvoir de prendre des mesures de stimulation fiscale en 2024 démontrent, on ne peut mieux, que la conjoncture chinoise, décevante, est loin d’être stabilisée.
Tout cela laisse donc le sentiment que le pari des actions chinoises pour 2024 est loin d’être une évidence que chacun devrait saisir. Il faut peut-être se concentrer, en l’état, sur une réflexion à plus long terme et essayer de dégager des conclusions sur les problèmes structurels auxquels la Chine est confrontée (le vieillissement de population en particulier mais aussi l’échec de la politique de renforcement de la consommation dans la croissance).
La deuxième économie mondiale traverse une période de turbulences importantes. Sa capacité à les traiter est écornée par la gestion des dernières années. Est-ce à dire que les défenseurs de l’idée que la Chine sera vieille avant d’être riche ont gagné la partie ? Une question qui n’est pas sans conséquence n’ont seulement pour Xi et le parti communiste chinois mais aussi pour l’économie mondiale qui observe les fissures économiques qui se font jour dans l’Eldorado de l’Empire du Milieu.