Dette privée, une classe d'actif résiliente, performante et attractive

Clément Schappler, Hermance Capital Partners

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La dette privée continue d’attirer les investisseurs. Il est intéressant de noter la destination de ces engagements en termes de géographie et de stratégie.

La dette privée continue d’attirer les investisseurs avec plus de 70 milliards de dollars engagés sur le seul premier semestre de 2021 dans le monde entier. Il est intéressant de noter la destination de ces engagements en termes de géographie et de stratégie au sein de cette classe d’actif.

L’Amérique du Nord représente plus de 60% des engagements en dette privée avec toutefois un léger recul par rapport à l’année 2020. L’Europe prend le relais avec une croissance des engagements de près de 15% et une «part de marché» se rapprochant des 40%. Au niveau des stratégies, c’est le Direct Lending1 qui se taille la part du lion des allocations avec près de 50% des engagements totaux, en forte hausse de plus de 50% sur le premier semestre de 2021. Le reste des engagements se répartit en part pratiquement égales sur les stratégies Distressed2, Special Situations3 et Mezzanine4, avec toutefois des allocations en recul significatif de 15% à 20% selon les cas. Ces allocations nous semblent confirmer la bonne reprise de l’économie post-covid. Elles confirment également des tendances de fond que nous avons identifiées et observées depuis plusieurs années, notamment la désintermédiation des banques dans le domaine du financement des entreprises, et le potentiel extraordinaire des sociétés du mid-market (le fameux «Mittelstand» bien connu en Suisse et en Allemagne) qui ont rarement accès aux marchés obligataires pour le financement de son développement.

D’autres éléments intéressants sont à relever au sujet des fonds présents sur cette classe d’actifs, notamment en termes de taille, de capacité d’investissement («Dry Powder») et de performance.

En théorie, c'est l'actionnaire de l'entreprise qui paie la facture, car moins de liquidités sont disponibles pour les détenteurs en capital.

En termes de taille, on observe une certaine tendance à la concentration du secteur, avec un nombre réduit de véhicules d’investissement et une nette augmentation de la taille moyenne des fonds. C’est le segment des fonds de $1-5 Mia qui capte la majorité des engagements mais nous pensons que cela n’affecte en rien la profondeur du marché et le choix potentiel des investisseurs. Cette tendance se reflète également dans les montants levés pour un tout premier vintage de fonds de dette privée, lesquels sont en forte baisse de plus de 50%. Il y a donc peu de nouveaux acteurs et les opérateurs existants récoltent les fruits de leur excellent track record depuis de nombreuses années.

Malgré ces levées de fonds importantes, la capacité d’investissement des opérateurs en dette privée, c’est-à-dire les montants restants à investir ("Dry Powder"), s’est traduite par une baisse significative de plus de 10%. Cela démontre que l'argent levé auprès des investisseurs a bien été déployé et injecté dans l'économie réelle. A notre avis, cela marque une opportunité d’allocation pour les investisseurs intéressés par la dette privée. Nos discussions avec les gestionnaires de fonds («GPs») confirment cette tendance, c’est-à-dire un pipeline de transactions très robuste et à des termes attractifs. Nous nous attendons donc à un niveau de déploiement record sur le deuxième semestre de 2021.

Au niveau des performances, le premier trimestre 2020 fut le plus bas historique avec un IRR négatif de 7% pour la classe d’actif au niveau global. Cette performance s’explique aisément par les pertes subies suite au quasi-arrêt de l’économie due à la pandémie. Bien qu’une performance négative soit toujours décevante, le niveau de la perte démontre par contre la bonne résilience de cette classe d’actif dans une période de stress historique. Nous observons de plus une belle reprise sur les quatre trimestres suivants avec une perte largement effacée.
Enfin, la question se pose sur le comportement de la stratégie dette privée dans un environnement de taux haussier. Premièrement, la majorité des prêts de Direct Lending est octroyée à taux variable, c'est-à-dire qu'une hausse du taux de référence se reflète automatiquement sur le rendement du crédit. Ensuite il est évident qu'une hausse des taux mettra sous pression la capacité de remboursement des entreprises. En théorie, c'est l'actionnaire de l'entreprise qui paie la facture, car moins de liquidités sont disponibles pour les détenteurs en capital. Pour les investisseurs en dette privée, tenir compte de cet élément nécessite de faire des choix d'allocation vers certains secteurs moins sensibles à la hausse des taux, ou encore de choisir des fonds finançant des entreprises avec des taux de levier moins importants. Un autre choix peut être de se tourner vers des stratégies Distressed ou Special Situations. La bonne nouvelle, c'est que l'univers d'investissement de la dette privée a atteint un tel volume que le choix est vraiment disponible en fonction de la conviction et des objectifs des investisseurs.

La combinaison i) des tendances de long terme, ii) du potentiel économique des entreprises du mid-market et iii) de la situation actuelle des mécanismes de financement des entreprises représente une opportunité unique pour l’investissement et le succès du secteur de la dette privée dans les années à venir.

 

1 Direct Lending: il s'agit du financement d'entreprises par des acteurs non-bancaires. Les sociétés financées sont traditionnellement des entreprises privées de taille moyenne, détenues par des fonds de capital investissement ou non.
2 Distressed: Il s'agit de la reprise de dette dont le débiteur est en défaut ou proche de la faillite. Cette stratégie créée de la valeur en rachetant ces crédits à un prix bas et en restructurant les dettes de l'entreprise.
3 Special Situations: comme son nom l'indique, cette stratégie intervient lorsqu'un évènement spécial se produit, par exemple une crise de liquidité, et permet à un investisseur d'injecter du capital, soit sous forme de crédit ou de fonds propres, a une valeur fortement décotée.
4 Mezzanine: il s'agit du financement d'entreprises par une tranche de crédit dont le remboursement est subordonné, c'est-à-dire non-prioritaire, par rapport aux prêts bancaires et au prêts de Direct Lending.

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