Des thèmes familiers avec quelques rebondissements

Philippe G. Müller, UBS

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L'évolution des marchés dépendra essentiellement de la mise en œuvre éventuelle des taxes douanières promises et de la réaction de la Fed.

© Keystone

Cette année, les développements dans le conflit commercial sino-américain et la politique monétaire de la Réserve fédérale (Fed), ont été les principaux déterminants du marché. En juin et en juillet, les actions mondiales ont rebondi, portées par l'espoir grandissant d'un abaissement des taux par la Fed et après que les Etats-Unis et la Chine ont conclu une trêve commerciale lors du sommet du G20.

Mais les actions sont maintenant inférieures de 3,5% à leur pic de juillet, après avoir perdu jusqu'à 6%. La réduction des taux d'intérêt par la Fed au 31 juillet (25 points de base) a déçu les espoirs d'une action plus vigoureuse. Un jour plus tard, le président Donald Trump a ranimé le conflit, menaçant d'imposer des taxes douanières de 10% sur les 300 milliards de dollars restants d'importations chinoises, qualifiant par la suite la Chine de «manipulatrice de monnaie».

Le président Trump a soulevé la menace de nouvelles barrières car,
selon lui, la Chine a renié les promesses faites dans le cadre de la trêve.

L'évolution des marchés dépendra essentiellement de la mise en œuvre éventuelle des taxes douanières promises et de la réaction de la Fed. La Recherche d’UBS distingue trois scénarios principaux.

Le scénario positif (probabilité: 20%)

L'issue la plus favorable serait une désescalade. La Chine pourrait faire des concessions (par exemple acheter davantage de produits agricoles américains) qui inciteraient le président Trump à retirer ses menaces de nouvelles taxes, voire à annuler certaines taxes et sanctions existantes.

Mais cela semble très peu probable. Le président Trump a soulevé la menace de nouvelles barrières car, selon lui, la Chine a renié les promesses faites dans le cadre de la trêve. Et loin de se montrer prête à faire des concessions, la Chine vient de suspendre les importations agricoles américaines, a laissé le yuan s'affaiblir au-delà de 7 pour un dollar et a brandi la menace de représailles proportionnelles en cas de nouvelles taxes. Au vu de ces surenchères, la désescalade semble peu probable pour le moment.

Le scénario de référence (probabilité: 50%)

Si la Chine n'offre pas de concessions, le président Trump a montré qu'il était prêt à concrétiser ses menaces tarifaires. Il n'y a aucune vraie raison de croire qu'il se dédira cette fois. Le scénario de base de la Recherche d’UBS suppose donc que les taxes de 10% entreront en vigueur au 1er septembre.

L'administration Trump voudra probablement éviter
une récession avant les élections présidentielles.

Cela ne suffira certainement pas à entraîner l'économie américaine dans une récession, mais cela ne manquera pas de freiner l'économie, tout en plombant davantage le moral des entreprises.

Le scénario négatif (probabilité: 30%)

L'hypothèse de risque suppose des taxes de 25% sur toutes les importations américaines en provenance de Chine, ce qui compromettrait gravement la conjoncture mondiale. Dans ce cas, la Recherche d’UBS estime à 50% la probabilité d'une récession aux Etats-Unis en 2020. L'administration Trump voudra probablement éviter une récession avant les élections présidentielles et, jusqu'à présent, la réaction de la Chine à la hausse des tarifs douaniers a été mesurée.

Mais si la Chine perdait patience et exploitait toutes les options dont elle dispose – par exemple laisser le yuan se déprécier bien plus fortement (vers 7,3-7,5), établir une longue liste d'«entités non fiables», limiter les exportations de terres rares ou se débarrasser de bons du Trésor américains – cela ne ferait qu'accroître le risque que les Etats-Unis imposent des taxes douanières de 25%.

Les stratégies de portage comme solution

La prochaine inconnue est la réaction de la Fed lors de sa réunion de septembre, si le scénario de référence s'avère correct. Une réduction de 50 points de base (pb) d'ici la fin de l'année suffirait certainement à compenser l'impact des taxes douanières sur les marchés. Si la Fed n'abaissait ses taux que de 25 pb, les marchés seraient sans doute déçus.

Quoi qu'il en soit, on se dirige probablement vers un environnement de croissance au ralenti et de taux d'intérêt encore plus faibles. Aussi, la Recherche d’UBS met davantage l'accent sur les stratégies de portage (carry trades) qui peuvent aider à stimuler l'évolution d'un portefeuille.

La forte exposition des actions de la zone euro au commerce mondial signifie
que l'impact indirect des taxes américaines de 10% pourrait être important.

Dans cette stratégie de change, il conviendrait de surpondérer un panier de devises émergentes à haut rendement, par rapport à un panier à rendement inférieur. De même pour le crédit investment grade en euros par rapport aux obligations de premier plan, car les écarts de crédit devraient être soutenus par une Banque centrale européenne accommodante. Les obligations souveraines des marchés émergents devraient également être surpondérées, car elles recèlent une bonne valeur à long terme.

Diversification des actions nécessaire

Parmi les actions, une approche sélective par région devrait être maintenue, qui reflète notamment l'impact potentiel des nouvelles mesures douanières sur les résultats des entreprises. Plus précisément, il serait judicieux de surpondérer les actions américaines (pour lesquelles une croissance du BPA de 1% en 2019 et de 7% en 2020 est toujours prévue), et de sous-pondérer celles de la zone euro, car une stagnation des bénéfices en 2019 avec des risques à la baisse est attendue.

La forte exposition des actions de la zone euro au commerce mondial signifie que l'impact indirect des taxes américaines de 10% pourrait être important. Si, au second semestre, la conjoncture ne se redresse pas dans l'union monétaire, la croissance des bénéfices pourrait ralentir de trois à cinq points.

Etant donné les risques potentiels à la baisse – dans le scénario négatif, les actions pourraient reculer de 10% à 15% ou plus – la Recherche d’UBS équilibre par ailleurs son exposition au moyen de positions anticycliques. Elle est exposée au yen japonais, qui, sous-évalué, peut aider à protéger les portefeuilles en cas de volatilité des marchés et détient une option de vente sur le S&P 500.

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