Il a déclaré que les produits importés du Canada et du Mexique seraient taxés à hauteur de 25% et ceux en provenance de Chine à hauteur de 10% «en plus d’éventuels droits de douane supplémentaires» jusqu’à ce que ces trois pays répondent à ses griefs concernant l’immigration illégale et le trafic de stupéfiants.
La dédollarisation a pris de l’ampleur
Quelques jours plus tard, Donald Trump a mis en garde les pays BRICS qui prônent la dédollarisation. Il a brandi la menace de droits de douane de 100% sur leurs exportations vers les Etats-Unis s’ils ne renoncent pas à créer une nouvelle monnaie commune ou à soutenir une alternative au dollar.
Le groupe des BRICS, dont le noyau dur est composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, s’est élargi cette année à l’Egypte, à l’Ethiopie, à l’Iran et aux Emirats arabes unis. La dédollarisation a pris de l’ampleur à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a amené les gouvernements occidentaux à saisir les avoirs de la Banque de Russie. L’or est l’un des bénéficiaires de cette dédollarisation.
Les dernières menaces de Donald Trump et la propension au marchandage et à l’isolationnisme du président élu laissent entrevoir un durcissement de la politique commerciale des Etats-Unis. Même si l’on ne connaît à ce stade que les contours de la politique de la future administration, il y a plusieurs points à retenir pour les investisseurs internationaux. Tour d’horizon.
- La nature transactionnelle des droits de douane prend forme
Le recours aux droits de douane comme un moyen de pression sur des questions non commerciales, ainsi que les nominations de Scott Bessent au poste de secrétaire au Trésor et de Jamieson Greer au poste de représentant au Commerce, confirment la propension au marchandage de la future administration Trump. Il s’agit pour cette dernière d’obtenir un moyen de pression pour obtenir des résultats plutôt que de se conformer aux processus ou aux normes en vigueur.
Dans une récente tribune libre sur Fox News, Scott Bessent a déclaré que les droits de douane pourraient servir «à inciter les alliés (des Etats-Unis) à dépenser davantage pour leur propre défense, à ouvrir des marchés étrangers aux exportations américaines, à obtenir une coopération pour mettre fin à l’immigration clandestine et interdire le trafic de fentanyl, ou encore à dissuader les agressions militaires».
Jamieson Greer a joué un rôle clé dans l’instauration des droits de douane sur les produits chinois lors du premier mandat de Donald Trump. En mai 2019, le président avait brièvement menacé le Mexique de taxer ses exportations à hauteur de 5%, voire plus, pour obtenir satisfaction sur la question de la frontière et des flux migratoires, avant d’y renoncer.
- Le timing et le caractère ciblé des dernières menaces laissent entrevoir des possibilités de négociation
L’actuel accord de libre-échange USMCA entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada n’est censé être réexaminé qu’en 2026 mais les récentes menaces de Donald Trump marquent effectivement le début des négociations. Les raisons de sécurité nationale invoquées sont recevables d’un point de vue juridique et le Mexique et le Canada ont déjà indiqué qu’ils prenaient des mesures pour résoudre les problèmes pointés par Donald Trump.
Les trois pays restent très dépendants les uns des autres sur le plan économique et les droits de douane élevés sur les importations phares des Etats-Unis comme le pétrole brut ou le bois d’œuvre risquent d’accentuer l’inflation des prix à la consommation aux Etats-Unis. L’instauration de droits de douane durables prendrait probablement plus de temps étant donné la nécessité de peaufiner les textes afin qu’ils résistent à des recours en justice.
L’accent mis sur les seules questions du trafic de stupéfiants et d’immigration suggère que l’administration Trump souhaite avant tout trouver une solution à ces problèmes indépendamment des différends commerciaux structurels avec les voisins d’Amérique du Nord et la Chine. Le plus important, du moins pour le moment, est probablement qu’on n’en est qu’au stade des menaces, et non de leur mise à exécution.
- Ces menaces peuvent engendrer des accès de volatilité sur les marchés mais les fondamentaux restent porteurs
Depuis la victoire électorale de Donald Trump, les marchés se sont surtout focalisés sur les politiques favorables à la croissance de la prochaine administration. L’indice S&P 500 a progressé de 5,7% en novembre, enregistrant sa meilleure performance mensuelle de l’année 2024.
Le scénario de base de la Recherche d’UBS pour l’année prochaine est celui d’une croissance toujours solide aux Etats-Unis, grâce à la déréglementation et à un regain de confiance des entreprises, qui peuvent compenser largement l’impact des droits de douane ciblés. Toutefois, le retour d’une diplomatie singulière, à grands renforts de messages diffusés sur les réseaux sociaux et de menaces de droits de douane, pourrait engendrer des accès de volatilité.
Même si on reste attentif au risque d’instauration de nouveaux droits de douane, l’optimisme est de mise pour les actions mondiales, notamment les actions américaines. La bonne santé de l’économie américaine, les bons résultats des entreprises, la poursuite de la baisse des taux de la Réserve fédérale américaine, ainsi que la forte croissance de l’IA sont de nature à soutenir les actions.
Aux Etats-Unis, la technologie, les services aux collectivités et la finance font partie des secteurs jugés attrayants. Les actions chinoises n’ont guère réagi aux annonces de Donald Trump il y a dix jours. Le marché se concentre sans doute sur la principale menace douanière, à savoir le taux de droits de douane de 60% évoqué pendant la campagne. On recommande donc toujours un positionnement défensif sur les actions chinoises.
Le dollar, pierre angulaire du système monétaire
Dans les années à venir, le dollar américain restera probablement la pierre angulaire du système monétaire international même si ce dernier est appelé à se diversifier. En effet, le dollar reste hégémonique sur les marchés financiers et dans le commerce international et sa liquidité reste un atout essentiel aux yeux de ceux qui gèrent des réserves de change internationales. Le dollar américain pourrait rester fort à court terme, porté par les droits de douane, par les baisses d’impôts et par la déréglementation.
Néanmoins, il semble surévalué et on peut suggérer aux investisseurs de profiter de sa vigueur à court terme pour réduire leur exposition. On préconise toujours l’ajout de couvertures de portefeuille telles que l’or, ainsi qu’une diversification au profit des actifs alternatifs et d’autres actifs moins corrélés. L’once d’or devrait atteindre 2900 dollars d’ici le milieu ou la fin de l’année 2025.