
Les établissements de banque privée en Suisse doivent concilier deux exigences majeures: garantir une conformité rigoureuse aux réglementations en vigueur et gérer une clientèle internationale aux profils diversifiés. Dans ce contexte, il leur revient de définir les marchés stratégiques prioritaires et de répartir les zones de couverture entre les banquiers privés de manière structurée.
Les Responsables de la Conformité jouent un rôle central dans cette organisation: ils veillent non seulement à la bonne application des obligations réglementaires, mais également à la formation continue des collaborateurs concernés.
La question de la «pureté des marchés»
Les banques privées doivent circonscrire avec précision les juridictions dans lesquelles elles souhaitent développer ou maintenir leur activité. Le principe de «pureté des marchés» consiste à limiter les activités commerciales à un nombre restreint de pays, définis à l’avance, afin de réduire les risques réglementaires. Certaines institutions autorisent une couverture étendue (jusqu’à dix-sept pays), tandis que d’autres privilégient un périmètre plus restreint (quatre à cinq juridictions) pour renforcer la maîtrise des risques.
Ces exigences s’appliquent également aux gérants de fortune externes, tenus d’aligner leurs pratiques sur les politiques internes de la banque.
La formation des banquiers privés: un impératif réglementaire
En tant qu’employeurs et entités soumises à régulation, les banques ont l’obligation légale d’assurer une formation régulière et actualisée à leur personnel. La complexité croît de manière exponentielle avec l’extension du champ géographique d’intervention: il existe une différence substantielle entre un collaborateur formé pour quatre juridictions et un autre devant maîtriser les spécificités réglementaires de dix-sept pays.
Pour répondre à ces exigences, les banques peuvent recourir à des formations internes ou solliciter des prestataires externes. Chaque établissement définit ses propres normes, qui incluent généralement:
- Une durée de validité spécifique de la formation par pays (1, 2 ou 3 ans);
- L’obligation de mise à jour en cas de modifications réglementaires majeures;
- L’interdiction d’exercer toute activité transfrontalière sans formation préalable validée;
- L’adhésion à des programmes certifiés par la SAQ (Swiss Association for Quality), tels que le CWMA (Certified Wealth Management Advisor), garantissant un processus de recertification régulier.
Dans certaines institutions, ces exigences s’étendent également au personnel de soutien des banquiers privés.
La conception, le suivi et la mise en œuvre de ces dispositifs représentent une charge significative pour les départements de la Conformité et des Ressources Humaines, en complément des autres programmes imposés par les régulateurs.
Vers une approche régionale et modulaire de la formation?
Les banques pourraient envisager une rationalisation de leurs dispositifs de formation, notamment en adoptant une approche régionale. Certaines zones géographiques, comme l’Afrique de l’Ouest, présentent des similitudes réglementaires notables. Il serait ainsi envisageable de concevoir une formation modulaire, combinant des modules généraux (communs à la région) et des compléments spécifiques à chaque juridiction.
Ce modèle permettrait d’optimiser les ressources internes, tout en offrant aux banquiers un cadre plus efficace et adapté à leur activité. Les outils numériques peuvent par ailleurs faciliter cette démarche en analysant les cadres réglementaires transfrontaliers et en proposant des parcours de formation ajustés aux priorités stratégiques et à l’appétence au risque de chaque établissement.
Les solutions numériques comme levier stratégique
Les technologies digitales offrent aujourd’hui aux banquiers privés des outils leur permettant d’évaluer, en temps réel, les services qu’ils sont autorisés à proposer selon les juridictions concernées. Que ce soit pour des produits d’investissement, des crédits ou des solutions patrimoniales, chaque recommandation est automatiquement soumise à un contrôle de conformité. Cela permet de limiter l’exposition à des risques fiscaux ou à des produits non conformes.
L’intégration de ces solutions dans les processus de conformité renforce non seulement la sécurité juridique, mais améliore également l’efficacité opérationnelle en réduisant le recours aux contrôles manuels.
Conclusion
À moyen et long terme, l’automatisation est appelée à jouer un rôle de premier plan dans la gestion de la conformité transfrontalière. Grâce à des plateformes intégrées ou à des outils interconnectés via API, les banques pourront appliquer automatiquement leurs protocoles de formation et assurer un suivi continu des obligations réglementaires.
Toutefois, la définition des politiques de conformité restera sous la responsabilité des départements spécialisés, garants de la cohérence stratégique de l’institution face aux enjeux internationaux.