Conseillers robots à l'épreuve du feu

Yves Hulmann

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Si les robo advisors ne paniquent pas, rien ne dit que les détenteurs de compte aient les nerfs aussi solides. Quelques enseignements à tirer.

Nés durant la période qui a suivi la crise financière, les conseillers robots, ou «robo advisors» en anglais, n’ont cessé de se multiplier au cours des dernières années. Rien qu’en Suisse, on dénombre désormais près d’une dizaine de plateformes de ce type qui se déclinent en plusieurs variantes, avec un degré d’automatisation plus ou moins prononcé. Outre True Wealth, le premier pur robot conseiller de Suisse opérationnel depuis 2014, on peut aussi citer les plateformes Descartes Finance, Selma, Elvia eInvest (rattaché à Allianz) ou encore Scalable Capital. Sans oublier bien sûr les courtiers en ligne Swissquote et Saxo Bank qui proposent depuis plusieurs années des solutions de type «robo advisor» dans leur offre de prestations.

Des plateformes débordées aux Etats-Unis début février

Jusqu’ici, ces plateformes n’ont encore pas subi d’accroc majeur. Reste que les problèmes techniques rencontrés début février outre-Atlantique par plusieurs des principales plateformes de ce type, à l’exemple de Betterment ou de Wealthfront, attestent de la nervosité d’une partie de leurs utilisateurs. Le 5 février, le jour où l’indice S&P 500 a subi sa plus forte baisse, les utilisateurs de Betterment et Weathfront ont fait état de difficultés, voire de l’impossibilité d’accéder à leur compte, les systèmes étant surchargés par les demandes d’accès.

Des outils supposés éviter tous biais comportementaux

Pourtant, en théorie, les robots conseillers ont justement été conçus de manière à permettre aux utilisateurs de ne pas devoir réajuster eux-mêmes leurs portefeuilles de placement. Une approche qui devrait éviter les biais comportementaux des investisseurs, ces derniers étant souvent tentés de réduire leurs positions dès que les marchés piquent du nez. Pratiquement, les utilisateurs de ces plateformes à faibles coûts doivent d’abord établir un profil de risque, définissant notamment la perte maximale qu’ils accepteraient de subir. Puis, ils indiquent au système leurs préférences en matière d’allocation d’actifs (dans les limites correspondant à leur profil de risque). Enfin, sur cette base, le conseiller robot achète les positions (généralement des ETFs) correspondant aux préférences des utilisateurs et de leur profil de risque. Ensuite, il se charge également de surveiller le portefeuille de placement et, au besoin, de le rééquilibrer en fonction de l’évolution des marchés.

Pas à l'abri d'attitudes irrationnelles

Voilà pour la théorie. Quant à savoir comment les détenteurs des comptes réagissent lors de fortes turbulences sur les marchés, la prudence reste de mise du côté des spécialistes de la finance comportementale. Parmi ceux-ci, Thorsten Hens, professeur à l’Université de Zurich, a mis en garde dans un article publié sur la plateforme LinkedIn à propos des risques liés à ces plateformes - dus surtout à l’attitude de leurs utilisateurs. Côté positif, l’expert relève que les robots ont effectivement l’avantage d’éviter les erreurs classiques commises par certains investisseurs. «Durant les phases de boom, on tend à accumuler excessivement les risques et quand les marchés chutent, on perd son sang froid», observe-t-il. Pour autant, selon l’expert, le recours aux conseillers robots ne suffit pas nécessairement à éviter de telles erreurs. Deux risques existent en particulier: en cas de plongée des marchés, certains investisseurs sont tentés de résilier le contrat qui les lie avec le conseiller robot et retirent leur argent. Ou alors, ils modifient leur profil de risque, en optant cette fois pour une approche beaucoup plus conservatrice. Dans les deux cas, la conséquence en sera la même: le client subira des pertes. Selon l’expert, des études ont démontré que les investisseurs qui s’appuient sur des systèmes entièrement automatisés abandonnent la partie plus vite que ceux qui consultent un conseiller personnel. En moyenne, ces erreurs de comportement coûtent aux investisseurs entre 4 et 6% de la fortune qu’ils ont placée. Son conseil: «Lorsque ça craque de toutes parts sur les marchés, mieux vaut retirer la prise à la machine», recommande-t-il. En situation critique, le conducteur d’un véhicule a aussi avantage à évaluer lui-même la situation plutôt que de se reposer sur son seul système de navigation, compare-t-il.

Inquiétudes et chasse aux bonnes affaires

Dans l’immédiat, les investisseurs n’ont pas cédé à la panique lors de la récente correction survenue début février. Du côté de True Wealth, Felix Niederer, son fondateur, reste serein. Certes, il a obtenu début février davantage de demandes de la part de ses clients. «Du fait que nous avons actuellement plus de 1’800 clients investis sur la plateforme, on observe toutes sortes de réactions. A savoir, d’un côté, des investisseurs surpris par la correction des marchés qui ont revu à la baisse leur tolérance envers le risque», observe-t-il Ceux-ci ont parfois modifié leur mix de placement en augmentant la part en obligations ou en liquidités, ou en retirant de l’argent. Il y a toutefois aussi des personnes qui ont agi inversément: «Fait intéressant, nous observons lors de telles phases qu’il y a, en fin de compte, toujours davantage de clients qui décident alors justement de verser de l’argent». Et s’il y a des clients qui ont augmenté la part en cash après la chute des marchés, «c’est la minorité d’entre eux», assure-t-il. «Dans l’ensemble, nos clients restent tranquilles – ils savent que les corrections de marché font partie du processus d’investissement», résume-t-il. Son conseil? En tant qu’investisseur, il faut au début du processus d’investissement «être honnête avec soi-même» puis ensuite «maintenir le plus possible sa stratégie d’investissement, même lors de périodes agitées», recommande Felix Niederer.